L'Aisne avec DSK

12 mars 2007

Un chef s'en va.

Bonjour à toutes et à tous.

Avez-vous assisté hier au "tournant de l'Histoire", selon certains commentateurs? Avez-vous suivi la dramaturgie de "l'évènement"? Avez-vous été sensible à "l'émotion" avec laquelle Jacques Chirac a mis fin à 50 ans de vie politique? Il faut que la France soit un étrange pays pour monter en épingle un fait normal, banal en démocratie, un élu s'en va. A entendre les analyses, nous avions l'impression de vivre un sacrifice exceptionnel, un moment unique.

Intéressant aussi la façon de psychologiser ce non-évènement, cette annonce attendue: Chirac devenait un brave type. Quelqu'un qui aime la tête de veau et la bière Corona peut-il être franchement mauvais?

Pour moi, Chirac est d'abord quelqu'un qui n'a pas été un grand président. Et je ne le dis pas parce que je suis son adversaire politique. De Gaulle avait une dimension historique qu'il a assumée jusqu'au bout, Pompidou a industrialisé la France, Giscard a modernisé les moeurs. Je ne vois pas ce qu'il restera de Chirac. Je ne prétends pas qu'il n'a rien fait, ni rien de bien (je salue sa reconnaissance de la responsabilité de l'Etat dans le régime de Vichy). J'affirme que sa présidence ne marquera pas son temps et les esprits.

Chirac, à mes yeux, c'est d'abord un personnage surréaliste, "travailliste" en 1978, contre l'Europe puis pour l'Europe, dénonçant la "fracture sociale" et déclenchant en 1995, après quelques mois seulement de présidence, une grève historique, dissolvant l'Assemblée Nationale en 1997 et redonnant ainsi le pouvoir à la gauche, faisant le plus mauvais score d'un président sortant aux premier tour de 2002 puis le meilleur score au second tour. C'est l'homme de droite qui finit dans la peau d'un écologiste altermondialiste!

Mais Chirac, et je suis surpris que personne n'en parle, ce fut surtout, pendant 30 ans, le chef de la droite, le représentant des intérêts de ses couches sociales, l'agent électoral de ses organisations politiques. De la création du RPR à la création de l'UMP, la tâche de Jacques Chirac a toujours été la même: défendre et structurer le camp conservateur. Le moment de sa vie où il aura eu le plus de cohérence et d'effets politiques, c'est de 1986 à 1988, lorsqu'il mena, inspiré par Reagan et Thatcher, une politique de privatisation comme jamais la France n'en avait connue en 50 ans.

Bonne fin d'après-midi.