L'Aisne avec DSK

24 juin 2007

Où est le progrès?

La refondation du socialisme amènera inévitablement à réinterroger la notion de "progrès". Longtemps, un homme de gauche était qualifié d'homme de progrès ou progressiste. Le progrès pose aujourd'hui problème, plus précisément la perception du progrès. Dans mon billet de début de matinée, je disais qu'une hausse de 0,25% du SMIC n'était pas vraiment considérée comme un réel progrès, dans une société où l'argent part très vite dans la consommation, où la télévision nous montre des exemples de fortune à côté desquels les 0,25 du SMIC font plus pitié qu'envie. Je pourrais multiplier les exemples.

Prenez les 35h. C'est incontestablement un progrès social, mais qui n'a pas été perçu comme tel par beaucoup, y compris chez ceux qui apprécient leurs journées de RTT et ne voudraient pour rien au monde s'en séparer. N'allons nous par vers une société de l'insatisfaction permanente, du désir insatiable, dans laquelle aucun progrès n'est plus possible car aucun ne convient et ne comble vraiment? Je me demande si la conscience du progrès n'est pas réservée aux sociétés malheureuses, qui apprécient alors tout bienfait qui améliore rien qu'un peu leur condition. Ce constat, s'il est vrai, est désespérant pour qui fait de la politique puisque le progrès aurait perdu tout son sens. C'est à réfléchir.

Je prends un autre exemple. J'ai entendu à la radio, il y a quelques jours, des voyageurs protester contre le TGV-Est, accusé de ... ralentir les trajets entre Paris, Reims et Strasbourg. La grande vitesse qui produit de la lenteur, voilà un paradoxe qui m'intéresse et un problème technique qui mérite explication:

1- Depuis la mise en route des TGV vers l'Est, les trains ordinaires ont été réduits. Normal, puisque ce sont les TGV qui les remplacent.
2- Ces TGV sont tellement rapides, pratiques et confortables qu'ils remportent un vif succès. Les réservations sont généralement complètes.
3- Conséquence: à défaut de places, les voyageurs se retournent vers les trains ordinaires, qui sont moins nombreux. Donc, ces voyageurs rentrent beaucoup plus tard chez eux.
4- Parmi les voyageurs qui fréquentent cette ligne, beaucoup travaillent à Paris et rentrent le soir. Mais dans la capitale, avec les incertitudes du métro ou du travail qui se prolonge, les retards à la Gare de l'Est sont fréquents. Avec les trains ordinaires, ça ne posait pas trop de problème, il suffisait de prendre le suivant. Avec les TGV, les délais entre deux trains sont plus longs et le retour à la maison aussi.

Moralité: à bas le TGV, faux progrès, vive le train ordinaire! Bien sûr, on me dira qu'il faut un temps d'adaptation, que la SNCF va peut-être rajouter des trains ordinaires (un comble!) ou des TGV, que les voyageurs vont s'adapter aux nouveaux horaires. C'est possible et je ne doute pas qu'une solution sera trouvée. Il n'empêche que la première réaction est là et qu'elle demeurera, comme toute première réaction: à bas le progrès!

Notre société est trop tournée vers l'avenir pour comprendre et apprécier les progrès. Car un progrès n'existe que par rapport à un passé qu'on a surmonté. A ne penser qu'au futur, intention louable par ailleurs, on se met en incapacité de juger les progrès, tout devient insatisfaisant puisque tout pourra être mieux demain.

Autre remarque: je me demande si les problèmes modernes et donc aussi leurs solutions ne sont pas techniques au lieu d'être politiques. Je reviens aux 35h. Politiquement, tout le monde trouve très bien les 35h, même Chirac. Mais techniquement, ponctuellement, individuellement, "concrètement" comme on dit aujourd'hui, elles ont été très critiquées. Je repense à Marx et à Lénine: pour eux, la société sans classes n'est pas une société sans problèmes ni conflits, mais c'est une société où les problèmes, les conflits et leurs réponses ne sont plus de nature politique mais technique ou administrative.

Le marxisme authentique n'est pas hostile à l'entreprise. Au contraire, il veut étendre son mode d'organisation à l'ensemble du pays, transformer les gouvernements en purs et simples conseils d'administration, remplacer la politique par la gestion. Pour Marx, le management capitaliste est trop politique, trop déterminé par des enjeux de pouvoir (car la politique, en dernier ressort, c'est la lutte pour la conquête ou la conservation du pouvoir). Bref, je me demande si nous ne sommes pas entrés partiellement dans une société qui réclame non plus des réponses politiques mais des solutions techniques.

Bonne fin de matinée.

2 Comments:

  • Faut pas boire entre les repas. Le marxisme est une philosophie morte. RIP.

    By Blogger jpbb, at 7:33 PM  

  • "In vino veritas", la vérité est dans le vin, affirmaient les sages de l'Antiquité. A la vôtre!

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 11:34 PM  

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