Le marché, réalité et idée.
Bonjour à toutes et à tous.
Dans le travail de refondation, les socialistes devront d'urgence repenser, préciser et clarifier leur rapport au marché. Jusqu'à présent, le marché est vécu comme un pis aller, au mieux la condition de production des richesses, au pire la cause de toutes les exploitations. Nous acceptons le marché mais nous le critiquons et ne proposons rien d'autre sinon sa régulation. On sent bien que cette position est intellectuellement fragile et insatisfaisante.
D'abord, il faudrait dire exactement de quoi on parle. A l'origine, le marché est une belle image, la place publique où les commerçants se retrouvent pour vendre et le peuple pour acheter. Le marché est au coeur de la cité et de la population, il est en ce sens citoyen et populaire. Il est nécessaire, vital, vivant, car essentiellement voué au commerce alimentaire. C'est une représentation très positive de l'activité et de la société humaines, un espace de rencontres, d'échanges, de mélanges.
Pourquoi l'image du marché est-elle devenue négative? Bien sûr, le marché est lié à l'utilité et à l'argent, mais mieux vaut le marché comme représentation de la vie et des rapports humains que le champ de bataille. Justement, n'y a-t-il pas une perception du marché qui renvoie à la guerre (économique)? Le marché comme loi de la jungle, victoire du fort sur le faible, production d'inégalités et d'injustices, écart grandissant entre l'extrême richesse et l'extrême pauvreté, réalité chaotique, dimension irrationnelle,... Le marché, très loin du paisible rassemblement de marchands sur la place de la ville, c'est aussi cela, c'est devenu cela, la poursuite de la guerre par d'autres moyens, économiques.
Mais le marché dans son idée n'a rien à voir avec cela, est même le contraire de cela. D'abord parce que c'est une idée, en rupture avec la sauvage réalité que je viens de décrire. Quelle idée? Conformément à l'image originelle, qui est un peu l'icône du marché, celui-ci est un lieu idéal d'échanges, de transactions, de ventes et d'achats parfaits, une activité librement rationnelle où l'intérêt particulier et l'intérêt général sont satisfaits, un monde producteur de lois, de règles et même de moralité et de justice (la concurrence loyale, par exemple). En ce sens, le marché repose sur un "contrat social" autant et autrement que la République. En ce sens, le marché est conciliable avec le socialisme, mais il faudra préciser leur articulation.
Je résume ma pensée: les socialistes doivent défendre l'idée et même l'idéal de marché mais dénoncer sa réalité primitive, grossière, barbare (le socialisme lui aussi connait cette forme détestable). Il faudra aussi penser le rapport entre libéralisme économique et libéralisme politique, ne pas se contenter d'affirmer que le premier est mauvais et le second très bien, car les deux ne sont pas étrangers l'un à l'autre. Il faudra également dépasser la distinction que faisait Lionel Jospin entre l'économie de marché, pour l'approuver, et la société de marché, pour la refuser. Car l'économie est dans la société, et réciproquement.
Bon après-midi.
Dans le travail de refondation, les socialistes devront d'urgence repenser, préciser et clarifier leur rapport au marché. Jusqu'à présent, le marché est vécu comme un pis aller, au mieux la condition de production des richesses, au pire la cause de toutes les exploitations. Nous acceptons le marché mais nous le critiquons et ne proposons rien d'autre sinon sa régulation. On sent bien que cette position est intellectuellement fragile et insatisfaisante.
D'abord, il faudrait dire exactement de quoi on parle. A l'origine, le marché est une belle image, la place publique où les commerçants se retrouvent pour vendre et le peuple pour acheter. Le marché est au coeur de la cité et de la population, il est en ce sens citoyen et populaire. Il est nécessaire, vital, vivant, car essentiellement voué au commerce alimentaire. C'est une représentation très positive de l'activité et de la société humaines, un espace de rencontres, d'échanges, de mélanges.
Pourquoi l'image du marché est-elle devenue négative? Bien sûr, le marché est lié à l'utilité et à l'argent, mais mieux vaut le marché comme représentation de la vie et des rapports humains que le champ de bataille. Justement, n'y a-t-il pas une perception du marché qui renvoie à la guerre (économique)? Le marché comme loi de la jungle, victoire du fort sur le faible, production d'inégalités et d'injustices, écart grandissant entre l'extrême richesse et l'extrême pauvreté, réalité chaotique, dimension irrationnelle,... Le marché, très loin du paisible rassemblement de marchands sur la place de la ville, c'est aussi cela, c'est devenu cela, la poursuite de la guerre par d'autres moyens, économiques.
Mais le marché dans son idée n'a rien à voir avec cela, est même le contraire de cela. D'abord parce que c'est une idée, en rupture avec la sauvage réalité que je viens de décrire. Quelle idée? Conformément à l'image originelle, qui est un peu l'icône du marché, celui-ci est un lieu idéal d'échanges, de transactions, de ventes et d'achats parfaits, une activité librement rationnelle où l'intérêt particulier et l'intérêt général sont satisfaits, un monde producteur de lois, de règles et même de moralité et de justice (la concurrence loyale, par exemple). En ce sens, le marché repose sur un "contrat social" autant et autrement que la République. En ce sens, le marché est conciliable avec le socialisme, mais il faudra préciser leur articulation.
Je résume ma pensée: les socialistes doivent défendre l'idée et même l'idéal de marché mais dénoncer sa réalité primitive, grossière, barbare (le socialisme lui aussi connait cette forme détestable). Il faudra aussi penser le rapport entre libéralisme économique et libéralisme politique, ne pas se contenter d'affirmer que le premier est mauvais et le second très bien, car les deux ne sont pas étrangers l'un à l'autre. Il faudra également dépasser la distinction que faisait Lionel Jospin entre l'économie de marché, pour l'approuver, et la société de marché, pour la refuser. Car l'économie est dans la société, et réciproquement.
Bon après-midi.
2 Comments:
Il suffit d’aller sur les marchés pour s’apercevoir que l’on ne peut caractériser ni l’acheteur, ni le vendeur. Je fais ici une petite illustration personnelle:
Visitez le marché de Rochefort sur Mer, le plus beau de Charente Maritime. Il y avait plein de petits producteurs locaux, qui survivaient grâce à leur lopin de terre, pas très grand, et qui vendaient, sans sans rendre compte d’excellents produits bio, sans en avoir l’appellation. C’est comme les pêcheurs, le poisson est bio mais maintenant on arrive à avoir du poisson d’élevage avec de résidus d’antibiotique néfaste pour notre santé. Au fil des ans, se sont implantés des revendeurs, qui vendent les mêmes marchandises que l’on peut se procurer en supermarché. Ils s’achalandisent tous au même grossiste, et finalement on ne retrouve principalement sur le marché que les petits vieux qui n’ont pas de voiture pour aller faire leur course au supermarché et les touristes en promenade, en gros.
Tout cela pour dire qu’il y a une historique des marchés, que cela peut être aimable, surtout quand on a des sous, que cela est la jungle quand les miséreux récupèrent les avariés, et que l’humain est fait du beau et du laid.
Le peuple achète et vend. Les commerçants font partie du peuple, inutile cher Emmanuel d’essayer de les opposer.
Bien sûr que la guerre économique est également une réalité. Joue au patron, et tu t’en rendra compte. L’équipe d’en face ne rêve que de te prendre ton bout de gras, et c’est pareil pour tous.
Par contre, ce qui manque dans ta représentation, c’est la guerre idéologique, celle qui impose sa loi au marché et aux hommes. La vision partagée, celle où l’on respecte l’autre, ou l’on collabore dans un esprit clair, avec un but qui soit bénéfique pour tous. C’est d’abord une utopie, mais quand elle est partagée et respectée, cela devient un chemin.
By jpbb, at 3:10 PM
- Loin de moi l'idée d'opposer les commerçants au peuple, puisqu'ils en proviennent (historiquement, la bourgeoisie est issue du peuple).
- La guerre idéologique, oui. Elle est je crois le prêtexte ou la raison d'être de la guerre militaire.
By Emmanuel Mousset, at 9:11 PM
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