Notre base sociale.
Bonsoir à toutes et à tous.
Je poursuis ma réflexion d'hier par la question suivante: quelle doit être la base sociale du parti socialiste? Tout électorat se constitue à partir d'une base sociale. Il n'y a pas individualisme absolu qui ferait que chaque citoyen voterait en son âme et conscience, dans une démarche purement personnelle, libre et rationnelle (si tel était le cas, idéal, nous serions en régime socialiste, avec une humanité entièrement émancipée).
La réalité est tout autre: les conditions sociales déterminent fortement nos représentations et nos choix politiques. Tant que la grande majorité des banquiers, notaires, patrons, commerçants, médecins voteront invariablement à droite, comme invariablement il fait froid quand tombe la neige, la position sociale, les intérêts de classe seront prépondérants dans la vie politique et le fonctionnement de la démocratie.
Le jour où les banquiers, notaires, patrons, commerçants et médecins voteront indifférement à droite et à gauche, nous aurons atteint le socialisme. Mais ce jour-là, il n'y aura probablement plus une droite et une gauche, c'est-à-dire des choix politiques et collectifs, mais des choix seulement techniques ou individuels. Nous ne serons pas dans une "société sans classes" mais dans une société où les classes sociales n'auront plus l'exclusivité du pouvoir politique (elles ou leurs représentants politiques).
En attendant ces jours heureux, le PS doit reconstituer sa base sociale, qui ne peut plus être, en son centre, la classe ouvrière, qui a joué son rôle historique et politique au XIXème siècle et dans une bonne moitié du XXème, comme Marx l'avait prédit. Parmi les socialistes revient régulièrement l'idée d'une alliance de classes entre exclus, ouvriers-employés et classes moyennes-petite bourgeoisie, théorisée notamment par Lionel Jospin, reprise du traditionnel "front de classes". Je ne suis pas convaincu par cette formule théorique, qui a politiquement échoué en 2002. Marx déjà s'était heurté au problème de l'alliance entre prolétaires et paysans, sans pouvoir y répondre vraiment. Alors, quelle doit être aujourd'hui notre base sociale?
D'abord, il faut dire que la notion de "classe" sociale chez Marx n'est pas comparable à un tiroir dans lequel on range ses chaussettes, une case strictement déterminée et délimitée. Ses contours sont mouvants, flous, sa réalité est plus thermodynamique que physique ou sociologique. La classe ouvrière par exemple n'existe pas en soi, mais dans la conscience qu'elle se fait d'elle-même, dans la construction politique et syndicale de son unité, à travers le processus économique et historique de son exploitation. Il faut avoir cela à l'esprit dans la recherche de la base sociale à partir de laquelle se reconstruira le socialisme.
J'insiste: la classe ouvrière n'a jamais été homogène. Au XIXème siècle, il y a la masse industielle, les prolétaires, en quoi Marx fonde ses espoirs de révolution, mais aussi une "aristocratie ouvrière" d'artisans et d'ouvriers indépendants soutenus plutôt par les anarchistes. La Commune de Paris en 1871 est plus le fait des seconds que des premiers (d'où l'hésitation de Marx, au départ, à soutenir l'insurrection). Dans les années 1960, il sera beaucoup question de la "nouvelle classe ouvrière" (l'expression est de Serge Mallet), les ouvriers spécialisés et les techniciens. Repérer la classe sociale qui reprendra la tâche d'émancipation des hommes que Marx assignait aux ouvriers de la grande industrie n'est donc pas chose facile.
Prenez les domestiques, valets et employés de maison de l'Ancien Régime. Tout les prédisposait historiquement à jouer un rôle social et politique majeur. Directement exploités par leurs seigneurs et maîtres, souvent lettrés, en tout cas informés de leur situation, non dénués de moyens pour paralyser le système aristocratique, trouvant en Molière un témoin brillant de leur condition, pourquoi ne se sont-ils pas collectivement révoltés, alors que les paysans, beaucoup plus soumis, divisés et ignorants, l'ont fait régulièrement? Rien n'est évident en matière de lutte politique et sociale. Ne cherchons pas actuellement des évidences (pourquoi un ouvrier vote-t-il Sarkozy?) qui n'existaient pas autrefois. Ne négligeons pas non plus les luttes interclasses ou transclasses, le soulèvement historique des femmes tout au long du siècle dernier et des minorités sexuelles, qui elles aussi contribuent à l'avènement du socialisme.
Bonne soirée.
Je poursuis ma réflexion d'hier par la question suivante: quelle doit être la base sociale du parti socialiste? Tout électorat se constitue à partir d'une base sociale. Il n'y a pas individualisme absolu qui ferait que chaque citoyen voterait en son âme et conscience, dans une démarche purement personnelle, libre et rationnelle (si tel était le cas, idéal, nous serions en régime socialiste, avec une humanité entièrement émancipée).
La réalité est tout autre: les conditions sociales déterminent fortement nos représentations et nos choix politiques. Tant que la grande majorité des banquiers, notaires, patrons, commerçants, médecins voteront invariablement à droite, comme invariablement il fait froid quand tombe la neige, la position sociale, les intérêts de classe seront prépondérants dans la vie politique et le fonctionnement de la démocratie.
Le jour où les banquiers, notaires, patrons, commerçants et médecins voteront indifférement à droite et à gauche, nous aurons atteint le socialisme. Mais ce jour-là, il n'y aura probablement plus une droite et une gauche, c'est-à-dire des choix politiques et collectifs, mais des choix seulement techniques ou individuels. Nous ne serons pas dans une "société sans classes" mais dans une société où les classes sociales n'auront plus l'exclusivité du pouvoir politique (elles ou leurs représentants politiques).
En attendant ces jours heureux, le PS doit reconstituer sa base sociale, qui ne peut plus être, en son centre, la classe ouvrière, qui a joué son rôle historique et politique au XIXème siècle et dans une bonne moitié du XXème, comme Marx l'avait prédit. Parmi les socialistes revient régulièrement l'idée d'une alliance de classes entre exclus, ouvriers-employés et classes moyennes-petite bourgeoisie, théorisée notamment par Lionel Jospin, reprise du traditionnel "front de classes". Je ne suis pas convaincu par cette formule théorique, qui a politiquement échoué en 2002. Marx déjà s'était heurté au problème de l'alliance entre prolétaires et paysans, sans pouvoir y répondre vraiment. Alors, quelle doit être aujourd'hui notre base sociale?
D'abord, il faut dire que la notion de "classe" sociale chez Marx n'est pas comparable à un tiroir dans lequel on range ses chaussettes, une case strictement déterminée et délimitée. Ses contours sont mouvants, flous, sa réalité est plus thermodynamique que physique ou sociologique. La classe ouvrière par exemple n'existe pas en soi, mais dans la conscience qu'elle se fait d'elle-même, dans la construction politique et syndicale de son unité, à travers le processus économique et historique de son exploitation. Il faut avoir cela à l'esprit dans la recherche de la base sociale à partir de laquelle se reconstruira le socialisme.
J'insiste: la classe ouvrière n'a jamais été homogène. Au XIXème siècle, il y a la masse industielle, les prolétaires, en quoi Marx fonde ses espoirs de révolution, mais aussi une "aristocratie ouvrière" d'artisans et d'ouvriers indépendants soutenus plutôt par les anarchistes. La Commune de Paris en 1871 est plus le fait des seconds que des premiers (d'où l'hésitation de Marx, au départ, à soutenir l'insurrection). Dans les années 1960, il sera beaucoup question de la "nouvelle classe ouvrière" (l'expression est de Serge Mallet), les ouvriers spécialisés et les techniciens. Repérer la classe sociale qui reprendra la tâche d'émancipation des hommes que Marx assignait aux ouvriers de la grande industrie n'est donc pas chose facile.
Prenez les domestiques, valets et employés de maison de l'Ancien Régime. Tout les prédisposait historiquement à jouer un rôle social et politique majeur. Directement exploités par leurs seigneurs et maîtres, souvent lettrés, en tout cas informés de leur situation, non dénués de moyens pour paralyser le système aristocratique, trouvant en Molière un témoin brillant de leur condition, pourquoi ne se sont-ils pas collectivement révoltés, alors que les paysans, beaucoup plus soumis, divisés et ignorants, l'ont fait régulièrement? Rien n'est évident en matière de lutte politique et sociale. Ne cherchons pas actuellement des évidences (pourquoi un ouvrier vote-t-il Sarkozy?) qui n'existaient pas autrefois. Ne négligeons pas non plus les luttes interclasses ou transclasses, le soulèvement historique des femmes tout au long du siècle dernier et des minorités sexuelles, qui elles aussi contribuent à l'avènement du socialisme.
Bonne soirée.
4 Comments:
pourquoi persister dans l'erreur? pourquoi continuer à étiqueter les citoyens de façon aussi obsoléte? sarko l'a compris; enfin partiellement . il a constitué un gouvernement hétérocilte, il fait des démonstrations de proximité populaire.... son populisme donne l'impression au citoyen de l'abolition de la notion de classe sociale. pour moi , le mal réel de notre démocratie est l'absence d'éducation citoyenne.et comme toute éducation il faut des cadres, des programmes réalistes et réalisables et surtout....expliquer au citoyen les tenants et aboutissants. un simple exemple : la fiscalité. à chaque gouvernement son lot de cadeaux fiscaux à grands coups d'effet d'annonce. pourquoi ne pas expliquer pédagogiquement au citoyen sa contribution à la république lorsqu'il s'acquitte de l'impôt par une transparence des affectations fiscales. un changement des institutions semble être également une piste sérieuse pour rendre au citoyen sa dignité et son intérêt pour la chose publique.
By Anonyme, at 8:11 AM
Je suis d'accord avec le commentaire précédent, à une petite nuance près: ce n'est pas "étiqueter les citoyens" que de rappeler qu'il y a des classes sociales, avec leurs intérêts, leur culture, leur histoire spécifiques. Personne ne vient de nulle part!
Le populisme consiste à faire croire qu'il existe un peuple homogène dont les individus vivraient en pleine harmonie sociale. C'est faux. Il y a des conflits sociaux, des divergences d'intérêts, des clivages politiques, ce que Marx appelait la "lutte des classes". Il ne s'en réjouissait pas puisque son espoir portait sur une "société sans classes"
Je crois donc qu'il faut tenir un langage de vérité, rappeler ce qu'est la réalité sociale, sans pour autant se transformer en révolutionnaires fous furieux!
By Emmanuel Mousset, at 9:31 AM
« Tout électorat se constitue à partir d'une base sociale ». Pétition de principe évident qui permet d'introduire toute la suite biaisée du raisonnement. Les choix sont par nature individuels grâce au secret de l'isoloir et ont permis à des ouvriers (et même à des socialistes) de voter Nicolas Sarkozy pour ne pas avoir une nouille présidente, Rocard confirmera ainsi que Besson.
On peut donc reformuler votre affirmation: tenter d'asseoir la refondation sur une base sociale du parti socialiste autre que les 70 % employés de la fonction publique ou territoriale serait un travail gigantesque que personne ne pourrait mener à bien. Il convient donc de remonter d'un cran, et d'asseoir le travail de réflexion à partir de l'éthique pour ratisser large.
By jpbb, at 3:19 PM
Quand on trouve un seul exemple qui contredit une affirmation, elle s'écroule.
http://pageperso.aol.fr/stengazeta/BABEL_Paul_Verlaine.html
http://www.mag4.net/Verlaine/Metz.html
http://fr.wikipedia.org/wiki/Kaspar_Hauser
Personne ne vient de nulle part, Kaspar lui vient d'ailleurs.
Un révolutionnaire est par définition fou furieux, faisant dépendre son désir d'une hallucination collective partagée.
By jpbb, at 3:28 PM
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