L'Aisne avec DSK

23 juillet 2007

Prenez votre temps.

J'ouvre aujourd'hui un nouvel ouvrage pour vous et soumettre quelques extraits à votre réflexion. Ce sera moins théorique que le précédent puisqu'il s'agit de l'écrivain Jean-Marie Rouart et des portraits vifs, justes et instructifs qu'il fait, dans Mes fauves, au Livre de Poche, 2007, de quelques hommes politiques français contemporains. Je commence par Sarkozy, qui déclare à Rouart, à propos du temps:

"Je me sens très éloigné d'une phrase du type; "j'ai le temps". Moi, je pense qu'on n'a jamais le temps. Le temps est une denrée si rare qu'il faut beaucoup d'arrogance pour le maîtriser." (page 30)

Humainement, je suis d'accord avec Sarkozy, je ne trouve pas assez de temps pour faire tout ce que j'ai envie de faire, je ressens douloureusement cette fuite du temps, ce manque de temps. Mais la sagesse ne consiste-t-elle pas à se donner du temps, puisque celui-ci nous manque? En tout cas, le rapport d'un individu au temps nous apprend beaucoup sur lui, et donc sur Sarkozy, son empressement, comme s'il craignait de ne pas pouvoir tout faire... à temps.

Vous me direz, tout ça, c'est de la psychologie, à quatre sous qui plus est! Peut-être, mais la politique, c'est aussi l'art du temps, de son utilisation, de sa gestion. Quels sont les deux instruments indispensables à toute action politique? Un téléphone et un calendrier, l'un pour maîtriser l'espace et rapprocher de soi ceux qui sont loins, l'autre pour organiser le temps. Mitterrand avait une approche du temps à l'opposé de celle de Sarkozy. Il "laissait le temps au temps", selon son expression favorite.

Concrètement, il savait s'extraire de la durée pour prendre du recul et de la hauteur, musarder chez les bouquinistes ou s'enfermer dans sa chambre d'hôtel pour lire de la poésie au beau milieu d'un sommet international (authentique!). Vous imaginez ainsi Sarkozy? Moi pas, et c'est dommage pour lui, et c'est embêtant pour la France. Notre président doit être le maître du temps, pas son esclave. La frénésie actuelle d'annonces et d'actions quotidiennes a certes un aspect plaisant, celui de l'homme qui agit, mais elle ne peut pas durer, elle risque l'essoufflement, il y aura bien un moment où il faudra s'arrêter, prendre son temps, s'appliquer sur chaque chose effectuée avant de passer précipitamment à la suivante.

Sarkozy croit qu'il est "arrogant" de "maîtriser le temps". C'est ce que disent ceux, comme lui, qui n'y parviennent pas. Arrogance non, orgueil sans doute, volonté et ambition assurément. C'est ce que je souhaite sincérement à notre président.

Bon après-midi, prenez votre temps, au travail ou en vacances.

4 Comments:

  • "time is money" "le temps c'est de l'argent" selon la tradition populaire! quand on sait que l'argent est le nerf de la guerre il est concevable de ne pas en perdre, du temps!
    En ce qui me concerne, je préfère toujours perdre un peu de temps pour examiner la situation, chercher les bonnes questions et si possible trouver les bonnes réponses pour gagner du temps! C'est d'ailleurs le conseil que je donnais à mes élèves : prenez le temps de lire en entier l'énoncé de votre devoir, vous saurez ainsi où vous devez aller. C'est plus rapide et surtout plus efficace que d'aller au hasard!
    MD

    By Blogger md, at 9:49 PM  

  • Le temps passe indépendamment de notre façon de voir. Tout dépend alors comment on l'occupe. Mitterrand glandait pas mal, surtout lors de son second septennat, la mort rôdait et l'exercice du pouvoir ne le comblait pas, il faisait alors le service minimum. Sans doute la raison pour laquelle on a eu Chirac ensuite.

    By Blogger jpbb, at 9:26 AM  

  • Une réflexion sur la politique et le temps doit conduire aussi, comme le suggère l'intervention précédente, à une réflexion sur la politique et la mort, je dirais même la politique et l'éternité. Car faire de la politique, s'inscrire dans une Histoire, préparer le futur , n'est ce pas un désir d'éternité? La politique serait alors le meilleur remède contre la mort.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 9:39 AM  

  • Bien sûr qu'il y a ce cela. Laisser par son travail, une réflexion, une oeuvre, une descendance, pour conjurer l'angoisse de n'être rien. Mais aller jusqu'au bout de cette prise de conscience, et de se dire qu'après tout, le voyage se suffit à lui même, et qu'on ne sait pas ce qui se cache derrière la destination. J'en profite pour dire que par le biais du hasard, on peut à loisir redéfinir la destinée, et l'ombre de l'Horloger... La laïcité, et la loi de 1905 sur la séparation de l'Église et de l'État nous offre la chance inouïe de vivre en bonne intelligence avec les croyances des autres et notre propre conscience, l'athéisme étant au final considéré dans ce cadre comme une croyance tout à fait banale.

    By Blogger jpbb, at 10:23 AM  

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