L'Aisne avec DSK

29 juillet 2007

Qui est bourgeois?

Bonsoir à toutes et à tous.

Je me suis demandé hier si le parti socialiste ne devrait pas s'appuyer sur la fraction la plus aliénée mais aussi la plus éclairée de la bourgeoisie, victime d'une exploitation pacifique mais authentique, porteuse en même temps de capacités d'émancipation, toutes conditions historiques qui n'appartiennent plus aujourd'hui à la classe ouvrière comme il a pu en être au XIXème siècle. Je rappelle aussi que je pense tout haut, avec vous, sous votre surveillance, je cherche des réponses, j'ébauche des solutions, c'est hypothétique, peut-être absurde, mais c'est cela, réfléchir. Et puis, je suis libre, vous aussi, animés par le souci de raisonner correctement, de contribuer à la refondation social-démocrate du parti socialiste.

En ce début de soirée, je me pose la question: qui est bourgeois? Je réponds spontanément: pas moi! Je ne le suis pas, historiquement, culturellement, je ne me sens pas bourgeois. Mais être bourgeois, c'est quoi? Pour moi, c'est adhérer aux conventions et convenances sociales, quelles qu'elles soient. Pas mal de socialistes ont un esprit bourgeois. Pourquoi pas, il y a pire dans la vie. Un bourgeois est toujours du côté de la société. C'est un conformiste. Il aime ce qu'il est de bon ton d'aimer. Il sera socialiste si c'est dans l'air du temps, ce sera alors un bourgeois socialiste (j'en connais quelques uns, souvent plus à gauche que moi!). Je ne peux pas être politiquement bourgeois parce que, en tant que socialiste, je suis pour l'émancipation de l'individu, contre une société toujours plus ou moins oppressante, même quand elle est libérale.

Mais être bourgeois, c'est aussi autre chose, la manifestation de quatre signes distinctifs qui constituent vraiment l'appartenance à la bourgeoisie: le pouvoir, le savoir, la richesse, la propriété. Si vous les avez tous, à quelque degré que ce soit, cher lecteur, ne cherchez plus, vous êtes un pur bourgeois. Il peut cependant y avoir des demi-bourgeois, qui ont les uns et pas les autres. Pour ma part, parmi les quatre, j'en détiens un, plus ou moins bien, cherchez lequel, mais c'est trop peu pour faire de moi un bourgeois, même en faisant semblant!

Si on ne choisit pas d'être bourgeois, faut-il être anti-bourgeois? La gauche traditionnellement critique la bourgeoisie. Elle n'a pas entièrement raison. Personnellement, n'étant pas bourgeois, je ne suis pas non plus anti. Marx montre que la bourgeoisie a joué dans l'Histoire un rôle essentiellement révolutionnaire, en libérant les forces de production, en préparant la voie au socialisme. Et puis, j'ai souvent remarqué que le grand chic chez un bourgeois, surtout chez le petit bourgeois, c'est d'être anti-bourgeois. Je me garde donc de l'imiter.

Je remarque également, dans notre société, que le rêve social, c'est de s'embourgeoiser. Avoir voiture, vacances, maison, à peu prêt comme son patron, mais à coup de crédits et avec une rémunération dérisoire par rapport à lui, n'est-ce pas la finalité, respectable, de l'ouvrier? Prenez ce que Marx appelait le lumpenprolétariat, aujourd'hui les voyous des cités miséreuses, ils ne rêvent que de porter des "marques" et circuler en belles bagnoles. Comme les enfants avides de consommation, l'ouvrier et le délinquant sont devenus, malgré eux, des agents du capitalisme.

La résistance au capitalisme, encore embryonnaire j'en conviens, pas totalement consciente d'elle-même, c'est du côté d'une partie de la bourgeoisie que je la sens. Le cadre supérieur désabusé par son travail, sachant que la vraie vie est ailleurs, jouissant certes d'une existence aisée mais ne pouvant jamais atteindre le niveau de vie de ses patrons et des actionnaires de son entreprise, cet individu-là est peut-être l'agent révolutionnaire de notre temps, l'élément subversif, le grain de sable dans le système capitaliste.

Quelles sont actuellement ses armes de résistance? La dérision, la paresse et la vulgarité. Se moquer de tout, à la façon des Guignols de l'Info et de l'humour Canal, ne pas trop en faire au bureau, surfer sur les sites pornos, adopter les moeurs populaires. Bien sûr, tout cela ne fait pas un révolutionnaire, mais quelque chose est en gestation, une prise de conscience, un début de contestation, une alternative au sarkozysme ambiant ...

Voilà ce que je sens. Qu'en pensez-vous? Je m'égare ou je suis sur la bonne voie?


Bourgeois ou pas, je vous souhaite une bonne soirée.

7 Comments:

  • En fait vous avez mal lu Marx. Karl n'a jamais été contre le capitalisme bien au contraire, car c'est le stade qui permet le progrès et le communisme, puis enfin la société sans classe (Je me borne à répéter sa vision qui, vous avez pu vous rendre compte, m'indiffère, la plaçant comme simple production d'un esprit échauffé vivant la révolution industrielle.) Le lupanar et le porno existait dans la cité romaine, les péripatéticiennes en Grèce, avec toute la dépravation morale l'accompagnant, Lucrèce Borgia ne lisait pas Charlie Hebdo et Néron s'embourbait dans l'inceste, les papes avaient des enfants, tout comme le peuple. je ne vois donc vraiment pas le rapport avec Nicolas Sarkozy qui me semble particulièrement tiré par les cheveux

    By Blogger jpbb, at 10:02 PM  

  • - Je sais parfaitement que Marx n'était pas économiquement hostile au capitalisme, même s'il en a fait la critique politique. C'est aussi pourquoi je me définis comme social-démocrate, partisan du marché, et non pas comme antilibéral.

    - Ce que j'essaie de penser est peut-être tiré par les cheveux, mais c'est toujours le risque qu'on prend lorsqu'on tente de penser par soi-même.

    Sur Sarkozy, ce que je voulais dire, c'est qu'il a pris position contre l'héritage de Mai 68, qu'il est le défenseur d'un certain "ordre moral" que le cadre supérieur, soixante-huitard attardé ou récent, est en situation de contester.

    Lucrèce Borgia, Néron, les papes licencieux, les romains dépravés, les grecques lubriques ne sont pas des soixante-huitards, même par anticipation. L'homme préhistorique devait avoir un comportement sexuel très libre, cela n'en fait pas un adepte de la "libération sexuelle", il faudra attendre des millénaires.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 9:59 AM  

  • C'est évident que quand on est pauvre on rêve d'être riche, pourquoi à votre avis les gens travaillent et jouent au Loto si ce n'est pour être riche et disposer d'un meilleur pouvoir d'achat ? Devenir un clochard ou un assisté n'est pas un choix désiré. Et ceci traverse l'ensemble de la société française, pas la peine d'opposer des catégorie sociales. La grande formule sarkozienne, puisque vous y tenez a été de dire enrichissons nous. Gagnez plus et pour y parvenir mouillez vous un peu plus la chemise, parce que cela ne va pas se faire tout seul. Et tous les travailleurs, ceux qui sont sensés faire le fond de commerce de la gauche l'ont reçu cinq sur cinq, ce qui fait que la candidate du PS s'est pris un magnifique râteau. Pas la peine d'aller ressusciter la pensée marxiste défunte pour disposer d'une analyse politique claire et compréhensible adaptée au moment.

    Nicolas Sarkozy l'a emporté sans faire une analyse marxiste, est-ce un hasard ?

    By Blogger jpbb, at 10:04 AM  

  • Le plus drôle dans l'histoire, c'est que Nicolas Sarkozy est le pur produit de mai 68, avec une liberté de ton, une action qui ne s'embarrasse pas de préjugés. Il ne part pas d'un modèle pré-définis qu'il tenterait d'appliquer lourdement et pesamment, genre théorie défunte marxiste, non, il est dans son action de président et jour après jour avance, remplis ce rôle et habite le personnage. Il récupère les compétence sans respect de la fameuse classification gauche-droite, ce qui évidement gène tous les apparatchiks à gauche qui en sont déstabilisés, imaginez la situation de la pauvre Ségolène, laissée pour compte dans un coin. Tout ce que vous tentez désespérément d'établir à partir d'un savoir de gauche péniblement acquis, il le pulvérise. Plus mai 68 que cela, c'est impensable. Si nous voulons comprendre ce qu'il désigne par l'héritage de mai 68 qu'il fustige, ce sont tous les feignants qui se justifient en allant chercher et trafiquer l'esprit de mai 68 qu'ils n'ont pas vécu et qui s'en gargarisent en s'accaparant la vacance de cet héritage. Le blocage empêchait de mettre en oeuvre les forces vives en 68, il venait d'une structure sociale qui étouffait la jeunesse, l'empêchait de parler de s'exprimer et de se réaliser. L'usure du pouvoir de Mitterrand puis de Jospin, avec sa position de parfait comptable figé sans vision d'avenir par rapport à la mondialisation a juste intervertit les rôles. Par son action Nicolas Sarkozy est plus mai 68 que ceux qui s'affirment héritiers de mai 68, il peut donc se permettre de les allumer sans être en contradiction. Face à la sclérose de la gauche qui radote et s'enterre frileusement, il avance. Le redémarrage de l'économie passe par le travail, intellectuel ou autre, par l'action. C'est revendiqué actuellement par la droite, et la gauche ne peut faire autrement que de s'aligner, pour la bonne raison que tout être vivant dans la société veut des euros. La seule différence possible alors pour un parti de gauche voulant exercer le pouvoir est de proposer plus. Plus d'euros pour tous. Voilà le point de départ de la refondation. La question posée alors est comment arriver à créer plus de richesses que la droite. Et si nous n'arrivons pas à clairement indiquer cette réponse, c'est encore une fois foutu. Les gens ne sont pas des imbéciles, et ce n'est pas en leur vendant des mots qu'on y arrivera. Rappelez vous les fameux débats participatifs qui auraient dû casser trois pattes à un canard, et la croissance qui aurait redémarré du simple fait que le rouge à lèvre de Ségolène aurait flotté à l'Élysée.

    By Blogger jpbb, at 10:37 AM  

  • Le point de départ du socialisme, c'est la révolte face à l'injustice sociale. Le mépris implicite de l'être humain par rapport à un autre être humain qui génère frustration d'un coté et gêne de l'autre et le désir de rééquilibrer globalement la situation de la société en demandant à ceux qui ont plus de partager suffisamment, car évidement, c'est difficile de donner quand on a eu du mal à acquérir. Mais nous sommes là à la base. Actuellement, nous savons bien que cette bonne volonté est insuffisante, et que globalement c'est par la pression sur les plus riches qu'on a assis la redistribution, jusqu'à les faire déménager en Suisse. Ce n'est donc pas une solution parfaitement suffisante, et il convient de faire mieux. Nous savons que c'est par le marché et la libre entreprise que l'on crée actuellement de la richesse, et donc en tant que réformistes, nous en prenons acte. Nous ne sommes pas partisans de la violence et du crime pour partager de force, nous sommes avant tout éthiques. C'est alors que nous nous définissons comme « social démocrate », sans aller rechercher dans les vieux cimetières de l'histoire des concepts lourdingues qui ont démontré leur incapacité à résoudre quoi que ce soit. Mais nous sommes devancés politiquement sur ce terrain. Ce programme est appliqué par Nicolas Sarkozy. Il s'est contenté de poser une limite de 50 % à la pression pour la redistribution, et Johnny est revenu de Suisse. L'injustice sociale subsiste et il convient de faire mieux en créant du neuf, voilà la problématique du moment.

    By Blogger jpbb, at 10:55 AM  

  • Je retiens de ces longs commentaires de Jpb une question:

    Nicolas Sarkozy est-il le produit ou l'antithèse de Mai 68?

    Je comprends le point de vue défendu (après tout, le slogan sarkozien "Ensemble, tout est possible" pourrait être soixante-huitard) mais je continue de penser que Sarkozy, parce qu'il l'a dit, c'est le rejet de Mai.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 3:46 PM  

  • Je constate que Nicolas Sarkozy est en phase avec son temps, et qu'il a réussi à gagner alors que c'était inimaginable pour les militants du PS. Son discours sur mai 68 me semble un peu biaisé, et plus donné en pature à un public rejettant le gauchisme et ses dérives que sur le fond réel de mai 68 (qui est passé dans l'esprit public et qui est acquis).

    By Blogger jpbb, at 10:19 PM  

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