Voiture avec chauffeur.
Bonjour à toutes et à tous.
Je vous parlais hier des signes distinctifs d'appartenance à la bourgeoisie, en repérant quatre, parmi lesquels le pouvoir. Ce qu'il faut comprendre, c'est que ces signes renvoient autant à des réalités qu'à des symboles. Au Parlement, lieu de pouvoir, il y a très peu d'ouvriers, c'est une réalité. Parmi les symboles du pouvoir, il y en a un que j'aimerais ce matin soumettre à votre réflexion, le hasard faisant que je l'ai rencontré à plusieurs reprises ces derniers temps: la jouissance d'une voiture avec chauffeur.
Dans l'éditorial de Philippe Val consacré aux suicides chez Peugeot, il montre que le pouvoir du cadre supérieur sur l'ouvrier, le fait que l'un soit bourgeois et l'autre pas, c'est que le premier jouit d'une place réservée à son véhicule dans le parking de l'entreprise. J'ai dit aussi, hier, que l'ouvrier, dans sa tentative, la plupart du temps vaine, de s'embourgeoiser, exhibait parfois un véhicule aussi beau, aussi gros que celui du patron (du moins dans les petites entreprises). La lutte des classes prend ici des allures de revanche sociale purement symbolique, puisque l'ouvrier n'est pas mieux payé pour autant. Le cadre supérieur, lui aussi, tout à son plaisir de posséder la place de parking qui marque son territoire et prouve son élévation sociale, demeure dans le symbolique. Il n'aura pas la voiture de fonction avec chauffeur, qui est le signe du vrai pouvoir, celui du patron.
Je me demande si la lutte des classes ne s'est pas déplacée dans les niveaux moyens et supérieurs de la société, du moins la lutte de classes porteuse d'émancipation et débouchant, peut-être, sur un changement de pouvoir, un processus de transformation sociale (je serai tenté d'utiliser le terme de révolution, mais je crains qu'il n'égare le lecteur, laissant croire à un renversement violent). Il y a toujours lutte de classes du côté de la classe ouvrière, mais stérile et même réactionnaire, lorsque ouvriers, employés, exclus, petits fonctionnaires, strates inférieures des classes moyennes s'affrontent politiquement (tout militant a mille fois entendu les critiques ouvrières contre le chômeur, rmiste et autre allocataire social) et se jalousent socialement.
La lutte de classes porteuse d'avenir est celle qui menace le pouvoir des dirigeants d'entreprise: peut-il exister longtemps une classe qui "encadre" les ouvriers et employés sans disposer du pouvoir de décision, réservé aux présidents, directeurs, administrateurs, managers, actionnaires des entreprises? Il y a là une contradiction lourde de bouleversements futurs. D'autant que les cadres, surtout supérieurs, disposent d'un capital culturel et politique qui les met en situation de s'opposer aux patrons. C'est autre chose qu'une simple place de parking...
L'une des grandes leçons de Marx, c'est que le pouvoir ne peut être renversé que par le pouvoir, ce qu'on appelle une révolution. Les gueux se révoltent, ils ne font pas la révolution, ils n'accélèrent pas le cours de l'Histoire. La lutte encore cachée entre cadres supérieurs et grand patronat est peut-être l'équivalent de la lutte entre bourgeois et aristocrates au XVIIIème siècle. La victoire des premiers sur les seconds va-t-elle entraîner l'émergence d'un nouveau mode de production, qu'on pourra qualifier de socialiste? Quelles seront ses caractéristiques, quelle nouvelle société va en surgir? Ce ne sont que des questions! En tout cas, le ralliement électoral des cadres supérieurs au PS est un phénomène politique qu'il faudrait étudier de près, se demander quel est son sens et de quoi il est porteur.
J'en reviens à la voiture de fonction avec chauffeur, et je lis dans Charlie, coïncidence, ce propos du cinéaste Francesco Rosi: "un homme juste dans une société juste, s'il travaille pour l'Etat, se doit de prendre les moyens publics. Et non pas une voiture privée avec chauffeur."
Je me souviens d'une anecdote durant la campagne des présidentielles à Saint-Quentin, lors du meeting socialiste, auquel participait le premier vice-président du Conseil Général, venu en voiture avec chauffeur. Normal, quand on connait le travail d'un élu à ce niveau, quand on sait que les trajets dévorent un temps précieux qu'on peut mettre à profit quand quelqu'un d'autre conduit. Rien de choquant, donc. Et pourtant, un camarade s'est permis une remarque, en me disant qu'il aurait mieux valu que la voiture et le chauffeur attendent un peu plus loin, à l'abri des regards. Pour ce camarade, incontestablement, la voiture et le chauffeur renvoyaient au symbole bourgeois du pouvoir, et cela, même utilitaire, ne s'accordait pas avec l'image qu'il se faisait du socialisme. En même temps, sa remarque ne le conduisait nullement à la contestation (ce qui aurait été logique) mais à la pure hypocrisie (jouir du pouvoir mais en toute discrétion).
Je vous laisse, mon chauffeur m'attend (c'est une plaisanterie, j'ai une bagnole toute pourrie, que voulez-vous, je ne suis pas bourgeois!)
Bonne matinée.
Je vous parlais hier des signes distinctifs d'appartenance à la bourgeoisie, en repérant quatre, parmi lesquels le pouvoir. Ce qu'il faut comprendre, c'est que ces signes renvoient autant à des réalités qu'à des symboles. Au Parlement, lieu de pouvoir, il y a très peu d'ouvriers, c'est une réalité. Parmi les symboles du pouvoir, il y en a un que j'aimerais ce matin soumettre à votre réflexion, le hasard faisant que je l'ai rencontré à plusieurs reprises ces derniers temps: la jouissance d'une voiture avec chauffeur.
Dans l'éditorial de Philippe Val consacré aux suicides chez Peugeot, il montre que le pouvoir du cadre supérieur sur l'ouvrier, le fait que l'un soit bourgeois et l'autre pas, c'est que le premier jouit d'une place réservée à son véhicule dans le parking de l'entreprise. J'ai dit aussi, hier, que l'ouvrier, dans sa tentative, la plupart du temps vaine, de s'embourgeoiser, exhibait parfois un véhicule aussi beau, aussi gros que celui du patron (du moins dans les petites entreprises). La lutte des classes prend ici des allures de revanche sociale purement symbolique, puisque l'ouvrier n'est pas mieux payé pour autant. Le cadre supérieur, lui aussi, tout à son plaisir de posséder la place de parking qui marque son territoire et prouve son élévation sociale, demeure dans le symbolique. Il n'aura pas la voiture de fonction avec chauffeur, qui est le signe du vrai pouvoir, celui du patron.
Je me demande si la lutte des classes ne s'est pas déplacée dans les niveaux moyens et supérieurs de la société, du moins la lutte de classes porteuse d'émancipation et débouchant, peut-être, sur un changement de pouvoir, un processus de transformation sociale (je serai tenté d'utiliser le terme de révolution, mais je crains qu'il n'égare le lecteur, laissant croire à un renversement violent). Il y a toujours lutte de classes du côté de la classe ouvrière, mais stérile et même réactionnaire, lorsque ouvriers, employés, exclus, petits fonctionnaires, strates inférieures des classes moyennes s'affrontent politiquement (tout militant a mille fois entendu les critiques ouvrières contre le chômeur, rmiste et autre allocataire social) et se jalousent socialement.
La lutte de classes porteuse d'avenir est celle qui menace le pouvoir des dirigeants d'entreprise: peut-il exister longtemps une classe qui "encadre" les ouvriers et employés sans disposer du pouvoir de décision, réservé aux présidents, directeurs, administrateurs, managers, actionnaires des entreprises? Il y a là une contradiction lourde de bouleversements futurs. D'autant que les cadres, surtout supérieurs, disposent d'un capital culturel et politique qui les met en situation de s'opposer aux patrons. C'est autre chose qu'une simple place de parking...
L'une des grandes leçons de Marx, c'est que le pouvoir ne peut être renversé que par le pouvoir, ce qu'on appelle une révolution. Les gueux se révoltent, ils ne font pas la révolution, ils n'accélèrent pas le cours de l'Histoire. La lutte encore cachée entre cadres supérieurs et grand patronat est peut-être l'équivalent de la lutte entre bourgeois et aristocrates au XVIIIème siècle. La victoire des premiers sur les seconds va-t-elle entraîner l'émergence d'un nouveau mode de production, qu'on pourra qualifier de socialiste? Quelles seront ses caractéristiques, quelle nouvelle société va en surgir? Ce ne sont que des questions! En tout cas, le ralliement électoral des cadres supérieurs au PS est un phénomène politique qu'il faudrait étudier de près, se demander quel est son sens et de quoi il est porteur.
J'en reviens à la voiture de fonction avec chauffeur, et je lis dans Charlie, coïncidence, ce propos du cinéaste Francesco Rosi: "un homme juste dans une société juste, s'il travaille pour l'Etat, se doit de prendre les moyens publics. Et non pas une voiture privée avec chauffeur."
Je me souviens d'une anecdote durant la campagne des présidentielles à Saint-Quentin, lors du meeting socialiste, auquel participait le premier vice-président du Conseil Général, venu en voiture avec chauffeur. Normal, quand on connait le travail d'un élu à ce niveau, quand on sait que les trajets dévorent un temps précieux qu'on peut mettre à profit quand quelqu'un d'autre conduit. Rien de choquant, donc. Et pourtant, un camarade s'est permis une remarque, en me disant qu'il aurait mieux valu que la voiture et le chauffeur attendent un peu plus loin, à l'abri des regards. Pour ce camarade, incontestablement, la voiture et le chauffeur renvoyaient au symbole bourgeois du pouvoir, et cela, même utilitaire, ne s'accordait pas avec l'image qu'il se faisait du socialisme. En même temps, sa remarque ne le conduisait nullement à la contestation (ce qui aurait été logique) mais à la pure hypocrisie (jouir du pouvoir mais en toute discrétion).
Je vous laisse, mon chauffeur m'attend (c'est une plaisanterie, j'ai une bagnole toute pourrie, que voulez-vous, je ne suis pas bourgeois!)
Bonne matinée.
5 Comments:
Les cadres supérieurs ne sont pas en opposition avec le patronat, ils s'appuient sur cette branche et partagent les mêmes vies, et tous rêvent de s'enrichir encore plus. Le problème du chauffeur, c'est qu'il faut le payer, c'est tout. Le plus simple est de prendre le métro ou le taxi, seuls les bourgeois se sentent obligés de posséder une voiture, et les bourgeois hypocrites une voiture toute pourrie, pour faire croire qu'il n'ont pas un sous en poche et passer pour des chômeurs ou des RMIstes. ;-)
By jpbb, at 11:08 AM
ne pourriez vous parler de l'essentiel? pour vous guérir de vos obssessions, prenez un taxi et vous aurez voiture avec chauffeur et vous ferez un action citoyenne car vous donnerez un gros porboire au chauffeur. vous aurez eu votre voiture avec chauffeur sans culpabilité. cessons ces discussions improductives, je vous demande simplement d'émettre une vraie proposition sociale ; que diantre...
By Anonyme, at 12:31 PM
- Qui est en opposition avec le patronat? Si tout le monde cherche à s'enrichir, tout va bien et vive Sarkozy!
- En réfléchissant aux contradictions sociales au sein de la bourgeoisie, entre encadrement et patronat, j'ai le sentiment de parler de quelque chose de politiquement essentiel
By Emmanuel Mousset, at 3:39 PM
Vous êtes fortement intoxiqué à la pensée de Marx et voyez des contradictions là où il n'y en a pas, et pour trouver un point d'ancrage dans le social, au besoin vous en inventez. Il faut partir du réel et non d'une construction fantasmagorique, sinon personne, ni cadre, ni employé ni patronat, juste quelques gauchistes en mal d'aventure ne monteront dans votre bateau. A qui comptez vous vendre votre discours ? Ce n'est pas avec 10 % d'une population que l'on conquiert le pouvoir.
By jpbb, at 7:26 PM
10% de la population pour s'emparer du pouvoir, mais ce serait merveilleux! Lénine n'avait pas autant pour renverser le régime tsariste.
By Emmanuel Mousset, at 9:16 PM
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