L'Aisne avec DSK

27 octobre 2007

Histoire d'extra-terrestres.

C'était il y a un an, c'était il y a un siècle, en octobre 2006. Ségolène Royal était donnée gagnante dans tous les sondages contre Nicolas Sarkozy. Le PS se prenait à rêver et à savourer sa revanche sur l'humiliante défaite de 2002. Ségolène, qu'elle ne dise rien, puis qu'elle parle, était plébiscitée par l'opinion. Un état de grâce à l'envers, avant la victoire annoncée, mettait la gauche en lévitation. Chose incroyable, des dizaines de milliers de français adhéraient au Parti socialiste, alors qu'un tel mouvement découle généralement de la victoire, non qu'il la précède, et d'une année.

Bien sûr, le coût modique de la cotisation (20 euros) et l'adhésion par internet expliquaient l'engouement. Les plus pessimistes craignaient qu'on prenne sa carte comme on achète un produit en promotion dans un supermarché, pour voir, pour essayer. Les plus cyniques percevaient un effet "souris": on surfe sur le net, on s'arrête, on clique, et hop, c'est fait, c'est fini à peine commencé. Moi, je considérais plutôt d'un bon oeil cet afflux, au milieu de certains camarades, ronchons et vieux briscards, qui fustigeaient les "adhérents à 20 balles". Nos sections étouffent de leur petitesse, des querelles qui remontent parfois à plus de 20 ans. Cet apport ne pouvait qu'être positif, nous régénérer, nous obliger à changer nos pratiques.

Mais ces nouveaux "camarades" n'avaient décidément peu à voir avec les anciens. Rares sont ceux qui se sont transformés en militants. Mais je les comprends: collages, distributions de tracts, réunions longues et tardives,... franchement, il faut aimer, avoir été élevé là-dedans, disposer d'un conscience politique aigue ou d'un sens du devoir à toute épreuve. Les nouveaux ne se sont pas transformés en futurs anciens. On ne les a presque pas vus, sauf dans les forums participatifs ou les associations "Désir d'avenir", beaucoup plus leurs trucs. Aujourd'hui, à l'approche des élections municipales, je suis inquiet, je ne les vois toujours pas. Mais c'est la faute aux anciens, j'en suis certain: nous n'avons pas su les intégrer. Un cadre socialiste est actuellement quelqu'un qui, en moyenne, a été politiquement formé dans les années 70, qui n'est donc pas prêt à entendre et à recevoir des personnes qui appartiennent à une toute autre culture.

Dommage, très dommage, nous avons raté là, collectivement, quelque chose. Les nouveaux adhérents partent, mais c'est parce qu'ils ne sont jamais vraiment entrés. Dans quelques semaines, les sections désigneront leurs têtes de liste aux municipales, chaque socialiste devra renouveler sa cotisation, combien le feront parmi les récents? On peut craindre des départs massifs... Le politologue Rémi Lefebvre a réalisé une étude sur les nouveaux adhérents dans le Nord. Je le cite (Libération du 22 octobre):

"90% des nouveaux adhérents n'ont pas participé à la campagne. Ils ont adhéré pour voter le projet et désigner la candidate, mais contrairement à ce qu'on dit, ils n'étaient pas plus "ségolistes" que les autres adhérents. Ceux qui sont partis plus tard l'ont fait parce qu'ils n'avaient pas de familiarité avec la vie du parti, ils n'étaient pas préparés à cet univers clos, replié sur lui-même, ils ne connaissaient pas les codes. En face, on ne les a pas accueillis, et pas retenus".

C'est bien vu. Beaucoup de sections pratiquent "l'entre soi", l'implicite règne souvent, les choses ne sont pas clairement dites, les signes et allusions abondent, les "coups" sont de mise, la camaraderie a peu de rapport avec l'amitié, bref, c'est un autre monde, où l'on passe vite pour un extra-terrestre. Mais qui sont les extra-terrestres!?

C'était il y a un an, c'était il y a un siècle, des gens venus d'une autre planète pour atterrir dans un monde hostile qu'ils ont ou vont pour la plupart quitter, aussi doucement et discrétement qu'ils s'y étaient posés...


Bonne nuit.