L'Aisne avec DSK

28 octobre 2007

Le coup des heures sup.

Bonsoir à toutes et à tous.

Le "travailler plus pour gagner plus", c'est-à-dire la loi sur les heures supplémentaires, est appliqué depuis le début du mois dans les entreprises. Nous approchons de la fin du mois, les feuilles de paye vont arriver, qu'en est-il donc de LA mesure de la "rupture" sarkozienne?

Les patrons sont-ils satisfaits? Pas vraiment, si j'en crois Christian du Mesnil du Buisson, directeur financier de PME, qui s'exprime dans une tribune libre dans Le Monde du 11 octobre. Ce qu'il craint, c'est "l'usine à gaz" qu'a mise en place la loi et qui risque de favoriser une fraude légale: "la tentation sera grande [pour les patrons], avec l'accord verbal des salariés, de transformer en heures supplémentaires nominales les augmentations annuelles de salaires". L'Etat paiera à la place du patronat la hausse du pouvoir d'achat! C'est-à-dire que le contribuable financera l'augmentation de son salaire!

Mais il faut rappeler la logique du "travailler plus pour gagner plus": toutes les heures sup sont majorées de 25% (c'est déjà le cas dans les entreprises de plus de 20 salariés, les autres sont à 10%). Le salarié a droit à une exonération d'impôt sur le revenu et les charges sociales. C'est donc l'Etat qui met la main à la poche, pour un coût total (exonérations d'impôt et de cotisations salariales) de 6,6 milliards d'euros. Le libéral Sarkozy fait donc appel à l'argent public pour dispenser les chefs d'entreprise de redistribuer leurs profits par des hausses directes de salaires. Le socialiste que je suis, paradoxalement, aimerait un peu plus de logique libérale et laisser aux patrons le soin d'accroitre le pouvoir d'achat de leurs salariés, sans se défausser sur les pouvoirs publics et aggraver encore plus le déséquilibre de leurs budgets!

A la possible fraudre patronale, Mesnil du Buisson ajoute une possible fraudre salariale: la loi "pourrait inciter, inconsciemment ou à dessein, les salariés qui le pourront à générer d'eux-mêmes un surcroît de travail ou supposé tel permettant de justifier un besoin d'heures supplémentaires à leur poste, sans valeur ajoutée claire ou en tout cas mesurable pour l'entreprise". Et notre patron mécontent conclut que la mesure est "coûteuse et contre-productive".

De fait, l'aide de l'Etat risque de ne guère séduire les patrons, les déductions de charges sociales n'étant pas assez incitatives (une déduction forfaitaire de 1,5 euros par heure sup pour les entreprises de moins de 20 salariés, et de 0,5 pour les autres). Si vous ajoutez à cela la complexité du dispositif (modalités de calcul des réductions de cotisations salariales, dénombrement des heures sup, ...), on comprend le casse-tête.

Mes lectures ne s'arrêtent pas aux fines analyses du Monde. Il faut aller voir au plus près du terrain, telle que la presse locale le relate. Le Courrier Picard du 10 octobre a donné la parole à quelques patrons de Saint-Quentin. C'est édifiant! A Briat-Bâtiment, entreprise de gros oeuvre, le chef d'entreprise préfère embaucher que de demander régulièrement des heures sup à un employé (je l'en félicite!). Et puis, dit-il, la plupart de ses ouvriers ont la cinquantaine et n'ont pas envie (on les comprend) de travailler plus, même pour gagner plus. Dans la restauration, l'idée n'est pas mieux accueillie: au Rouget Noir, les heures sup ne sont qu'occasionnelles et les périodes de suractivité sont couvertes par un extra. A Auchan, réaction tout aussi catégorique: aucune heure sup, l'annualisation du temps de travail permettant de faire face à la surcharge de travail.

Mon sentiment, c'est que le coup des heures sup va tourner à l'aigre, et je vais jusqu'à faire un parallèle avec les 35 heures (même si le contenu idéologique et social est totalement différent): engouement au départ pour la mesure, complexité d'application par la suite qui fait que tout le monde se met à la contester, y compris les premiers bénéficiaires (avec les heures sup, ce sont les patrons et les salariés à faible pouvoir d'achat).

Mais il y a deux grandes différences entre les heures sup et les 35 heures, qui font hélas que Sarkozy peut s'en tirer, malgré la nocivité de la mesure, alors que la réduction du temps de travail, bien que socialement positive, a fait l'objet d'un sévère rejet:
- La RTT redistribue du temps, les heures sup de l'argent. Je pense que la société contemporaine est plus demandeuse d'argent que de temps libre.
- La RTT, malgré le cadre négocié, a été perçue comme trop contraignante, dans une société qui a perdu le sens du collectif et qui ne jure que par la liberté individuelle. De ce point de vue, les heures sup sont gagnantes (quoique un patron peut contraindre un employé à s'y soumettre, non pas légalement bien sûr, mais psychologiquement).

Bref, en toute lucidité, nous devons, nous socialistes, nous battre avec la dernière énergie contre cette loi sur les heures sup, nous devons faire sauter ce verrou idéologique de la politique sarkozienne en montrant sa nocivité et son inanité sociales.


Bonne soirée.

2 Comments:

  • Nicolas Sarkozy s'est trompé de formule, il faut travailler mieux pour gagner plus. Transmettez lui la bonne recette...

    By Blogger jpbb, at 8:37 PM  

  • Je laisse le soin aux électeurs de lui transmettre le message lors des prochaines élections municipales.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 9:54 PM  

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