L'Aisne avec DSK

29 octobre 2007

Les 3 capitalismes.

Je vous ai parlé tout à l'heure des médecins et du système de santé. Savez-vous que la protection sociale est un marché gigantesque de 400 milliards d'euros? Avec les franchises médicales, discutées à l'Assemblée nationale la semaine dernière, l'orientation est clairement donnée: livrer progressivement des parts de ce marché aux compagnies d'assurances. Charlie-Hebdo de cette semaine (que voulez-vous, je ne me lasse pas des bonnes lectures!) établit les liens personnels entre Nicolas Sarkozy et les grands noms de l'assurance. Son frère aîné dirige le groupe Médéric, ses amis les plus proches s'appellent Henri de Castrie, PDG d'AXA, leader mondial de l'assurance et Jean-Philippe Thierry, président de la FFSAA, Fédération française des sociétés anonymes d'assurances.

Vous me direz que l'amitié est une affaire privée, et vous aurez raison. On ne peut pas en rester là, il faut une démonstration. Il n'empêche que certaines connexions sont éclairantes, à défaut d'être suffisantes et déterminantes. J'en viens donc à l'essentiel, la démonstration, qui repose sur l'évolution du capitalisme en deux siècles:

La première figure du capitalisme, son lieu d'élection et de développement, c'est la manufacture, la fabrique, l'usine, et au XIXème siècle, la firme industrielle. Ses personnages, ce sont le patron et le travailleur. Ce capitalisme-là vise à renforcer la production, il considère les hommes, les femmes et les enfants comme des jambes et des bras pour le travail.

La deuxième figure du capitalisme, c'est la société de consommation, apparue aux Etats-Unis dans la première moitié du XXème siècle et qui va se propager dans le monde entier. Ce capitalisme-là s'intéresse à la demande. Il considère les hommes comme des clients. Son invention géniale, sans laquelle la consommation populaire serait impossible, c'est le crédit. Son assise, c'est la banque. Fini le bas de laine, l'économie cesse d'être économe, il faut gagner, dépenser, placer de l'argent.

La troisième figure du capitalisme (mais les trois se superposent et s'articulent), c'est la société de sécurité et de protection, c'est la capacité de faire face aux "coups durs" d'une vie beaucoup plus longue et beaucoup plus confortable qu'autrefois, où l'on ne se relevait pas après être tombé, où l'on parvenait à survivre à l'ombre de la solidarité familiale ou villageoise. Ce capitalisme-là s'appuie sur les compagnies d'assurances, parce que la peur, le risque, la maladie, la mort, la rupture familiale, bref les aléas de l'existence sont devenus un marché. Après tout produire, après tout acheter, le capitalisme se targue d'un nouveau slogan: tout assurer.

Mais gardons-nous de tomber dans l'anticapitalisme: qui accepterait de ne plus consommer, de renoncer au crédit, de déchirer ses contrats d'assurances? Là encore, et Marx le disait fort bien, le capitalisme engendre un progrès mais se heurte à des limites. Au-delà de ces limites, il y a le socialisme. En matière de santé, ça s'appelle la Sécurité sociale, le système de cotisations, la logique de la répartition, la solidarité nationale.


Bon après-midi.