L'Aisne avec DSK

21 novembre 2007

La grève continue.

Bonsoir à toutes et à tous.

La grève diminue mais elle s'installe. Le gouvernement a cru pouvoir la stopper, elle continue. L'habileté de Xavier Bertrand n'aura pas suffi, l'économie française va y perdre gros, et notre société prouve une fois de plus son incapacité au dialogue social. A qui la faute? Sarkozy s'est entêté avec une mesure purement idéologique, la suppression des régimes spéciaux, il en a fait une question de principe et de promesse électorale. Je peux comprendre, mais ce n'est pas la meilleure façon d'inciter à la négociation. Tout aurait dû être mis sur la table, le problème des retraites en général, et pas focaliser sur les régimes spéciaux, et sans imposer de préalable. L'idée d'une négociation tripartite, elle vient de la CGT. Pourquoi Bertrand a-t-il attendu le dernier moment pour y souscrire? Parce que c'est un malin, un vrai homme de droite, pas le négociateur bonhomme, portable à l'oreille et sourire aux lèvres, qu'on nous décrit. Il a volontairement laisser venir le mouvement, pourrir la situation (vieille technique de la droite), jouer de la division syndicale pour satisfaire l'objectif de son patron, Sarkozy.

Sarkozy, justement, parlons de lui. On ne le voit plus tellement, pas sur le front de la grève en tout cas, lui qui va partout où ça va mal. Et là? Peut-être a-t-il été échaudé après sa rencontre il y a quinze jours avec les cheminots, où il avait commis une grosse gaffe et convaincu personne. Hier, à propos du conflit, il a une fois de plus osé parler de "prise d'otages". Et Ségolène Royal, le même jour, a repris à son compte l'expression. Je le regrette vivement. Je suis pour la réforme, pas exactement celle-là mais assez proche. Mais je ne dirai jamais que des salariés qui se battent légalement pour quelque chose qu'on veut leur enlever pratiquent la "prise d'otages".

Sarkozy a eu aussi ce mot: "il faut savoir terminer une grève". La formule est du communiste Maurice Thorez, mais dans un tout autre contexte. Ca ne fait rien, Sarkozy débauche tout le monde, les vivants et les morts.

J'ai été choqué, dans la manifestation parisienne , par les huées contre Chérèque. Tout le monde se souvient, en 1995, de Notat devant fuir face aux militants lambertistes de FO. Je ne sais pas si ce sont les mêmes qui ont fait le coup, on dit que non, que ce serait la base "dure" de la CGT. Toujours est-il que c'est inacceptable, "stalinien", pour reprendre les mots d'autrefois. Chérèque est pour que la grève des transports s'arrête et qu'on passe à la négociation. Et alors? Il a raison.

Actuellement, ce mouvement social, et le gouvernement l'y a encouragé, a basculé dans le pur rapport de forces. Et tout rapport de forces, dans le syndicalisme comme en politique, a toujours quelque chose d'irrationnel. La discussion devient impossible, c'est la force qui prime. Nous en sommes là, c'est-à-dire dans l'impasse. Personne ne veut reculer, mais comme toujours, les plus forts, ce sont ceux qui détiennent le pouvoir et qui seront à la longue les gagnants. C'est pourquoi il faut passer à la négociation, arracher ce qui peut l'être et ne pas s'entêter dans un combat illusoire.

D'autant que des signes inquiétants apparaissent: des actes de sabotage ont été commis ces dernières heures. Des voyous qui profitent du conflit? Des voleurs de cuivre? Des militants politiques extrêmistes? Des syndicalistes radicalisés? Personne ne sait mais les faits sont là, et plutôt inhabituels. Il ne faudrait pas que le mouvement glisse ainsi dans le désespoir et la violence.

Car quel est le fond de tout ça, la raison de la persistance d'un conflit qui devrait s'arrêter à partir du moment où on lui propose de négocier? Nicolas Sarkozy a proclamé, pendant et après la campagne des présidentielles, que les valeurs sur lesquelles reposerait, avec lui, notre société, ce serait le travail et l'argent, le travail pour l'argent, l'argent grâce au travail. Mais une société, qui ne vit certes pas d'amour et d'eau fraîche, ne vit pas non plus exclusivement de travail et d'argent. L'existence connait d'autres valeurs et d'autres préoccupations: le repos, le loisir, la détente, la culture, l'amour, etc.

A mes yeux, la valeur suprême n'est aucune des deux préconisées par Sarkozy: c'est la justice. C'est elle, et elle seule, qui fait tenir debout une société, qui fait vivre ensemble des gens très différents. Sarkozy nous parle d'équité à propos des 40 ans de cotisations. Il n'a pas tort, mais pour qu'on le croit, il faudrait que toute sa politique soit inspirée par la justice. Ce n'est pas le cas, puisqu'elle est inspirée par le travail et par l'argent. Il est donc normal que le mouvement social ne suive pas Sarkozy et poursuive la mobilisation. Quelqu'un qui a accordé cet été 15 milliards aux catégories aisées n'est pas en situation de demander à des salariés aux revenus moyens de renoncer à leurs avantages.

Il y a une autre raison de fond à l'origine et à la persistance de ce mouvement, qui n'est pas seulement corporatiste. La retraite, pour une grande partie des salariés, c'est traditionnellement le moment attendu et rêvé, un havre de paix où l'on va pouvoir faire ce qu'on ne pouvait pas faire avant: loisirs, culture, famille, ... La retraite a toujours été perçue ainsi. Aujourd'hui, l'espoir s'estompe et surgit la crainte de devoir travailler vieux, ce qui ne semble pas un progrès de la société (surtout quand cette même société a du mal à fournir des emplois à ses jeunes). Bien sûr, comme je l'ai dit plus haut, il y a une part d'irrationnel dans tout ça. Mais les hommes ne sont pas tous et totalement des êtres de raison. Le corps social est traversé par des peurs et même des névroses qu'un gouvernement se devrait de calmer, de rassurer, et non pas, comme Nicolas Sarkozy, d'entretenir.


Bonne nuit.

4 Comments:

  • bonjour
    j'en viens parfois à me demander si la retraite par répartition est toujours d'actualité! Bien sur l'idée est bonne et surtout permet à tout un chacun par la solidarité des autres à bénéficier d'un revenu lors l'activité cesse. Mais il y a tant d'injustices:
    -est ce juste qu'un retraité donc qui ne produit plus ait un revenu proportionnel à ce qu'il touchait en activité?
    - est ce juste q'un militaire puisse toucher un retraite à 45 ans et qu'un agriculteur doive travailler jusqu' 65 ans et plus?
    - est ce juste qu'un militaire puisse exercer une seconde profession et percevoir la retraite?
    - est ce juste que pour certains la pénibilité soit évoquée (SNCF par exemple) et qu'elle ne l'est pas pour d'autres (ouvriers du bâtiment par exemple)?
    - est ce juste qu'un fonctionnaire ait un pourcentage de sa dernière rémunération et qu'un salarié une moyenne sur les 25 meilleures années?
    - est ce juste qu'une femme fonctionnaire avec trois enfants puisse percevoir sa retraite après 15 ans de travail et que cela ne soit pas vrai pour une non fonctionnaire?
    La liste est longue!!

    Je reviens à mon idée :
    pour tous, une retraite de base minimum, indexée et versée à 60 ou 65 ans pour chacun créée gràce à la répartition (solidarité assurée et diminution des charges pour les salariés et les entreprises) et un complément individuel que chacun crée selon ses moyens, ses besoins et ses motivations,....,et prend quand il veut, ce complément pouvant être aidés par l'Etat (défiscalisation pendant la constitution (PERP, Madelin, immobilier....)et/ou pour la rente lors du dénouement (PEA par exemple)ou par l'entreprise (PEE,PERCO, art 83......).
    C'est un intermédiaire entre tout social (qui a ses limites) et tout libéral (qui est très pénalisant pour les petits revenus et les sans revenus). L'avantage est qu'il allie solidarité et individualisme. Plus de régimes spéciaux, réduction des charges d'où augmentation de la compétitivité, développement de l'investissement et de la croissance,liberté dans l'âge du départ en retraite....

    MD

    By Blogger md, at 9:44 AM  

  • MD je vois bien un smicard avec 2 ou 3 enfants se constituer sa propre retraite complémentaire alors que dans sa vie de tous les jours il a déjà du mal à joindre les 2 bouts. la retraite par répartition est juste dans son cas mais effectivement pour les gros salaires c'est peut être moins vrai.
    l'erreur vient peut être de l'époque où il y avait du travail pour presque tout le monde et que dans ce cas là ce système était viable. aujourd'hui avec le taux de chômage, il n'y a plus suffisamment de personnes qui travaillent donc qui cotisent donc qui capitalisent alors que fait-on actuellement on paie des retraites avec les cotisations actuelles !! dans XX années il n'y aura plus d'argent dans les caisses pour payer nos propres retraites alors que nous aurons cotisés 40 ans !
    elle est où la solution ? j'ai beau me creuser la tête je ne vois pas sinon de nous faire travailler plus et plus longtemps selon la pénibilité du poste !

    By Anonymous Anonyme, at 5:09 PM  

  • C'est bien pour cela que je parlais d'une retraite minimum par répartition (pour permettre aux plus pauvres de ne pas avoir moins qu'aujourd'hui) il reste à déterminer ce minimum qui doit être plus élevé qu'aujourd'hui!
    la part complémentaire peut se faire aussi par le biais de l'entreprise avec l'épargne salariale exonérée d'impôts et de charges sociales (cela existe mais est trop peu utilisée).
    MD

    By Blogger md, at 8:26 AM  

  • La suggestion de MD me semble intéressante. Les enseignants fonctionnent un peu de cette façon: une retraite de base, alimentée par répartition, selon le principe de solidarité, et une complémentaire. Mais il faut bien préciser que la répartition demeure l'ossature du système, et la capitalisation le complèment.

    La question de fond, qui est vraie pour les retraites comme pour tous les grands problèmes politiques, c'est que les systèmes collectifs globaux et lourds sont devenus en partie inopérants. A quoi s'ajoutent des aspirations de plus en plus individualisées. C'est pourquoi les dogmes de la gauche ont de plus en plus de mal à tenir face à la réalité. C'est pourquoi la démarche des socialistes doit être pragmatique.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 12:43 PM  

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