La victoire de TF1.
Bonsoir à toutes et à tous.
Je vous recommande, comme souvent, la lecture de l'éditorial de Philippe Val dans Charlie-Hebdo de cette semaine. Il revient sur l'incident violent (verbalement) qui a eu lieu entre Nicolas Sarkozy et les pêcheurs. J'en avais parlé sur ce blog, considérant l'altercation comme peu banale et révélatrice de ce qu'est Sarkozy et de l'évolution qu'il imprime à la fonction présidentielle. Je vous rappelle qu'un pêcheur avait traité le président d' "enculé" et que celui-ci lui a répondant en lui demandant de venir s'expliquer, le tutoyant au passage et faisant un geste de la main qui invitait l'agresseur à venir en découdre (genre: "viens ici si t'es un homme"). Du jamais vu dans les rapports entre un président de la République et ses concitoyens, une sorte de vulgarisation de la fonction. Val va dans ce sens:
"Sarkozy inaugure une nouvelle ère: celle où le président se fait traiter d'enculé. C'est peut-être ça, la rupture. En tous les cas, quand le président y répond comme il l'a fait, il y a effectivement rupture".
A partir de cet incident, Philippe Val s'interroge sur ce qui a permis à cet homme d'arriver au pouvoir. Ses qualités personnelles? La droitisation de la société? L'affaiblissement de la gauche? Non, rien de tout ça, l'explication est ailleurs:
"Sarkozy n'est que l'épiphénomène d'un processus qui est passé par la privatisation et la montée en puissance de TF1 il y a une vingtaine d'années. La victoire de Sarkozy, c'est la victoire de TF1".
Mais de quelle façon?
"Ce sont les programmes, et non les JT, qui ont agi sur les moeurs et les mentalités. Toutes les émissions phares de la chaîne, du style "Koh-Lanta" ou "Le Maillon faible"et autres "Qui veut gagner des millions", depuis vingt ans, sont un éloge de la survie, et du "tous les moyens sont bons pour s'en sortir et malheur aux vaincus".
De ce point de vue, l'idéologie de TF1, c'est la destruction ludique de la civilisation, la fin d'un "vivre ensemble" fondé sur des valeurs de vie (la solidarité, le respect, la gratuité) au profit d'un morale (ou plutôt d'une anti-morale) de la survie (compétition, élimination, sacrifice):
"Cette élimination des faibles, qui est le ressort de toutes les émissions, pratiquement sans exception, est devenue idéologique. Si la civilisation invente la protection des faibles, c'est qu'elle a découvert que parmi eux se cachent le chétif Mozart, le cancre Einstein, le nain bancal Toulouse-Lautrec, l'aveugle Ray Charles ou l'homosexuel Léonard de Vinci. Cette exaltation des vertus nécessaires à la survie dans la nature autorise insensiblement glisser la civilisation vers une jungle "naturelle" où le bon sens règne en maître et où les meilleurs gagnent".
La formule au fronton de la chaîne TF1 n'est pas celle de nos écoles et mairies, mais individualisme, compétition, argent. Mais quel rapport avec le début de mon billet, la rencontre houleuse entre Sarkozy et les pêcheurs? La voici:
"Dans la jungle de TF1, tout le monde se tutoie. Les présidents et les marins pêcheurs. Il n'y a pas de représentants et de représentés [ il n'y a que des individus qui s'affrontent, Sarkozy déteste les corps intermédiaires, à tous les sens du terme]. Il n'y a que des proies et des prédateurs [Sarkozy, c'est l'action directe, constante, c'est le conflit permanent]. Voilà plus de vingt ans que TF1 montre dans ses émissions un peuple télévisuel qui est censé être le peuple tout court. Moche, con, sournoisement raciste, uniquement assoiffé de pognon, inculte et fier de l'être. C'est sûr: il est plus facile de pousser dans la descente que de tirer dans la montée. Donc, ça a marché. Sarkozy n'est qu'un symptôme de ce succès".
TF1 n'a pas été seulement, comme on le soutient souvent, l'agent électoral de la droite. Si elle n'avait été que cela ... Mais elle a été surtout son agent idéologique. C'est là sa plus grande victoire. Qu'est-ce qui aujourd'hui fait vivre ensemble de nombreux individus et familles, qu'est-ce qui donne un sens à leur existence, qu'est-ce qui est leur principale sinon exclusive source de divertissement et d'information? La télévision, et plus particulièrement TF1. La thèse de Philippe Val, expliquer la victoire de Sarkozy par la domination idéologique de TF1, est donc pertinente.
Bonne soirée.
Je vous recommande, comme souvent, la lecture de l'éditorial de Philippe Val dans Charlie-Hebdo de cette semaine. Il revient sur l'incident violent (verbalement) qui a eu lieu entre Nicolas Sarkozy et les pêcheurs. J'en avais parlé sur ce blog, considérant l'altercation comme peu banale et révélatrice de ce qu'est Sarkozy et de l'évolution qu'il imprime à la fonction présidentielle. Je vous rappelle qu'un pêcheur avait traité le président d' "enculé" et que celui-ci lui a répondant en lui demandant de venir s'expliquer, le tutoyant au passage et faisant un geste de la main qui invitait l'agresseur à venir en découdre (genre: "viens ici si t'es un homme"). Du jamais vu dans les rapports entre un président de la République et ses concitoyens, une sorte de vulgarisation de la fonction. Val va dans ce sens:
"Sarkozy inaugure une nouvelle ère: celle où le président se fait traiter d'enculé. C'est peut-être ça, la rupture. En tous les cas, quand le président y répond comme il l'a fait, il y a effectivement rupture".
A partir de cet incident, Philippe Val s'interroge sur ce qui a permis à cet homme d'arriver au pouvoir. Ses qualités personnelles? La droitisation de la société? L'affaiblissement de la gauche? Non, rien de tout ça, l'explication est ailleurs:
"Sarkozy n'est que l'épiphénomène d'un processus qui est passé par la privatisation et la montée en puissance de TF1 il y a une vingtaine d'années. La victoire de Sarkozy, c'est la victoire de TF1".
Mais de quelle façon?
"Ce sont les programmes, et non les JT, qui ont agi sur les moeurs et les mentalités. Toutes les émissions phares de la chaîne, du style "Koh-Lanta" ou "Le Maillon faible"et autres "Qui veut gagner des millions", depuis vingt ans, sont un éloge de la survie, et du "tous les moyens sont bons pour s'en sortir et malheur aux vaincus".
De ce point de vue, l'idéologie de TF1, c'est la destruction ludique de la civilisation, la fin d'un "vivre ensemble" fondé sur des valeurs de vie (la solidarité, le respect, la gratuité) au profit d'un morale (ou plutôt d'une anti-morale) de la survie (compétition, élimination, sacrifice):
"Cette élimination des faibles, qui est le ressort de toutes les émissions, pratiquement sans exception, est devenue idéologique. Si la civilisation invente la protection des faibles, c'est qu'elle a découvert que parmi eux se cachent le chétif Mozart, le cancre Einstein, le nain bancal Toulouse-Lautrec, l'aveugle Ray Charles ou l'homosexuel Léonard de Vinci. Cette exaltation des vertus nécessaires à la survie dans la nature autorise insensiblement glisser la civilisation vers une jungle "naturelle" où le bon sens règne en maître et où les meilleurs gagnent".
La formule au fronton de la chaîne TF1 n'est pas celle de nos écoles et mairies, mais individualisme, compétition, argent. Mais quel rapport avec le début de mon billet, la rencontre houleuse entre Sarkozy et les pêcheurs? La voici:
"Dans la jungle de TF1, tout le monde se tutoie. Les présidents et les marins pêcheurs. Il n'y a pas de représentants et de représentés [ il n'y a que des individus qui s'affrontent, Sarkozy déteste les corps intermédiaires, à tous les sens du terme]. Il n'y a que des proies et des prédateurs [Sarkozy, c'est l'action directe, constante, c'est le conflit permanent]. Voilà plus de vingt ans que TF1 montre dans ses émissions un peuple télévisuel qui est censé être le peuple tout court. Moche, con, sournoisement raciste, uniquement assoiffé de pognon, inculte et fier de l'être. C'est sûr: il est plus facile de pousser dans la descente que de tirer dans la montée. Donc, ça a marché. Sarkozy n'est qu'un symptôme de ce succès".
TF1 n'a pas été seulement, comme on le soutient souvent, l'agent électoral de la droite. Si elle n'avait été que cela ... Mais elle a été surtout son agent idéologique. C'est là sa plus grande victoire. Qu'est-ce qui aujourd'hui fait vivre ensemble de nombreux individus et familles, qu'est-ce qui donne un sens à leur existence, qu'est-ce qui est leur principale sinon exclusive source de divertissement et d'information? La télévision, et plus particulièrement TF1. La thèse de Philippe Val, expliquer la victoire de Sarkozy par la domination idéologique de TF1, est donc pertinente.
Bonne soirée.
7 Comments:
Une petite incohérence dans cet intéressant parallèle.
Dans les jeux de TF1, les "meilleurs" gagnent rarement :
ils sont certes appréciés dans la première partie du jeu, pendant que sont éliminés les plus "faibles" (contre-productifs pour la collectivité), ainsi que les femmes, les arabes, les noirs et les vieux.
Mais ensuite, les "meilleurs" (minoritaires) sont éliminés par la masse des "moyens" (stratèges discrets) et des "médiocres" (revanchards).
A la fin, on a droit à une finale "moyen" / "médiocre".
Dans la vie réelle, les "moyens" et les "médiocres" s'imposent aussi. Les "meilleurs" ne gagnent que quand ils ont un "bonus" de pouvoir (pouvoir financier, par exemple).
Thierry
By Anonyme, at 7:36 AM
Merci Thierry pour ce complément remarquable. Si les "meilleurs" l'emportaient, qui pourrait s'en plaindre? Les gagnants, ce ne sont pas les meilleurs, mais les plus forts ... en nombre, c'est-à-dire les faibles, qui n'ont que le nombre pour s'imposer (là dessus, il faut lire Nietzsche).
Les véritables faibles (les victimes de la société), sont éliminés. Il reste donc cette masse de moyens-médiocres dont tu parles si bien, les "stratèges discrets" (que je peux qualifier plus péjorativement de "lâches") et les "revanchards". Mais n'est-ce pas l'image de la société? La majorité moyenne-médiocre a porté Sarkozy au pouvoir.
J'irai encore plus loin. Cette sociologie moyenne-médiocre, cet état d'esprit ont envahi jusqu'aux cellules qui devraient la combattre. Qu'est-ce qui se passe en ce moment dans la section de Saint-Quentin si ce n'est la victoire (apparente et provisoire) des "moyens" et "médiocres", des "stratèges discrets" et des "revanchards", pour reprendre les expressions de Thierry? (la réprobation que je soulève quand je prononce le mot de "compétence" le prouve). La mentalité TF1 imprègne aussi les socialistes, qui regardent comme les autres (sans doute un peu moins) cette chaîne de télévision.
By Emmanuel Mousset, at 9:23 AM
Désigner un bouc émissaire permet de surpasser les difficultés du moment. Un pêcheur alcolo breton qui se lâche au passage du Chef de l'État oublie momentanément que c'est à force de racler la ressource pour acheter ses litrons qu'il est obligé d'aller pêcher plus loin en mer pour satisfaire sa dépendance, brûlant inutilement du fioul hors de prix alors qu'il est à sec. Ensuite Val brode, dans le temps, c'était avec les curés, maintenant c'est TF1.
By jpbb, at 10:29 AM
Puisque les meilleurs sont les minoritaires tout va bien et St-Q est avant-gardiste.
Mais au fait quel est le candidat majoritaire?
Il est dommage qu'à partir d'un thème et d'une discussion sur TF1 qui pourrait etre intéressante on en vienne à parler de la section de ST-Q ce qui n'a qd mm rien a voir. Quel aveuglement stupide!!!
JPB a entiérement raison ,on cherche des boucs émissaires
By Anonyme, at 1:05 PM
A Saint-Quentin, le candidat majoritaire est celui ou celle qui sera choisi après discussion entre tous les socialistes, sans considération de courant. Voilà la méthode que je préconise depuis un an. On ne s'autoproclame pas "rassembleur", c'est le collectif qui en décide.
Pour le moment, c'est le chemin inverse qui prévaut: une candidature de courant, minoritaire, qui veut en découdre quoi qu'il arrive, qui n'accepte pas de se remettre en question, qui ne veut pas discuter du bien fondé de sa démarche, qui n'a pas le sens de l'intérêt collectif.
Des boucs émissaires? Non, en politique, la responsabilité est collective. Je me sens responsable, à mon niveau, de n'avoir pas su convaincre l'ensemble de mes camarades que la candidature unanime était la meilleure solution. Pourtant, ce qui se passe en ce moment me donne entièrement raison. Mais trop tard...
Pas de rapport avec les jeux de TF1 ? Mais si, complétement! Regardez Koh-Lanta, Le Maillon faible, etc, à chaque fois, c'est l'exaltation des rapports de forces, la prime à la ruse, à la tactique, au renversement de dernière minute, la stratégie de la tension dans la lutte pour les places, etc. C'est tout à fait l'univers impitoyable et dérisoire de la section. Et encore, nous ne sommes pas au bout de nos surprises! Il nous reste trois mois, et je crains que le pire soit devant nous. La seule certitude, c'est notre défaite, si la situation actuelle perdure.
By Emmanuel Mousset, at 2:16 PM
Ce ne sont là que des affirmations totalement gratuites ,mensongères et manifestement haineuses.Mais c'est votre seule raison d'exister et c'est dommage surtout pour vous évidemment.
By Anonyme, at 10:52 AM
Laissez la haine de côté, ne projetez pas votre dépit sur moi, en m'attribuant des sentiments qui me sont totalement étrangers. Je n'ai pas une seule raison d'exister mais plusieurs, et parmi elles, l'action politique, la volonté de battre un jour la droite saint-quentinoise et de pouvoir appliquer des idées de gauche à la tête de la municipalité.
Si vous me connaissiez, vous sauriez deux choses:
1- Je suis quelqu'un de peu porté sur les sentiments (d'amour ou de haine), j'essaie d'être rationnel, j'anticipe les événements le plus possible. La haine, irrationnelle, ne peut pas être un moteur de la politique. Ce que je reproche au candidat désavoué, c'est son côté sentimental, affectif, qui le rend vulnérable à tous les excès et à toutes les manipulations. Franchement non, on ne fait pas de politique à partir des sentiments (de haine ou de quoi que ce soit d'autre).
2- Ce qui m'intéresse dans la politique, c'est de "faire", de construire, comme j'essaie dans ma vie associative. La haine est purement destructrice. Quand on demandait à François Mitterrand quelle était selon lui la première qualité d'un homme politique, il répondait énigmatiquement: "l'indifférence". J'ai toujours eu à l'esprit cette réponse: en politique, il faut être indifférent, totalement indifférent à ce qui se passe, y compris indifférent à ses propres réactions et sentiments. Il faut se laisser guider par ses seules convictions, se faire une certaine idée de ce qu'est la vérité et aller jusqu'au bout de ses engagements. C'est ce que je m'efforce de faire.
Volonté de combattre une évolution qui me semble désastreuse, acharnement, oui sans doute, mais haine, non jamais.
By Emmanuel Mousset, at 1:04 PM
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