La question humaine.
Bonsoir à toutes et à tous.
J'ai présenté hier soir, dans le cadre de mon Ciné Philo, le film de Nicolas Klotz, "La Question humaine". Un psychologue d'une grande firme enquête sur le passé trouble de l'entreprise (compromission avec le nazisme, participation au génocide) et la santé mentale de ces dirigeants. C'est un film dérangeant, aussi troublant que ce dont il veut nous parler, parfois énigmatique. J'en tire quelques réflexions:
- Avec l'informatisation des archives, la mémoire auparavant enfouie dans des papiers que personne ne consultait revient en pleine lumière, sur l'écran de l'ordinateur. C'est, si j'ose dire, le devoir informatique de mémoire. Notre société, si soucieuse de l'instant présent, plongée entièrement dans l'immédiat, est aussi, paradoxalement, obsédée par le passé, et le passé douloureux.
- L'entreprise moderne, sous une apparence de froide rationalité, est traversée par de terribles névroses. Les méthodes de management ont des allures de manipulations psychologiques. Il y a même quelque chose de sectaire dans ces thérapies de groupe chargées d'optimaliser les capacités des cadres supérieurs.
- Notre langage a cessé d'être humain, tellement il est envahi de termes techniques, technocratiques, administratifs qui ne veulent plus rien dire, qui ont perdu toute signification humaine.
- La musique, l'amour, les sentiments sont les derniers recours pour contester cet univers déshumanisé que personne ne songe à contester, tellement il s'est inscrit dans les normes sociales.
Ce que je pense de tout ça? C'est un film qui mérite d'être vu et revu, qui provoque la réflexion, qui souvent vise juste dans la description qu'il fait de l'entreprise moderne, du détournement de la psychologie (charger de soigner, elle est utilisée ici pour manipuler, et le psychologue lui-même n'est pas très bien dans sa tête!). Il n'empêche que le film est aussi porteur d'une radicalité qui me gêne: établir un parallèle entre les méthodes du nazisme et le management d'entreprise contemporain me semble outré. Dénoncer le ridicule et l'irrationalité du coatching, oui, mais le rapprocher, même de loin, de l'hitlérisme, non. Je n'aime pas trop la psychologisation à outrance de notre société, mais qu'il y ait désormais des directions des ressources humaines et des psychologues d'entreprise, en quoi est-ce plus mauvais que l'époque où on licenciait sans chercher à comprendre, où les décisions tombaient brutalement, sans appel, où l'individualisation n'était pas de mise? Veillons à notre tour à ne pas abuser du langage, à ne pas suggérer le nazisme là où il n'est pas vraiment.
Allez voir "La Question humaine", vous reviendrez avec beaucoup de questions en tête, et c'est ça l'essentiel.
Bonne soirée.
J'ai présenté hier soir, dans le cadre de mon Ciné Philo, le film de Nicolas Klotz, "La Question humaine". Un psychologue d'une grande firme enquête sur le passé trouble de l'entreprise (compromission avec le nazisme, participation au génocide) et la santé mentale de ces dirigeants. C'est un film dérangeant, aussi troublant que ce dont il veut nous parler, parfois énigmatique. J'en tire quelques réflexions:
- Avec l'informatisation des archives, la mémoire auparavant enfouie dans des papiers que personne ne consultait revient en pleine lumière, sur l'écran de l'ordinateur. C'est, si j'ose dire, le devoir informatique de mémoire. Notre société, si soucieuse de l'instant présent, plongée entièrement dans l'immédiat, est aussi, paradoxalement, obsédée par le passé, et le passé douloureux.
- L'entreprise moderne, sous une apparence de froide rationalité, est traversée par de terribles névroses. Les méthodes de management ont des allures de manipulations psychologiques. Il y a même quelque chose de sectaire dans ces thérapies de groupe chargées d'optimaliser les capacités des cadres supérieurs.
- Notre langage a cessé d'être humain, tellement il est envahi de termes techniques, technocratiques, administratifs qui ne veulent plus rien dire, qui ont perdu toute signification humaine.
- La musique, l'amour, les sentiments sont les derniers recours pour contester cet univers déshumanisé que personne ne songe à contester, tellement il s'est inscrit dans les normes sociales.
Ce que je pense de tout ça? C'est un film qui mérite d'être vu et revu, qui provoque la réflexion, qui souvent vise juste dans la description qu'il fait de l'entreprise moderne, du détournement de la psychologie (charger de soigner, elle est utilisée ici pour manipuler, et le psychologue lui-même n'est pas très bien dans sa tête!). Il n'empêche que le film est aussi porteur d'une radicalité qui me gêne: établir un parallèle entre les méthodes du nazisme et le management d'entreprise contemporain me semble outré. Dénoncer le ridicule et l'irrationalité du coatching, oui, mais le rapprocher, même de loin, de l'hitlérisme, non. Je n'aime pas trop la psychologisation à outrance de notre société, mais qu'il y ait désormais des directions des ressources humaines et des psychologues d'entreprise, en quoi est-ce plus mauvais que l'époque où on licenciait sans chercher à comprendre, où les décisions tombaient brutalement, sans appel, où l'individualisation n'était pas de mise? Veillons à notre tour à ne pas abuser du langage, à ne pas suggérer le nazisme là où il n'est pas vraiment.
Allez voir "La Question humaine", vous reviendrez avec beaucoup de questions en tête, et c'est ça l'essentiel.
Bonne soirée.
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