L'Aisne avec DSK

25 novembre 2007

Sollers en colère.

Bonsoir à toutes et à tous.

J'ai regardé vendredi soir l'émission de Gullaume Durand sur France 2, "Esprits libres". Il y avait Philippe Sollers, et face à lui, Valérie Pécresse. C'était une rencontre assez jubilatoire. Sollers me ravit à chacune de ses prestations télévisées. Ses propos sont toujours vifs, intelligents, provocateurs. J'ai l'impression qu'il ne vieillit pas, qu'il reste identique à lui-même, l'esprit pétillant, malicieux entretenant chez lui le corps. Face à la ministre, avec un public d'étudiants plutôt acquis à sa cause, il s'en est pris avec fougue à Nicolas Sarkozy, à son gouvernement et à sa politique. Sollers, dans le fond et la forme, a gardé quelque chose du maoïste qu'il a été dans les années 60.

Pécresse, dans son look très BCBG assumé de femme de droite, a tenté de résister aux assauts de Sollers en bourgeois intello comme toujours très remonté. Son angle d'attaque a porté sur deux fronts: Sarkozy, c'est la liquidation de Mai 1968, c'est-à-dire de la liberté; Sarkozy, c'est le culte de l'argent, c'est-à-dire la défaite de l'esprit. La liberté, l'esprit, la culture, Sollers y tient, et Sarkozy lui semble étranger à tout ça. Et de rappeler la soirée au Fouquets du président élu depuis quelques heures seulement, en compagnie de ses amis, vedettes fortunées, puis les quelques jours de détente en méditerranée sur un yatch de milliardiaire, enfin les vacances cossues et américaines, à quelques dizaines de kilomètres du ranch du président Bush. L'argent comme finalité du travail ("travailler plus pour gagner plus"), l'argent comme finalité de l'université (la loi Pécresse), l'argent qui obsède et fascine Sarkozy.

Bien sûr, Philippe Sollers est excessif, injuste, parfois démagogue. Sarkozy, ce n'est pas que ça. Et puis, l'argent fait partie de la vie, contribue au développement des sociétés. Quand les français demandent un peu plus de pouvoir d'achat, ce n'est pas à rejeter! Mais je pardonne beaucoup à Sollers. D'abord parce que c'est un écrivain et qu'à ce titre, il a tous les droits, surtout celui de l'exagération, de la caricature (au bon sens du terme: un portrait qui force le trait et qui ainsi dévoile une vérité). Ensuite et surtout, c'est qu'au-delà de son style, de ses emportements, de son lyrisme, il vise fort juste, même s'il ne conceptualise pas sa colère et ses passions comme le ferait un philosophe.

Il est vrai, et la remarque va bien au-delà du train de vie de Nicolas Sarkozy, que le nouveau président a introduit en France une rupture culturelle avec un principe que partageait y compris la tradition de droite: on peut être riche, on n'étale pas son argent, on n'en fait pas une fierté ou un mérite. Cette tradition, qu'on peut certes juger hypocrite, qu'on peut aussi qualifier de pudique et de respectueuse, Sarkozy, par son comportement, par les principes de sa politique, a décidé d'y mettre fin. Sa fascination pour les Etats-Unis est la clé de tout: le président a la volonté d'accélérer l'américanisation de la société française, en bouleversant le rapport qu'elle entretient depuis des siècles avec l'argent, et qui était l'héritage conjoint, de défiance et de pudeur, entretenu par le catholicisme et le socialisme.

Soyons clairs: je ne suis pas contre l'argent ni contre la société américaine (l'un est nécessaire, l'autre est par bien des côtés admirable). Mais ce qui ne va pas, ce qui est contestable et dangereux, c'est de vouloir introduire en France (au nom de quoi?) des traits culturels, en l'occurrence un certain rapport à l'argent, qui nous sont étrangers, qui ne peuvent que provoquer, au sens très négatif, des ruptures dommageables. Ce qui est paradoxal et contradictoire, c'est que ce gouvernement crée un ministère de "l'identité nationale" et, dans le même temps, renonce à un réflexe national, latin et européen à l'égard de l'argent qu'on ne retrouve pas dans la culture américaine. Là-bas, l'argent est roi parce que la religion est reine, parce que celle-ci est en quelque sorte le contrepoids de celui-là. "In God, we trust", c'est la formule inscrite sur le dollar et qui dit tout des rapports de nos amis américains avec l'argent et la religion. Mais la France laïque n'est pas du tout dans un tel contexte culturel. Vouloir faire de l'argent la finalité de notre société, comme le suggère Nicolas Sarkozy, c'est introduire des ferments de division et de violence.

La gauche doit tenir très ferme sur ce principe: l'argent ne doit pas être ce qui fait la valeur, le mérite et encore moins la supériorité de l'individu. Et pour le dire brutalement, à la Sollers: on peut être riche, con et paresseux.

Tous mes encouragements à Philippe Sollers dans sa contestation du gouvernement.


Bonne soirée.

2 Comments:

  • j'ai regardé également cette émission. et j'avoue avoir apprécié l'exécution de cette péronelle. par contre, il est triste de constater que l'opposition au gouvernement émane uniquement des intellectuels, des artistes, de la rue et des opposants de droite.
    c'est l'illustration du discours de besancenot....VAL

    By Anonymous Anonyme, at 9:53 AM  

  • VAL, vais-je devoir t'appeler "tête dure"? L'opposition au gouvernement existe chez les socialistes, parmi nos députés, dans les prises de position quasi quotidiennes de nos élus, notre présence militante sur le terrain, dans les émissions de télévision, etc.

    Le problème, car il y a manifestement un problème, ne réside pas dans notre absence d'opposition (le PS n'a jamais cessé d'être présent et de jouer son rôle d'opposant), notre problème, c'est que nous n'avons pas pour le moment une ligne d'opposition très claire, très audible pour les français.

    Donc, VAL, oui, il y a un problème côté PS, mais sachons bien le cerner et ne faisons pas, comme Besancenot, Balasko et consorts, de l'antisocialisme primaire. Un jour, on fera le bilan de l'action de Besancenot, et on constatera que ça n'est pas terrible.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 12:57 PM  

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