Inaugurations.
Bonsoir à toutes et à tous.
J'ai fait deux inaugurations dans la journée, ce matin pour le lancement du Téléthon, cet après-midi pour l'ouverture du Marché de Noël. Quelqu'un de normalement constitué ne supporte pas une inauguration, qui le barbe très vite. Ou alors, il faut être directement impliqué dans la manifestation qu'on inaugure. Quelqu'un qui n'aime pas la politique ne comprend rien à une inauguration. Quelqu'un qui n'aime pas les inaugurations, c'est qu'il ne comprend rien à la politique. Depuis bientôt dix ans que je vis à Saint-Quentin, je vais à des manifestations de toute sorte. Je ne m'en lasse pas, parce que c'est passionnant.
Je devine votre étonnement: barbant et passionnant? Mais oui. Ce qu'on y voit et ce qu'on y entend, ce qu'on y apprend parfois, est politiquement instructif. Je ne dis pas que l'action militante se réduit à courir les inaugurations, loin de là. Mais c'est une mise en jambes, un passage utile, une petite épreuve nécessaire, presque initiatique. Regardez les élus, ils sont friands d'inaugurations qui à premier vue ne leur rapportent rien. Erreur. C'est une discipline mentale et physique, une sorte d'hygiène de vie politique. Si j'avais à sélectionner les candidats à une liste municipale, je le ferais notamment sur ce critère-là. Ne faites pas de politique si les inaugurations vous ennuient.
Je vous sens encore dubitatif. Je vous donne l'exemple de ce matin, l'inauguration du Téléthon. Qui y avait-il d'intéressant? Un tas de choses:
1- Nous étions peu nombreux, mais tout ce que Saint-Quentin compte de politiques étaient présents , rassemblés dans le froid: le sénateur-maire, le ministre du Travail, les deux députés, nationale et européenne, la conseillère générale, de nombreux adjoints et conseillers municipaux, le sous-préfet. Pas mal, non? Et plutôt exceptionnel.
2- Quand vient le temps des discours, ce qui est intéressant, c'est de voir qui va être cité, qui va être oublié. Les remerciements, les références aux uns et pas aux autres, le passage de micro à celui-ci et pas à celui-là mesurent, mine de rien, invisibles au regard du profane, les influences du moment. Il y a là un baromètre politique qui vaut toutes les études d'opinion.
3- Le ministre du Travail, comme à son habitude, très habilement, a fait son modeste, en refusant de prendre la parole, alors que le responsable du Téléthon, pourtant de gauche, insistait pour qu'il la prenne (le pouvoir reste le pouvoir, il n'y a plus ni gauche, ni droite qui tiennent). En politique, l'homme silencieux est souvent le plus fort. Il n'a pas besoin de la parole pour faire sentir son pouvoir. Sa simple présence suffit. Pour en arriver là, il faut être fort, très fort. Comme Xavier Bertrand.
4- Et puis, il y a une autre raison à ce silence ministériel. Le patron de la droite à Saint-Quentin, il n'y en a qu'un, c'est le sénateur-maire, Pierre André. C'est donc lui qu'on laisse parler, tout ministre qu'on est. Bertrand et la droite ont compris quelque chose qui dépasse la gauche saint-quentinoise: sans un leader respecté, on n'arrive à rien en politique. C'est peut-être dommage mais c'est comme ça. En privé, bien sûr, chacun retrouve sa liberté, et Pierre André est critiqué comme n'importe qui. Mais ça s'arrête là. Pour le reste, allégeance totale. Mes camarades socialistes se trompent lourdement quand certains escomptent une division à droite pour les municipales, un mécontement envers les méthodes et les propos peu diplomatiques du maire de Saint-Quentin. Ils projettent le bordel ambiant du PS local sur la droite en rangs serrés autour de son chef. S'ils assistaient comme moi à une inauguration, ils comprendraient très vite, visuellement, physiquement, que la droite locale n'est pas prête de se désunir. Pour nous, socialistes, c'est plus simple: nous n'avons jamais été unis! Je déconseille en politique de prendre ses désirs pour des réalités.
5- Je m'amuse à observer qui va vers qui, une fois les discours terminés. Le ministre raffole des poignées de mains, larges sourires, clins d'oeil, bises et tutoiement, y compris envers des camarades très à gauche, beaucoup plus que moi. Mais quand il me frôle, le regard est ailleurs, le sourire est absent et la main reste dans la poche. Intéressant, non? Il faut dire que je ne fais rien d'aimable dans sa direction, alors que tant de personnes s'approchent de lui pour le saluer. Je l'ignore, il m'indiffère, et j'en éprouve une certaine satisfaction. Je sais, c'est un peu bête, mais je ne pense pas qu'on puisse avoir comme adversaire politique quelqu'un avec lequel on est à tu et à toi.
6- Dans les inaugurations, on retrouve immanquablement les mêmes personnes. Du coup, ceux et celles qui viennent pour la première fois se repèrent immédiatemment, tel un éléphant dans un magasin de porcelaine. Ils ont le regard qui cherche à qui s'adresser, ne savent pas trop quoi faire de leurs mains et de leurs corps, profitent d'une occasion pour lancer très artificiellement un bon mot que personne ne remarque et que tout le monde fait semblant d'écouter. L'approche des municipales ou de toute autre échéance électorale favorise ce genre de personnages et de réactions. Ils ont besoin qu'on les remarque et doivent faire oublier qu'à l'ordinaire on ne les voit pas. Ils sont marrants et dérisoires.
7- Et puis, il y a les journalistes, qui prennent la photo de famille sur laquelle chacun se presse de crainte de ne pas apparaitre dans le journal du lendemain. Ils vont vers les uns et vers les autres, en quête d'une déclaration pittoresque, d'une information inédite, qui feront l'objet d'un écho dans un prochain numéro. Les auteurs de la déclaration, les responsables de l'info seront tout contents de se voir cités "dans le journal", ayant le sentiment superficiel d'une fausse gloire. Le sénateur-maire rigole, il sait que le vrai pouvoir est ailleurs que dans ce jeu des vanités.
8- L'après-midi, à la différence du matin, c'est la grande foule, pour le Marché de Noël. La gauche "institutionnelle" n'est pas venue, à part Freddy du MRC, qui dépasse tout le monde d'une tête. Aucun représentant du PCF, aucun représentant des Verts. La droite pavoise, le terrain est libre. Dans cette foule, je reconnais beaucoup de gens de gauche. Je n'ose pas leur demander ce qu'ils pensent de cette omniprésence de la droite. Je papote à droite et à gauche, les rumeurs vont bon train: les communistes vont faire leur propre liste en compagnie de la LCR, le MRC ne participera pas à la liste de gauche discréditée par les divisions entre socialistes, un sondage donnerait entre 20 et 22% à la gauche unie (elle avait recueilli 26% en 2001). Ses rumeurs me rentrent par une oreille et me sortent par l'autre. Je n'ai jamais cru aux bobards qu'on vous raconte vite fait et qui donnent de l'importance à celui qui vous les confie. Ce que je remarque, c'est que les rumeurs négatives atteignent très peu la droite.
9- Et moi dans tout ça, qu'est-ce que je fais là? J'ai participé hier soir au Téléthon en animant un café philo dans un foyer de vie de l'APF, sur le thème: la société est-elle faite pour les personnes handicapées? J'animerai, sur le Marché de Noël, le 21 décembre, un "café des voyageurs" où l'on pourra échanger ses souvenirs ou projets de vacances à Noël ou Jour de l'An. Voilà, vous savez tout.
Bonne nuit.
J'ai fait deux inaugurations dans la journée, ce matin pour le lancement du Téléthon, cet après-midi pour l'ouverture du Marché de Noël. Quelqu'un de normalement constitué ne supporte pas une inauguration, qui le barbe très vite. Ou alors, il faut être directement impliqué dans la manifestation qu'on inaugure. Quelqu'un qui n'aime pas la politique ne comprend rien à une inauguration. Quelqu'un qui n'aime pas les inaugurations, c'est qu'il ne comprend rien à la politique. Depuis bientôt dix ans que je vis à Saint-Quentin, je vais à des manifestations de toute sorte. Je ne m'en lasse pas, parce que c'est passionnant.
Je devine votre étonnement: barbant et passionnant? Mais oui. Ce qu'on y voit et ce qu'on y entend, ce qu'on y apprend parfois, est politiquement instructif. Je ne dis pas que l'action militante se réduit à courir les inaugurations, loin de là. Mais c'est une mise en jambes, un passage utile, une petite épreuve nécessaire, presque initiatique. Regardez les élus, ils sont friands d'inaugurations qui à premier vue ne leur rapportent rien. Erreur. C'est une discipline mentale et physique, une sorte d'hygiène de vie politique. Si j'avais à sélectionner les candidats à une liste municipale, je le ferais notamment sur ce critère-là. Ne faites pas de politique si les inaugurations vous ennuient.
Je vous sens encore dubitatif. Je vous donne l'exemple de ce matin, l'inauguration du Téléthon. Qui y avait-il d'intéressant? Un tas de choses:
1- Nous étions peu nombreux, mais tout ce que Saint-Quentin compte de politiques étaient présents , rassemblés dans le froid: le sénateur-maire, le ministre du Travail, les deux députés, nationale et européenne, la conseillère générale, de nombreux adjoints et conseillers municipaux, le sous-préfet. Pas mal, non? Et plutôt exceptionnel.
2- Quand vient le temps des discours, ce qui est intéressant, c'est de voir qui va être cité, qui va être oublié. Les remerciements, les références aux uns et pas aux autres, le passage de micro à celui-ci et pas à celui-là mesurent, mine de rien, invisibles au regard du profane, les influences du moment. Il y a là un baromètre politique qui vaut toutes les études d'opinion.
3- Le ministre du Travail, comme à son habitude, très habilement, a fait son modeste, en refusant de prendre la parole, alors que le responsable du Téléthon, pourtant de gauche, insistait pour qu'il la prenne (le pouvoir reste le pouvoir, il n'y a plus ni gauche, ni droite qui tiennent). En politique, l'homme silencieux est souvent le plus fort. Il n'a pas besoin de la parole pour faire sentir son pouvoir. Sa simple présence suffit. Pour en arriver là, il faut être fort, très fort. Comme Xavier Bertrand.
4- Et puis, il y a une autre raison à ce silence ministériel. Le patron de la droite à Saint-Quentin, il n'y en a qu'un, c'est le sénateur-maire, Pierre André. C'est donc lui qu'on laisse parler, tout ministre qu'on est. Bertrand et la droite ont compris quelque chose qui dépasse la gauche saint-quentinoise: sans un leader respecté, on n'arrive à rien en politique. C'est peut-être dommage mais c'est comme ça. En privé, bien sûr, chacun retrouve sa liberté, et Pierre André est critiqué comme n'importe qui. Mais ça s'arrête là. Pour le reste, allégeance totale. Mes camarades socialistes se trompent lourdement quand certains escomptent une division à droite pour les municipales, un mécontement envers les méthodes et les propos peu diplomatiques du maire de Saint-Quentin. Ils projettent le bordel ambiant du PS local sur la droite en rangs serrés autour de son chef. S'ils assistaient comme moi à une inauguration, ils comprendraient très vite, visuellement, physiquement, que la droite locale n'est pas prête de se désunir. Pour nous, socialistes, c'est plus simple: nous n'avons jamais été unis! Je déconseille en politique de prendre ses désirs pour des réalités.
5- Je m'amuse à observer qui va vers qui, une fois les discours terminés. Le ministre raffole des poignées de mains, larges sourires, clins d'oeil, bises et tutoiement, y compris envers des camarades très à gauche, beaucoup plus que moi. Mais quand il me frôle, le regard est ailleurs, le sourire est absent et la main reste dans la poche. Intéressant, non? Il faut dire que je ne fais rien d'aimable dans sa direction, alors que tant de personnes s'approchent de lui pour le saluer. Je l'ignore, il m'indiffère, et j'en éprouve une certaine satisfaction. Je sais, c'est un peu bête, mais je ne pense pas qu'on puisse avoir comme adversaire politique quelqu'un avec lequel on est à tu et à toi.
6- Dans les inaugurations, on retrouve immanquablement les mêmes personnes. Du coup, ceux et celles qui viennent pour la première fois se repèrent immédiatemment, tel un éléphant dans un magasin de porcelaine. Ils ont le regard qui cherche à qui s'adresser, ne savent pas trop quoi faire de leurs mains et de leurs corps, profitent d'une occasion pour lancer très artificiellement un bon mot que personne ne remarque et que tout le monde fait semblant d'écouter. L'approche des municipales ou de toute autre échéance électorale favorise ce genre de personnages et de réactions. Ils ont besoin qu'on les remarque et doivent faire oublier qu'à l'ordinaire on ne les voit pas. Ils sont marrants et dérisoires.
7- Et puis, il y a les journalistes, qui prennent la photo de famille sur laquelle chacun se presse de crainte de ne pas apparaitre dans le journal du lendemain. Ils vont vers les uns et vers les autres, en quête d'une déclaration pittoresque, d'une information inédite, qui feront l'objet d'un écho dans un prochain numéro. Les auteurs de la déclaration, les responsables de l'info seront tout contents de se voir cités "dans le journal", ayant le sentiment superficiel d'une fausse gloire. Le sénateur-maire rigole, il sait que le vrai pouvoir est ailleurs que dans ce jeu des vanités.
8- L'après-midi, à la différence du matin, c'est la grande foule, pour le Marché de Noël. La gauche "institutionnelle" n'est pas venue, à part Freddy du MRC, qui dépasse tout le monde d'une tête. Aucun représentant du PCF, aucun représentant des Verts. La droite pavoise, le terrain est libre. Dans cette foule, je reconnais beaucoup de gens de gauche. Je n'ose pas leur demander ce qu'ils pensent de cette omniprésence de la droite. Je papote à droite et à gauche, les rumeurs vont bon train: les communistes vont faire leur propre liste en compagnie de la LCR, le MRC ne participera pas à la liste de gauche discréditée par les divisions entre socialistes, un sondage donnerait entre 20 et 22% à la gauche unie (elle avait recueilli 26% en 2001). Ses rumeurs me rentrent par une oreille et me sortent par l'autre. Je n'ai jamais cru aux bobards qu'on vous raconte vite fait et qui donnent de l'importance à celui qui vous les confie. Ce que je remarque, c'est que les rumeurs négatives atteignent très peu la droite.
9- Et moi dans tout ça, qu'est-ce que je fais là? J'ai participé hier soir au Téléthon en animant un café philo dans un foyer de vie de l'APF, sur le thème: la société est-elle faite pour les personnes handicapées? J'animerai, sur le Marché de Noël, le 21 décembre, un "café des voyageurs" où l'on pourra échanger ses souvenirs ou projets de vacances à Noël ou Jour de l'An. Voilà, vous savez tout.
Bonne nuit.
9 Comments:
Oui, très intéressant. ;-)
Au fait à votre marché de Noël, il y a du vin chaud à la canelle, des saucisses blanches et des gromberre avec de la compote de pommes ?
By jpbb, at 12:05 AM
Bravo Emmanuel !
Du fond du coeur bravo !
A propos de l'hatitude de Bertrand c'est tout à fait cela !
ça vaut la définition de la tête de l'abbé pierre par barthes...rire...
Pour l'union de la droite, idem...
Pour celle de la gauche c'est à pleurer d'amertume et de regret....
C'est que reste t il de nos amours qu'elle aurait dû écrire ségo...soupirs....
Ta remarque précèdente était pertinente, il faut oublier nos anciens shémas de fonctionnement, ils n'ont plus cours.
Nous devons réapprendre à penser.
fraternellement et radicalement
amitiés
By Anonyme, at 10:49 AM
A JPPB: du vin chaud oui, j'en ai pris un verre hier. Pour les saucisses et la compote, il faut vérifier, je ne suis pas sûr.
A Stéphane: "réapprendre à penser", oui c'est tout à fait ça. Réapprendre aussi à militer autrement. Nous devons oeuvrer à un changement de génération et de culture. Pas facile mais très intéressant.
Bon dimanche.
By Emmanuel Mousset, at 11:52 AM
Emmanuel,
IL n'y a pas de honte a reconnaitre ses erreurs, aussi je dois des excuses à jlc (du moins je le pense), comme tu le dis si bien le nouveau est l'éléphant dans une maison de porcelaine et pas seulement pour les inaugurations.
J'avais peur, pour les listes de me faire taper sur les doigts ou pire de décevoir db.
Alors, qu'au fond, cela n'était pas ma priorité (c'était simplement de se faire accepter).
J'ai dit que fg était aussi formidable mais j'ai appris aujourd'hui sur ton blog pour sa liste et pour celle du pcf.
Pardonne ma naiveté, mais je n'avais jamais douté que fg ne ferait pas parti de la liste d'union, c'était même : une évidence.
On reste quoi, et l'on se sent con.
Il n'y a plus rien à dire, la terre est bleue, bleue comme une orange, les mots ne mentent jamais...
C'est dur d'être un veil angoissé, c'est encore pire d'être déçu...
fraternellement
By Anonyme, at 12:37 PM
Pas d'angoisse ni de déception en politique, camarade radical, de la réflexion et de l'action, c'est tout.
By Emmanuel Mousset, at 1:54 PM
j'adore les inaugurations car je trouve cela totalement kitsch, surréaliste, vivant.
la foule qui s'agglutine pour voir , alors qu'il n'y a vraiment rien d'intéressant à voir .
s'immerger dans 1 inauguration c'est de la pure politique : discours pontifiants et langue de bois, personnes présentes soit pour être vues soit impatientes d'aller au pot de l'amitié, groupies et détracteurs........VAL
By Anonyme, at 12:13 PM
VAL, qui ne va pas dans les inaugurations (ou pas dans les mêmes que moi), a néanmoins très bien saisi l'atmosphère et l'utilité d'une inauguration. La politique, c'est aussi l'art très difficile de savoir perdre son temps.
By Emmanuel Mousset, at 12:20 PM
En attendant la mort, il faut bien passer son temps dans une occupation chronophage, de préférence passionnante et qui couvre tous les aspects de la vie. Cela déstresse de l'instant final et cela comble le vide existentiel. C'est de plus une occupation noble, car elle est dirigée envers ses semblables.
By jpbb, at 12:46 PM
Inaugurer pour ne pas mourir? Un vide (l'inauguration) pour combler un autre vide (la disparition de soi)? Je crois en effet que l'activité politique est une sorte de course contre la montre et contre la mort.
Vous remarquerez qu'un modeste billet sur de banales inaugurations peut conduire à des hauteurs métaphysiques insoupçonnées.
By Emmanuel Mousset, at 1:46 PM
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