Ariès, la découverte.
Bonjour à toutes et à tous.
On apprend chaque jour. Hier soir, vers 22h40, je capte sur France-Info, tout à fait par hasard, des propos très intéressants, inhabituels, iconoclastes d'un certain Paul Ariès, politologue, dont je n'ai jamais entendu parler. J'ai été d'autant plus sensible à ce qu'il disait que je venais de rédiger un billet sur la remise en cause des 35 heures par la société d'hyperconsommation. Or, c'est l'hyperconsommation qu'Ariès conteste, en critiquant ... les soldes et la politique des prix bas. Etonnant parce que les soldes et les prix bas, tout le monde est pour! Je suis allé hier à Auchan pour m'acheter un petit échafaudage (pour des travaux de peinture): plein de monde, parce que ce sont les soldes. L'hyperconsommation, les gens aiment ça, à part peut-être les bobos sophistiqués. Ariès reproche notamment aux prix bas de favoriser les délocalisations.
A la suite de cette découverte, je me précipite sur internet pour en savoir plus sur Paul Ariès, et je n'ai pas été déçu. C'est un antilibéral, mais intelligent, et il y a beaucoup à prendre, pour un socialiste, dans ce qu'il propose. C'est un écologiste, mais humaniste et politique. Il soutient José Bové, mais lui reproche d'être "seulement antilibéral" et de se laisser aller à la sur-médiatisation. Il prône la simplicité volontaire, les modes de vie minimalistes. Tout ça me plait bien. Son texte de référence, c'est semble-t-il son "Manifeste pour une grève générale de la consommation". C'est assez original: Ariès veut remplacer le mythe de la "grève générale" des producteurs, qui a structuré l'imaginaire de la classe ouvrière à la fin du XIXème siècle, par une grève de la consommation (il prône une journée sans achat, pour commencer).
Je retiens deux points forts d'accord entre l'antilibéral Ariès et le social-démocrate que je suis:
- La consommation est devenue l'aliénation et l'exploitation de l'époque contemporaine, et non plus la production. Ce n'est plus l'entreprise qui est le vrai lieu de révolte, c'est le supermarché.
- La gauche ne peut pas se contenter de gérer la société ou d'avancer un projet politique, elle doit recréer un imaginaire, comme Sarkozy a su renouveler l'imaginaire de droite.
Mais j'ai aussi des points de désaccord, ou plutôt de discussion: Ariès est favorable à la "décroissance", il se définit comme un "objecteur de croissance". Moi, la croissance, la production de richesses, je suis pour. Maintenant, il faudrait que j'en sache plus sur le concept de décroissance, qui se distingue, je suppose, de la "croissance zéro" prônée dans les années 70 (Ariès distingue aussi la "décroissance équitable" de ce "développement durable" qui est mis aujourd'hui à toutes les sauces) . Critiquer la consommation, oui (je pense à cette misère qu'est le crédit facile et le surendettement qu'il provoque). En même temps, la société de consommation a été un formidable progrès quand on pense aux modes de vie de bien des français dans les années 50. Un certain confort, réservé autrefois aux bourgeois (posséder sa maison, sa voiture, ...) a été permis aux classes populaires, dont une partie est devenue classes moyennes.
Le paradoxe, c'est que la société de consommation a favorisé à la fois l'émancipation et l'aliénation. Et je me dis qu'une fois encore nous devons être marxistes: Marx critique le capitalisme, est épouvanté par ses conséquences, annonce sa disparition et en même temps, il reconnait sa nécessité, estime que ce mode de production est révolutionnaire, représente un progrès, mérite l'admiration (comme on peut admirer un adversaire redoutable!).
Ce que j'apprécie aussi chez Ariès, c'est sa critique des marques, des sectes, des défenseurs fanatiques des animaux. Ce que j'aime moins, c'est sa critique de Disneyland, de la pub, de la "malbouffe" et surtout son regard sur le Parti socialiste: "ce n'est plus un parti de gauche" (là, on ne peut plus être copains!). Ceci dit, il faut que j'en sache un peu plus sur ce penseur original. La social-démocratie, pour se régénérer, a besoin d'aller chercher dans d'autres traditions intellectuelles de gauche (c'est ce qu'a fait Marx), et même si nous sommes des libéraux (au sens où nous sommes partisans de l'économie de marché), un certain antilibéralisme peut nous apprendre quelque chose d'important. Je crois en tout cas que la social-démocratie doit intégrer l'écologie rationnelle, humaniste et progressiste.
Deux journaux aux sous-titres évocateurs, à consulter sur le net pour mieux connaitre la pensée de Paul Ariès:
- Le Sarkophage. Contre tous les sarkozysmes.
- La Décroissance. Le journal de la joie de vivre.
Bonne matinée.
On apprend chaque jour. Hier soir, vers 22h40, je capte sur France-Info, tout à fait par hasard, des propos très intéressants, inhabituels, iconoclastes d'un certain Paul Ariès, politologue, dont je n'ai jamais entendu parler. J'ai été d'autant plus sensible à ce qu'il disait que je venais de rédiger un billet sur la remise en cause des 35 heures par la société d'hyperconsommation. Or, c'est l'hyperconsommation qu'Ariès conteste, en critiquant ... les soldes et la politique des prix bas. Etonnant parce que les soldes et les prix bas, tout le monde est pour! Je suis allé hier à Auchan pour m'acheter un petit échafaudage (pour des travaux de peinture): plein de monde, parce que ce sont les soldes. L'hyperconsommation, les gens aiment ça, à part peut-être les bobos sophistiqués. Ariès reproche notamment aux prix bas de favoriser les délocalisations.
A la suite de cette découverte, je me précipite sur internet pour en savoir plus sur Paul Ariès, et je n'ai pas été déçu. C'est un antilibéral, mais intelligent, et il y a beaucoup à prendre, pour un socialiste, dans ce qu'il propose. C'est un écologiste, mais humaniste et politique. Il soutient José Bové, mais lui reproche d'être "seulement antilibéral" et de se laisser aller à la sur-médiatisation. Il prône la simplicité volontaire, les modes de vie minimalistes. Tout ça me plait bien. Son texte de référence, c'est semble-t-il son "Manifeste pour une grève générale de la consommation". C'est assez original: Ariès veut remplacer le mythe de la "grève générale" des producteurs, qui a structuré l'imaginaire de la classe ouvrière à la fin du XIXème siècle, par une grève de la consommation (il prône une journée sans achat, pour commencer).
Je retiens deux points forts d'accord entre l'antilibéral Ariès et le social-démocrate que je suis:
- La consommation est devenue l'aliénation et l'exploitation de l'époque contemporaine, et non plus la production. Ce n'est plus l'entreprise qui est le vrai lieu de révolte, c'est le supermarché.
- La gauche ne peut pas se contenter de gérer la société ou d'avancer un projet politique, elle doit recréer un imaginaire, comme Sarkozy a su renouveler l'imaginaire de droite.
Mais j'ai aussi des points de désaccord, ou plutôt de discussion: Ariès est favorable à la "décroissance", il se définit comme un "objecteur de croissance". Moi, la croissance, la production de richesses, je suis pour. Maintenant, il faudrait que j'en sache plus sur le concept de décroissance, qui se distingue, je suppose, de la "croissance zéro" prônée dans les années 70 (Ariès distingue aussi la "décroissance équitable" de ce "développement durable" qui est mis aujourd'hui à toutes les sauces) . Critiquer la consommation, oui (je pense à cette misère qu'est le crédit facile et le surendettement qu'il provoque). En même temps, la société de consommation a été un formidable progrès quand on pense aux modes de vie de bien des français dans les années 50. Un certain confort, réservé autrefois aux bourgeois (posséder sa maison, sa voiture, ...) a été permis aux classes populaires, dont une partie est devenue classes moyennes.
Le paradoxe, c'est que la société de consommation a favorisé à la fois l'émancipation et l'aliénation. Et je me dis qu'une fois encore nous devons être marxistes: Marx critique le capitalisme, est épouvanté par ses conséquences, annonce sa disparition et en même temps, il reconnait sa nécessité, estime que ce mode de production est révolutionnaire, représente un progrès, mérite l'admiration (comme on peut admirer un adversaire redoutable!).
Ce que j'apprécie aussi chez Ariès, c'est sa critique des marques, des sectes, des défenseurs fanatiques des animaux. Ce que j'aime moins, c'est sa critique de Disneyland, de la pub, de la "malbouffe" et surtout son regard sur le Parti socialiste: "ce n'est plus un parti de gauche" (là, on ne peut plus être copains!). Ceci dit, il faut que j'en sache un peu plus sur ce penseur original. La social-démocratie, pour se régénérer, a besoin d'aller chercher dans d'autres traditions intellectuelles de gauche (c'est ce qu'a fait Marx), et même si nous sommes des libéraux (au sens où nous sommes partisans de l'économie de marché), un certain antilibéralisme peut nous apprendre quelque chose d'important. Je crois en tout cas que la social-démocratie doit intégrer l'écologie rationnelle, humaniste et progressiste.
Deux journaux aux sous-titres évocateurs, à consulter sur le net pour mieux connaitre la pensée de Paul Ariès:
- Le Sarkophage. Contre tous les sarkozysmes.
- La Décroissance. Le journal de la joie de vivre.
Bonne matinée.
5 Comments:
Tout le drame de ces sociologues, philosophes et politiques, c'est de n'avoir aucune culture technique, et de ne pas arriver à avoir une vision qui part de l'homme des cavernes pour arriver aux temps modernes. De ne pas inclure les grandes inventions, les grandes découvertes et les mutations qu'elles ont obligatoirement induit dans le social. Bref de ne pas comprendre que c'est l'inventivité qui re-dessine le paysage social, et que c'est sur cette strate que l'on peut bâtir le politique. Nous sommes d'accord avec la réalité du marché qui débouche sur la mondialisation. Nous sommes donc libéral au sens de Michel Rocard. Mais une liberté ne peut se vivre que dans un cadre défini. C'est le philosophe qui parle alors, et il faut alors concevoir un modèle capable de respecter la liberté tout ne lui fixant des contraintes à ne pas dépasser, et c'est le politique qui doit y arriver.
Nous savons qu'une entreprise doit vendre des produits ou des services à des clients. Nous savons que le marché impose la concurrence. Les clients achèteront les bons produits au bon prix, quelque soit la façon dont les produits ont étés produits. Pour un chef d'entreprise, il a le choix entre des robots qui ne font pas les 35 heures, et le prolétariat cher à Marx pour produire ces objets. On constate le remplacement des ouvriers par des robots dans les usines, et donc la fin du prolétariat. Il reste des techniciens, des ingénieurs, des cadres commerciaux, etc. Que du personnel bien payé dont l'ambition n'est pas de faire la révolution.
De la méconnaissance de l'évolution des moyens de productions par le biais de la technologie, une part importante des militants à gauche s'illusionnent sur les thèses marxistes. Comme quoi prendre en compte l'inventivité est indispensable pour ne pas se planter dans une impasse dès que l'on conceptualise en politique.
La consommation, tout le monde consomme, et la plupart pas assez. De l'eau potable et des soins médicaux en Afrique par exemple.
By jpbb, at 10:15 AM
Tout le monde consomme, certes. Mais certains trop et d'autres pas assez, le problème est peut-être là.
Ceci dit, il n'est pas facile de définir à partir de quand on consomme "trop". L'homme des caverne, quand il se gavait de fruits, consommait trop!
Une précision: ce n'est pas tant la consommation que la "société de consommation" qui mérite d'être critiquée.
Distinguer aussi vivre (même dans l'excès) et consommer.
By Emmanuel Mousset, at 12:28 PM
Un article intéressant, qui m'a aussi fait rire :
"C'est un antilibéral, mais intelligent"... les autres antilibéraux apprécieront !
"C'est un écologiste, mais humaniste et politique"... les autres écologistes apprécieront !
Ca m'a fait rire parce que ça m'a rappelé ma grand-mère, qui disait toujours : "c'est un noir, mais civilisé !"
Plus sérieusement, j'ai parfois acheté "La décroissance", notamment pendant le "Grenelle". Les idées sont très radicales. On n'adhère pas forcément, mais ça éclaire et on peut y piocher des idées...
Thierry
By Anonyme, at 6:27 PM
Cher Thierry,
Ce que j'ai voulu dire, mais tu m'as compris, c'est qu'il y a des antilibéraux dogmatiques, par exemple à l'extrême gauche. A mes yeux, le dogmatisme, c'est le contraire de l'intelligence. De même qu'il y a des écologistes sectaires, qui vouent un culte complètement irrationnel à la nature, alors que d'autres sont humanistes et rationnels.
Tout à fait d'accord avec toi sur la radicalité du journal "La Décroissance", et tu as raison: il faut "piocher" là dedans, je dirais: butiner et en faire notre miel ... social-démocrate.
By Emmanuel Mousset, at 9:23 PM
Pour en apprendre plus sur le "sens de la décroissance", le numéro 26 de la revue EcoRev' est à présent en ligne : http://ecorev.org/spip.php?article602, tandis que le 28 "Repenser le travail avec André Gorz" est enfin sorti de presse.
Deux numéros de la revue qui devraient particulièrement vous intéresser.
By Anonyme, at 1:28 AM
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