La dernière tentation.

Bonjour à toutes et à tous.

La tentation est un magnifique thème mythologique et littéraire: il y a la tentation d'Eve dans La Bible, le très beau livre de Flaubert "La tentation de Saint-Antoine", le roman de Nikos Kazantzakis "La dernière tentation du Christ" adapté au cinéma par Martin Scorcese, il y a cette formule du "Notre Père": "Ne nous soumets pas à la tentation et délivre-nous du mal", il y a enfin cet aphorisme d'Oscar Wilde: "On résiste à tout sauf à la tentation". Ne vous inquiétez pas, je ne suis pas en train de préparer mon cours de philo de cet après-midi. Non, je veux simplement, le temps d'un billet, me livrer à un petit exorcisme, totalement laïque, et à finalité politique: dissuader quelques personnalités de gauche de rallier la droite saint-quentinoise en acceptant de figurer sur sa liste municipale.

L'exercice n'est pas facile car la tentation est forte. Kazantzakis décrit dans son roman Jésus sur la croix tenté de céder à la proposition du Diable: renoncer à sa mission, adopter une vie facile, prendre femme, fonder une famille, réussir dans un métier, gagner de l'argent, se faire des amis ... Le Christ n'a pas cédé à cette "dernière tentation", la plus redoutable, la plus séduisante. Pourquoi je vous parle de ça? Parce que, toute proportion gardée et dans un autre contexte, certains amis de gauche sont soumis à une tentation équivalente (mais Pierre André n'est tout de même pas le diable!): rejoindre une équipe municipale forte, profiter d'une victoire annoncée, se retrouver maire-adjoint, jouir d'un certain pouvoir, réaliser enfin ses projets, être reconnu à sa juste valeur, qui pourrait résister à cette tentation alors que tant d'autres, à qui on n'a rien proposé, font des pieds et des mains pour être bien placés sur la liste? La tentation, ça ne se refuse pas, il suffit de se laisser aller!

Je demande à mes amis de gauche de ne pas se laisser aller, et donc de ne pas y aller. Je sais bien que la tentation a ses raisons: une droite puissante, qui est là pour longtemps, un maire populaire dont la gestion est plutôt bien perçue par la population, une gauche divisée, sans espoir de gagner, sans leader crédible et rassembleur, recroquevillée, radicalisée, déprimante. Oui, je connais ces raisons, mais ce n'est pas une raison pour rejoindre Pierre André, et je vous explique pourquoi:

1- Saint-Quentin n'est pas une petite ville. C'est la première agglomération de l'Aisne et la deuxième de Picardie. L'équipe municipale comprend des élus et responsables nationaux, le sénateur-maire, la députée, le ministre du Travail, demain peut-être Premier ministre. Cette équipe, que je respecte, dont je reconnais le travail, a une dimension incontestablement politique. La rejoindre, c'est poser un acte politique, c'est renier ses propres convictions. Amis de gauche, restez ce que vous êtes, restez à gauche, ne cédez pas à la tentation. Et puis, de quoi Saint-Quentin a-t-elle besoin? Non pas d'une droite encore plus puissante (elle l'est déjà suffisamment!) mais d'une gauche renforcée (et là, il y a du boulot!).

2- La gauche, je vous en conjure, il faut y croire. Pas facile? Eh bien, raison de plus pour y croire très fort. En politique, rien n'est jamais acquis, rien n'est définitif. Des temps meilleurs viendront, j'en suis sûr. Soyez patients. J'ai commencé à militer au PS en 1995, à Paris. A l'époque, la capitale passait pour une citadelle chiraquienne imprenable. Vous avez vu la suite! Tenez bon, résistez à la tentation passagère et illusoire.

3-Les socialistes qui veulent rénover le parti, qui préparent l'avenir, qui n'acceptent pas ce qui se passe actuellement, sont les plus nombreux, sont majoritaires. Vous pouvez compter sur nous pour que demain ne soit pas comme aujourd'hui. Dites vous simplement que nous traversons un mauvais moment, qu'un jour nous sortirons du cauchemar, peut-être plus tôt que vous ne le pensez. Mais je vous en prie: repoussez la tentation qui ne mène à rien.

En vérité, qui est concerné par cette tentation? Trois personnes dans Saint-Quentin, trois "gros poissons" (je mets de côté la petite friture):

- Michel Garand, saint-quentinois de longue date, notable influent, directeur de plusieurs IME, ancré dans les réseaux de gauche, ayant l'allure et l'étoffe d'un maire-adjoint, socialiste modéré, ouvert, pragmatique.

- Freddy Grzeziczak, représentant du MRC, figure médiatique de la gauche, militant de terrain, dynamique, reconnu dans les milieux sportifs. S'il ralliait Pierre André, ça ferait très, très mal à la gauche, parce que Freddy incarne depuis plusieurs années la gauche dans la presse.

- Moi, parce que j'ai été secrétaire de la section socialiste, parce que j'ai été candidat aux cantonales, parce que je suis régulièrement présent dans la presse à travers mes activités associatives, parce que je suis président de la FOL, parce que je suis nettement identifié comme socialiste.

Moi, la question de mon ralliement ne se pose même pas. La réponse, je l'ai donnée il y a longtemps, sur ce blog. Je suis un militant socialiste, je le resterai jusqu'à ma mort, et ce n'est pas le chemin de croix que nous traversons actuellement qui va me faire changer. Je voudrais m'assurer que tous mes amis de gauche soient dans ce même état d'esprit. C'est pourquoi je me suis livré à ce petit exorcisme, afin de chasser cette dernière tentation par ailleurs compréhensible. Le résultat, on le verra à la fin du mois, quand Pierre André présentera sa liste.
L'exorcisme catholique se termine par la formule rituelle: Vade retro, Satana. Encore une fois, je n'identifie pas le maire de Saint-Quentin au Prince des Ténèbres, mais peut-être, tout de même, à un diablotin habile et séducteur.


Bon après-midi.