La "vieille maison".

L'article de Nicolas Totet, dans Le Courrier Picard de ce matin, confirme mes inquiétudes sur la fuite en avant, la radicalisation des néofabiusiens, que le ralliement de Freddy à la droite ne va qu'accélérer. Je l'ai déjà dit ce week-end, c'est flagrant maintenant: un point de non retour a été atteint dans la dérive politique. Cette fois, nous y sommes, c'est public: Anne Ferreira et Jean-Pierre Lançon ont décidé d'entrainer la section socialiste dans une alliance, inédite en France, avec l'extrême gauche. Ce n'est plus la rénovation du socialisme, c'est la dénaturation du socialisme!

Je veux être très précis et très grave dans mes accusations, que je ne porte pas à la légère (je répète que tout est écrit noir sur blanc dans Le Courrier Picard d'aujourd'hui, que je n'invente rien). Une "plateforme commune", dénommée "projet de protocole d'accord" (dans le titre même, on sent l'influence lambertiste), est en cours de discussion. "C'est sans précédent, une première". Qui se réjouit à ce point? Qui a compris que la gauche saint-quentinoise venait de rompre avec son histoire en marchant désormais dans les pas de l'extrême gauche? Daniel Huriez, du Parti des Travailleurs, qui doit se frotter les mains. Savez-vous comment va s'intituler la liste? "Liste d'unité ouvrière et démocratique". Avec ça, on va gagner, c'est sûr! Quant au programme, là aussi, ça promet. Trois propositions sont avancées, je vous les commente:

1- "Rétablir la gratuité du parking de l'hôpital". Pour les lambertistes, c'est une revendication-clé, puisqu'ils sont à l'origine du comité chargé de lutter contre ce parking, dans lequel les socialistes étaient déjà phagocytés par l'extrême gauche. Rétablir la gratuité? On fait comment quand un bail a été signé avec une société privée et qu'on ne peut pas le rompre? C'est un combat d'arrière-garde, une revendication impossible à satisfaire. Je suis hostile au parking payant, mais c'est au moment de la décision de sa construction qu'il aurait fallu réagir, en prenant contact avec le Conseil régional de Picardie et le Conseil général de l'Aisne, en recherchant des moyens de financement qui permettent la gratuité, pas en se mettant à la remorque de l'extrême gauche deux ans après.

2- Défendre la Sécurité sociale en dénonçant "les 200 milliards d'euros d'exonérations patronales en 15 ans". Tactique éprouvée des lambertistes: mettre les socialistes en contradiction avec eux-mêmes, avec les gouvernements issus de nos rangs. Car ces exonérations, le pouvoir socialiste y a sa part, le PT le sait et veut nous coincer avec ça. Et certains camarades foncent la tête baissée dans le piège! Cette revendication, je la refuse totalement: le problème de la Sécu, ce n'est pas fondamentalement les exonérations, et celles-ci ont souvent été accordées dans des objectifs précis d'aide à la création d'emplois, de relance de la croissance.

3- "Le retour à la régie municipale pour juguler l'augmentation du prix de l'eau". Là encore, comme les deux autres propositions, c'est une revendication portée depuis plusieurs années par les lambertistes. Est-ce qu'on peut sérieusement, quand on est un parti de gouvernement, à la tête de nombreuses collectivités locales, accepter une telle mesure, sans réflexion sur son financement, ignorant même sa possibilité légale, ne cherchant pas à savoir s'il y a un lien de cause à effet entre le statut juridique et l'augmentation des tarifs? Non, tout cela est délirant, en tout cas pour un social-démocrate. Un lambertiste emploierait un autre terme: c'est révolutionnaire ...

Voilà où nous en sommes. Que faire? Jusqu'à ce jour, je souhaitais rester dans la stricte légalité du Parti. En lisant cet article, je m'interroge: la section socialiste de Saint-Quentin s'éloigne de la ligne politique du PS, qui prône l'union à gauche, mais pas avec l'extrême gauche! Idéologiquement, la section se renie, stratégiquement, elle se marginalise, politiquement, elle programme son propre échec si elle signe ce "protocole d'accord", si elle participe à cette "liste d'unité ouvrière et démocratique". On ne peut pas laisser faire ça, il faut réagir, ne pas accepter que le socialisme réformiste soit absent de la campagne des municipales. C'est pourquoi nous devons sérieusement songer à ce que j'excluais jusqu'alors: la présentation d'une liste vraiment socialiste, distincte de la "liste d'unité ouvrière et démocratique" en préparation. Rassembler les réformistes, socialistes rénovateurs, communistes non gremetziens, écologistes, radicaux de gauche et centristes, il y a un espace politique qu'il ne faut pas laisser à la droite. Notre destin ne doit pas dépendre de la gauche révolutionnaire.

Au congrès de Tour, en 1920, Léon Blum a tenu bon face aux socialistes qui ont adhéré aux thèses révolutionnaires et qui allaient fonder le Parti communiste. Il a eu cette formule à leur adresse: "Pendant que vous irez courir l'aventure, nous garderons la vieille maison". A Saint-Quentin, nous devons aussi garder la "vieille maison" et tenter de présenter une liste vraiment socialiste aux prochaines élections municipales.


Bonne fin d'après-midi.