L'Aisne avec DSK

24 janvier 2008

L'autre Poperen.

Bonsoir à toutes et à tous.

Je veux comprendre l'incompréhensible: pourquoi des socialistes, des réformistes, des camarades que je connais, commettent-ils à Saint-Quentin cette folie idéologique, cette absurdité politique, cette inconséquence électorale de s'allier avec l'extrême gauche? Pourquoi Jean-Pierre Lançon, qui a été à la tête du SE-UNSA, qui sait ce que c'est que le réformisme dans l'action syndicale, qui fait la différence avec la surenchère d'extrême gauche, pourquoi a-t-il apposé sa signature au bas d'un texte qui n'est pas conforme au réformisme, proposé par des "partenaires" qui passent le plus clair de leur temps à taper sur le Parti socialiste? Cela, j'ai beau y réfléchir, le prendre par tous les bouts, faire preuve d'indulgence, essayer de comprendre, je ne comprends pas.

Et pourtant, je sais, par nature et par profession, qu'il doit y avoir une explication. Alors, je me suis plongé dans un petit livre fort bien fait et fort instructif, écrit par Emmanuel Maurel et publié en 2005: "Jean Poperen, une vie à gauche", aux éditions Bruno Leprince. C'était ma seule issue: aller voir du côté du poperénisme, qui inspire Anne Ferreira, Sylviane Gatteau et les promoteurs de l'alliance avec l'extrême gauche, pour comprendre ce que moi, je ne comprends pas. Je n'ai pas été déçu, j'ai fait d'étonnantes découvertes, écoutez un peu:

Jean Poperen a commencé sa vie politique au PCF, où son frère Claude jouait un rôle important, et s'en est fait exclure en 1959, où il a rejoint le PSU. Au passage, je note que Poperen a un lien avec notre chère Picardie, puisqu'il a été prof d'histoire à Amiens. Dans les années 60 et 70, il ne jure que par l'union de la gauche et son triptyque: nationalisation, planification, autogestion. Et un corollaire: la dénonciation virulente de la "deuxième gauche", des rocardiens. Les poperénistes de l'Aisne, qui pour beaucoup sont nés en politique dans les années 70, en sont restés là. L'alliance avec le centre, c'est pour eux l'horreur. Leur tropisme unitaire les porte à gauche, toujours plus à gauche, peu importe la nature de cette gauche. Le PCF étant marginalisé, il faut compenser: on va donc vers l'extrême gauche, qui se substitue aux communistes.

Mais savez-vous ce que j'ai découvert dans le livre de Maurel? C'est que Jean Poperen a évolué. En 1986, il publie "Le nouveau contrat social", un ouvrage qui constitue, selon Maurel, "une évolution idéologique indéniable" (p.85). Laquelle? Accrochez-vous, Maurel cite Poperen: "L'émancipation sociale, la transformation socialiste progressive par la voie démocratique, c'est la social-démocratie (...) La social-démocratie est un choix de combat. (...) le changement par étapes, par compromis successifs, c'est le changement par la lutte, par l'action, dans l'affrontement entre les classes, dans l'opposition politique entre la gauche et la droite" (p.85). Poperen social-démocrate, incroyable non? Et à une époque où il était difficile, dans les rangs du PS, de se réclamer de la social-démocratie!

Et ce n'est pas fini. En 1988, Poperen devient ministre de ... Rocard, en compagnie de ... centristes. Celui qu'on dépeignait comme intransigeant devient très accommodant. Et ce n'est pas tout: en 1990, lors de la guerre du Golfe, il se montre "belliciste" et "atlantiste" (p.104), et "sioniste intransigeant" (p.105). En 1992, il milite pour le traité de Maastrich (p.112) et refuse de constituer une aile gauche (p.116). La dernière phrase de l'ouvrage est sans appel: "Certaines de ses analyses et de ses propositions méritent l'attention de celles et ceux qui aspirent toujours à construire une social-démocratie authentique, un socialisme de combat." (p.121)

Aujourd'hui, voyant cette alliance avec les gremetziens et les trotskystes, encouragée par des poperénistes qui n'ont pas évolué, qui en sont restés aux années 70, le social-démocrate Poperen doit se retourner dans sa tombe!


Bonne nuit.

11 Comments:

  • Pour répondre à ta première question, qui se ressemble s'assemble, et plus on es de fous et plus on rigole. C'est très simple à comprendre. Le club des ya-ka et des faux qu'on se réunit en séance plénière, alléluia... Sois satisfait de ton sort, tu n'en fais pas partie. :-)

    L'explication, je te l'ai fournie hier, mais tu n'en a pas saisis tout le sel. Ce n'est pas un problème d'ordre politique, le politique repose pour l'individu sur ses représentations mentales. Dans un cas, elles découlent du réel, dans l'autre elles découlent par contagion d'a-prioris invérifiés et invérifiables.

    On peut donc considérer que Poperen a fait de l'entrisme, qu'il a contaminé un certain nombre de militants au PS avec sa vision « nationalisation, planification, autogestion » et que les choses en sont restées là. Il n'y a malheureusement pas que de grandes lumières parmi les militants, il y en a d'éteints qui rabâchent leur petit catéchisme. C'est le réel, faut faire avec et à partir de ce réel.

    Une satisfaction cependant, Poperen en tant qu'individu est sortis de la folie collective en devant social démocrate.

    By Blogger jpbb, at 10:48 AM  

  • Monsieur,

    Je lis avec beaucoup d'attention votre site. Je tiens d'ailleurs à vous féliciter pour la qualité de vos billets qui sont consacrés aux problèmes de fond. Je n'habite pas Saint-Quentin et ne partage pas vos idées. Je suis un citoyen proche de la vie publique et m'intéresse surtout à suivre le développement des dynamiques politiques sur tous les territoires de l'Aisne. Aujourd'hui, j'avoue être heureux de ne pas être à votre place. Se débattre pour faire vivre ses convictions est une attitude noble, une obligation citoyenne dirais-je même. Quel constat faire sur ce qui se passe en ce moment à Saint-Quentin ? Comme vous, je pense que s'engage à Saint-Quentin un sabordage politique. La tête de liste pour les élections municipales a été désignée alors qu'elle n'avait aucune légitimité. Mr Lançon n'est pas élu, il travaille à Laon ou plutôt milite syndicalement à Laon, son courant politique est ultra minoritaire, nationalement parlant, au sein du PS. C'est un homme coupé des citoyens car évoluant essentiellement dans les milieux syndicaux et politique. Aucun contact avec le monde de l'entreprise, avec l'administration, avec de grands élus du département pour l'appuyer. Il semble seul. Pire encore, espérant pouvoir tenir tête au maire sortant (avouons qu'il y a peu de chances pour que celui-ci ne soit pas brillement réélu), il tente une réunification contre nature des sensibilités de gauche. Vous avez raison, il vend le poing à la rose au plus offrant qui ne se privera d'effeuiller le symbole après les élections et la défaite. Quitte à perdre, il ne faut jamais oublier qu’il y aura un « après » et qu’il est bien plus difficile de reconstruire un tas de cendres qu’une maison ébranlée.

    Votre stratégie est la bonne à savoir de vous engager dès aujourd'hui dans la refondation. Il faudra du temps. Beaucoup de temps. Pourquoi la gauche en est elle arrivée la ? D'abord, elle doit s'opposer à des élus particulièrement efficaces et organisés. Leur bilan est incontestable bien que Saint-Quentin perde encore des habitants (-2000) et que le taux de chômage soit encore le plus élevé de Picardie. Ensuite, si la gauche saint-quentinoise en est là, c'est parce qu'aucun chef n'a jamais émergé localement. L'investiture de Mme GRZESULKA, bien qu'elle ait été élue en 1997, était déjà un signal à prendre en compte car il fallait faire appel à des personnalités extérieures pour se lancer dans un scrutin aussi emblématique. Dès ce moment, je pense que la section socialiste aurait du prendre la mesure de l'affaiblissement des troupes, faire émerger des talents, travailler la pyramide des âges et les idées neuves comme l'on peut le faire dans le monde de l'entreprise. Si une formation politique se « privatise », si elle devient un club fermé tel un bar privé dont on filtre l’entrée, il ne faut pas s’étonner de la baisse de la fréquentation. C’est rapidement la mort par consanguinité quitte point à l’horizon. Une formation politique ne se doit pas seulement de profiter de l'air du temps, il faut aussi qu'elle soit organisée. Force est de constater que cela n'a jamais été le cas. Anne FERREIRA, battue aux dernières cantonales se retrouve à la fois conseillère régionale et députée européenne. Ces scrutins sont peu populaires et peu "connus" de nos concitoyens et ne lui donnent donc aucune lisibilité sur le plan politique d'autant qu'elle se fait élire sur l'euro région d'Ile de France dont la Picardie ne fait pas partie. Quel bonheur ces courants au sein du PS ! L'euphorie de la large victoire de la gauche au régionale n'a hélas pas été propice à ce que les cartes soient rebattues à gauche dans les sections. Cela a été le cas à droite mais le PS et surtout son futur ex premier secrétaire ne se sont pas saisis de cette opportunité pour refonder (cette refondation n'est d'ailleurs toujours pas en marche). Qu'en sera-t-il demain ? Pierre André sera réélu cela ne fait aucun doute. Les sympathisants socialistes désorientés et surtout très remontés que l'on ait pu les obliger à un mariage forcé, oserais-je dire à un mariage blanc (n'oublions pas que la section socialiste n'est pas représentative de l'opinion réelle des sympathisants) ne manquerons pas de la faire savoir dans les urnes. A force d'envoyer de mauvais signaux politiques à sa base électorale, elle finit par vous tourner le dos. Dans l'Aisne, le PS est également mal en point actuellement. Le candidat du PS battu à Laon par René Dosière, les "Hommes" du président du conseil général voire de son éminence grise qui sont battus lors des primaires (cela a été la cas à Laon, à Soissons), les sections qui se rebellent contre un pouvoir monarchique du premier secrétaire du PS Axonais (regardez ce qui se passe à la section de Guise actuellement), le PS qui ne trouve aucun candidat sur plusieurs cantons du sud de l’Aisne, la section PS de Viller-Cotterêts qui investi un inconnu pour les municipales venu de la section Lutte Ouvrière de Saint-Denis ! Bref, l'on sent que ca tangue. La tête de la Fédération semble bien décriée. Cela peut être logique dans une période pas si simple pour la gauche mais en tous les cas, l’on sent bien que Jean-Jacques THOMAS perd pied à force de ne penser qu’à lui sans s’imprégner des territoires politiques et travailler sa légitimité (comment être efficacement à la fois, conseiller général, maire, 1er vice président du conseil général, président de la communauté de communes et ……. Premier secrétaire du PS). Les militants devraient aussi avoir à cœur de demander un jour le nom cumul des fonctions comme le PS avait à cœur d’inscrire le non cumul des mandats dans le programme présidentiel. Comme disait Tony Blair récemment devant les cadres de l'UMP, "En France, je serais avec les socialistes mais avec ceux qui ont à cœur de réformer le PS". Faites bien le tri dans quelques semaines car la route sera longue. Un beau challenge vous attend. En tous les cas je continuerai à vous lire régulièrement.

    By Anonymous Anonyme, at 11:04 AM  

  • tout a fait d'accord, a bas la les prolos, vive la classe moyenne

    By Anonymous Anonyme, at 6:32 PM  

  • donc monsieur Poperen est un dieu et ne s'est pas trompé, il a eu raison d'évoluer et il a changer le monde ...

    By Anonymous Anonyme, at 6:47 PM  

  • Bon ben tout va aller mieux maintenant que l'on sait que Poperen était social-démocrate, que Fabius est qd meme un ancien liberal, et que meme Besancenot n'est peut etre pas si révolutionnaire que cela. Bref les critiques vont etre moins virulentes, moins excessives,moins définitives. Au fait , la question qui tue: vous votez pour quelle liste? JPL ou PA?

    By Anonymous Anonyme, at 10:16 PM  

  • Au dernier commentateur:

    - Mes critiques ne sont pas virulentes, elles essaient d'être justes et précises.

    - Votre question ne tue personne. Je ne sais pas quelle liste sera présentée à gauche. Je lutte pour que ce ne soit pas une liste Poperen-Gremetz-Lambert. Nous verrons bien l'issue de cette lutte. Vous savez, en politique, rirn n'est jamais joué d'avance. Patience, patience, ...

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 10:36 PM  

  • A l'avant-dernier commentateur:

    Non, Jean Poperen n'était pas un dieu (drôle de remarque!) mais il a su évoluer, et je pense que c'est une marque d'intelligence.

    Au commentateur juste avant:

    Pourquoi cette ironie? Je n'oppose pas les classes populaires aux classes moyennes. Je dis simplement que les secondes sont la clé de la victoire (ou de la défaite) à Saint-Quentin et ailleurs.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 10:41 PM  

  • Non je voulais simplement savoir car dernièrement vous disiez que vous n'auriez aucune difficulté dans l'isoloir. je pensais donc qu'il était facile de répondre.Vous savez c'est simple. Il s'agira d'une liste d'union de tous les partis de gauche.Le reste n'est que de la littérature.

    By Anonymous Anonyme, at 10:46 PM  

  • Au deuxième commentateur:

    Je vous remercie d'abord pour ce long message, sur lequel finalement je n'ai rien de fondamental à redire. Deux précisions cependant:

    - Jean-Pierre Lançon est retraité, il n'a donc plus de mandat syndical. Et quand il en avait un, il continuait à travailler deux jours sur Saint-Quentin.

    - Vous avez parfaitement raison en pointant du doigt le danger de "privatisation" du PS, je dirais plutôt de "clanisation", de "balkanisation". A Saint-Quentin, c'est fait! Comment en sortir? En créant une deuxième section.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 10:54 PM  

  • Au dernier anonyme:

    Je pensais que la précision était inutile. Comme je vois que ce n'est pas le cas, je rappelle que j'ai toujours voté à gauche et que je voterai toujours à gauche. Mais le problème, ce n'est pas mon vote personnel, c'est celui de la majorité des saint-quentinois.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 11:00 PM  

  • Je voterai toujours en fonction de mes convictions personnelles, pour un programme qui s'accorde avec ma vision des choses. Je voterai toujours pour des démocrates, et ensuite pour le programme réformiste permettant d'aller le plus rapidement possible vers un bien-être généralisé. Les étiquettes m'indiffèrent, je regarde toujours le contenu de ce que j'achète quand je remplis mon chariot au supermarché. C'est ça être un consommateur averti...

    By Blogger jpbb, at 12:21 PM  

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