L'Aisne avec DSK

19 mars 2008

Défense du RMI.

Bonjour à toutes et à tous.

Je vous ai déjà fait part sur ce blog de mon embarras à l'égard du RSA, qui doit remplacer le RMI et certains minima sociaux à la fin de l'année. L'objectif est louable: encourager les chômeurs à la reprise d'activité sans y perdre d'argent. Des hommes de gauche l'ont proposé... mais la droite l'a fait. Ce projet, je ne sais trop qu'en penser. J'adhère, mais avec des réticences, qui se font grandissantes lorsque je lis la tribune du strauss-kahnien Jean-Marie Le Guen, dans Les Echos du 8 février dernier. Le Revenu de solidarité active est qualifié de "fausse bonne idée". Voilà pourquoi:

1- La notion de "travailleurs pauvres" m'irrite. C'est une expression à la mode, venue des Etats-Unis et qui ne veut pas dire grand-chose. Jadis, on parlait des "smicards" ou des "bas salaires". Ces mots ont un sens. Mais "travailleurs pauvres"? Un pauvre est quelqu'un qui n'a pas de quoi manger quotidiennement, se loger décemment et se vêtir correctement. Un travailleur touche un salaire, et même si celui-ci un peu important, il n'en deviendra pas pour autant un pauvre. Les pauvres ne travaillent pas et les travailleurs ne peuvent pas être pauvres. La focalisation médiatique récente sur quelques employés de la mairie de Paris couchant dans leur voiture est un trompe-l'oeil classique, l'arbre qui cache la forêt, un peu comme le thème des délocalisations il y a quelques années faisait oublier le vieillissement de notre appareil de production. N'employons plus ce terme de "travailleurs pauvres" qui fausse le débat. Pourtant, le RSA justifie son existence en s'appuyant sur cette notion.

2- Le RSA sous-entend une théorie très contestable, celle de l'homo economicus: l'individu serait motivé essentiellement par l'argent; s'il refuse un travail, c'est qu'il a intérêt financier à rester au chômage. C'est oublier qu'une situation ne se mesure pas seulement à ce qu'on gagne. Reprendre un travail, c'est retrouver une dignité, sa place dans la société, c'est pouvoir préparer l'avenir, c'est éventuellement ouvrir un crédit, accéder à des opportunités que le chômeur n'a pas. Entre le RMI et un très bas salaire, le second demeure préférable pour beaucoup de gens. Le RSA en reste à une vision pessimiste, étroite et égoïste de l'être humain.

3- Mais les promoteurs de ce projet n'appliquent pas une telle vision à tous les hommes. Car si l'entrepreneur se conduit de cette façon, purement pécuniaire, le RSA sera pour lui une aubaine. Pourquoi alors créer de l'emploi? De plus, le niveau de ce revenu pèsera sur les bas salaires. Les "travailleurs pauvres" deviendront encore plus pauvres!

4- Le Guen accuse carrément le RSA d'être "un concept dangereux et démagogique", parce qu'il impose une norme de travail dans laquelle chacun est supposé entrer. Ce dispositif ignore les cas particuliers, les situations individuelles, les empêchements structurels au travail. Il repose sur un autre terme moderne que des socialistes ne devraient pas hésiter à soumettre à la critique: "l'employabilité". Je ne dis pas que tous ces nouveaux concepts n'ont pas leur pertinence, je refuse simplement leur systématisation.

Jean-Marie Le Guen se lance par conséquent dans une défense du RMI qui fait plaisir à lire, puisque sur ce thème comme sur d'autres, les socialistes me semblent trop souvent en retrait par rapport à leurs propres mesures:

"Les socialistes qui ont instauré le RMI, il y a plus de vingt ans, doivent aujourd'hui ne pas craindre de défendre cette idée dont ils sont fiers (...). Cette mesure marquait une rupture dans l'approche politique de la question de la pauvreté mettant fin aux démarches d'assistanat et de charité. La protection par la société devenait un droit (...). Nous ne devons pas craindre de dire que des femmes et des hommes vivent des situations personnelles qui les placent dans l'incapacité de travailler pleinement. Nous devons à ces personnes un revenu qui leur permette de vivre dignement."

Combien de fois ai-je entendu des socialistes, électeurs ou militants, critiquer insidieusement le RMI en le taxant d' "assistanat" alors que son principe est exactement à l'opposé! La vérité, c'est que beaucoup de gens aimeraient qu'il ne soit plus un droit universel mais une indemnité sous conditions. Mais ce qu'ils exigent des plus pauvres, pourquoi ne l'exigent-ils pas des plus riches, quand ceux-ci perçoivent les allocations familiales sans conditions? Il faut certes améliorer, compléter, adapter le RMI, en prenant toujours soin de commencer par le défendre. Du moins si on est socialiste.


Bon après-midi.

19 Comments:

  • Un salaire citoyen versé à tous me semble préférable. Cela évite la discrimination. Ensuite on prélève les impôts, un euro symbolique pour celui qui ne dispose que du salaire citoyen, plus pour celui qui dispose de suffisamment bien évidement. Au total cela ne ferait pas plus d'argent versé, car pour ceux qui touchent un bon salaire, la somme correspondant au salaire citoyen serait récupérée, mais symboliquement on afficherait un droit citoyen valable pour tous. Celui qui tombe dans la dèche en perdant ses moyens d'existence trouverait un filet de sécurité minimum sans avoir à faire la moindre démarche qui se révèle dans le cas du RMI être humiliante.
    C'est un projet qui devrait être mis en place à partir du ministère des finances, car au final avec Internet, ce serait juste déclarer ce que l'on a encaissé chaque mois. Il faut s'adapter à son temps, s'il y a 20 ans le RMI a été un réel progrès, il faut maintenant avec l'ADSL aller plus loin.

    By Blogger jpbb, at 4:51 PM  

  • Je suis profondément choqué par votre paragraphe sur les travailleurs pauvres, dont l'acmé est la phrase "Les pauvres ne travaillent pas et les travailleurs ne peuvent pas être pauvres".

    Assurément, vous devriez un jour vous promener dans la France d'aujourd'hui. Les travailleurs pauvres, ils s'agit des français qui vivent en dessous du seuil du pauvreté, tout en touchant un salaire, évidemment insuffisant pour vivre dans des conditions décentes. Il peut s'agir de travailleurs à temps partiel subi, entre autres.

    Si vous vous prétendez socialiste, ou même simplement "de gauche", vous devriez réfléchir avant de proférer de tels propos sur votre blog.

    By Blogger Xavier H., at 5:13 PM  

  • Xavier,

    Je suis profondément choqué par votre commentaire. Vous sortez une phrase de son contexte et, comme souvent avec ce procédé, vous me faites dire ce que je ne dis pas.

    Vous m'invitez à une promenade dans la France d'aujourd'hui. Je la connais peut-être mieux que vous, surtout les milieux en difficulté. Mais venons-en au fond:

    J'ai contesté la notion américaine de "poor workers" qui me semble fausse. En tant que socialiste, défenseur de ceux qu'on a coutume d'appeler les travailleurs, je refuse ce concept qui réduit une partie de la classe ouvrière aux "pauvres".

    Pour moi, le pauvre, je le répète, ne travaille pas. Les mots doivent avoir un sens, sinon on dit n'importe quoi. Il se trouve que je suis un peu marxiste, lecteur de Marx, qui distingue le prolétariat et le lumpenprolétariat, c'est-à-dire les ouvriers et les pauvres.

    C'est le puritanisme américain qui nous conduit à employer ce terme de "travailleurs pauvres". Se faisant, on occulte un terme qui me parait plus juste et plus socialiste: celui de travailleurs exploités, notamment les précaires.

    Xavier, si vous êtes socialiste, vous devriez réfléchir avant de proférer de tels propos dans votre commentaire.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 8:11 PM  

  • JPPB,

    Le salaire universel versé à tous, oui, c'est une bonne idée. le problème n'est pas dans son principe mais dans son montant: à combien évalues-tu un salaire décent? Je crains que la somme totale ne pèse très lourd pour la collectivité.

    Ou alors, on prône une indemnité de misère (c'est le cas de le dire!), comme le font certains ultra-libéraux: un versement unique pour tous qui remplacerait les minima sociaux (dont le RMI). Là, ce n'est plus un salaire universel, c'est vraiment un "filet de sécurité", dans lequel seraient pris les plus pauvres. Ce que je refuse. Sauf comme un pis aller. Mais un socialiste doit avoir une plus grande ambition.

    Je crois, JPPB, que ton commentaire mêle les deux notions, le salaire universel pour tous (qui est d'inspiration socialiste) et l'indemnité protectrice pour les pauvres (qui est d'inspiration libérale).

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 8:21 PM  

  • On peut avoir lu Marx sans être marxiste, heureusement, et un social démocrate est un réformiste, pas un marxiste. Je te rappelle à la leçon donnée par DSK à la Rochelle:

    http://www.dailymotion.com/video/xby66_dsk-mjs-8-socialiste_events

    On accorde un sens aux mots en fonction du contexte, du locuteur qui les prononce et de la personne qui les écoute. On peut donc être tellement pauvre que l'on a pas de travail. C'est donc une question de choix de définition. Je n'aime pas le terme « exploité », car cela me rappelle le bon mot de Coluche, « le capitalisme c'est l'exploitation de l'homme par l'homme et le communisme c'est exactement le contraire ». Je préfère que l'on améliore la vie de tous, en commençant par les plus défavorisés, mais sans oublier les autres. Une sorte de différentiel mis en oeuvre, car dans la vie, on est au choix soit plus pauvre qu'un autre soit plus riche. Il y a toute une gradation. Un socialiste ne peut pas se contenter de ne défendre que les travailleurs. Il y a les enfants, les retraités, et les chômeurs, bref le peuple qu'il convient d'assister au mieux, mais il ne faut pas opposer deux catégorisation du peuple l'un contre l'autre, c'est là le péché originel du communisme qui a gobé tout cru le marxisme sans voir en voir les erreurs conceptuelles.

    By Blogger jpbb, at 8:28 PM  

  • JPBB, ton anti-communiste fadace me gave de plus en plus.
    A chaque post tu en remets une louche, tombant dans un manichéisme quelque peu lourding.
    On l'a tous compris: la sociale- démocratie est le bonheur assuré pour le plus grand nombre.
    Le communisme est un fléau qu'il faut éradiquer.
    Tu oublies que tu profites chaque jour d'acquis sociaux qui ne doivent rien à ton courant politique mais bien à l'investissement de militants communistes( entres autres).
    En revanche, à part les 35h qui dans ma branche, profite aux cadres(je suis donc privilégié) et non aux employés, ainsi que quelques lois d'aménagement du capitalisme , les progrés sociaux se font rares.
    Essaye de faire l'apologie de la sociale -démocratie sans systématiquement défoncer le PCF et te concentrer sur ce qui devrait etre ton adversaire n°1: LA DROITE.

    By Anonymous Anonyme, at 9:09 PM  

  • Alain,

    Il n'y a jamais eu en France, à la différence de plusieurs pays d'Europe du Nord, de mouvement social-démocrate puissant. Les socialistes français sont pour beaucoup des républicains progressistes issus de la petite bourgeoisie, notamment du milieu professionnel enseignant.

    C'est pourquoi ils me font rigoler quand ils pactisent avec l'extrême gauche, qu'ils lèvent le poing et chantent l'Internationale dont ils ne connaissent que le refrain.

    Moi, je ne trompe personne, je ne fais pas tout un cinéma, je suis clair dans ma tête, simple social-démocrate, modeste réformiste. Je ne cherche pas à me faire passer pour ce que je ne suis pas.

    Pourtant, je pourrai jouer ce petit jeu tellement facile, je viens d'une famille ouvrière, je ne suis pas mentalement un bourgeois. Mais ceux qui lèvent le poing le sont parfois plus que moi, parce qu'ils ont besoin de se faire pardonner leurs aspirations sociales cachées.

    Qui a remplacé la social-démocratie en France? Le PCF. Mais oui! En défendant les intérêts de la classe ouvrière, au Parlement et dans les collectivités locales, les communistes ont tenu le rôle de la social-démocratie.

    Sauf qu'ils ne sont pas idéologiquement des sociaux-démocrates mais des révolutionnaires ... qui n'ont jamais fait la révolution, ni en 1945, ni en 1968. Comme quoi tout n'est pas si simple...

    OK pour dire que la social-démocratie doit s'opposer à la droite... après avoir clarifié la situation à gauche. Là aussi, rien n'est simple...

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 10:09 PM  

  • A JPPB, je redis qu'on peut lire Marx et donc s'inspirer intelligemment de ses écrits sans être, heureusement, un communiste orthodoxe. Je rappelle que l'attitude de Marx devant le capitalisme était un mélange d'effroi et... d'admiration.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 10:12 PM  

  • Le drame, c'est qu'il n'y a rien de bon dans Marx.

    By Blogger jpbb, at 9:39 PM  

  • ni dans jpbb....

    By Anonymous Anonyme, at 10:06 PM  

  • @ Emmanuel:

    Pour le salaire citoyen, on peut dans un premier temps commencer à indexer le montant sur RMI amélioré. Cela ne sera qu'une opération comptable, avec dans une colonne un avoir, et dans l'autre un retrait. Mais symboliquement cela sera complètement différent. Il n'y aura plus de ségrégation. Cela fera taire ceux qui se lèvent le matin pour un peu plus et qui accusent ceux qui ne le font pas de profiter du système.

    Concernant le montant, on ne peut distribuer que ce que l'on a. C'est donc en tant que socialistes en faisant produire plus de richesses par le système actuel pour pouvoir en répartir l'excédent que l'on aura créé que réside la solution. Évidement, cela suppose après l'acceptation du marché de doper le capitalisme et de le contrôler. On ne tue pas la poule aux oeufs d'or, on la nourrit soigneusement. C'est le gros truc à avaler pour les socialistes. Je suis donc juste un social démocrate qui a une longueur d'avance.

    @ Alain:

    Ton entrisme me gonfle grave. Les communistes ont mis la planète à feu et à sang, faisant plus de morts que la deuxième guerre mondiale. Tes affirmations partisanes m'insuportent. Ce sont les extrémistes qui sont les ennemis du genre humain, autant à droite qu'à gauche, et la frontière pour un social démocrate se situe sur sa gauche depuis le congrès de Tours en 1920 entre le PS et le PC pile poil. Le PCF est au même niveau que le FN. Je ne fais pas l'apologie de quelque mouvement que ce soit, la propagande n'est pas dans ma culture contrairement à la tienne. Retourne au PC si tu t'y sens bien.

    By Blogger jpbb, at 10:21 PM  

  • je n'ai pas besoin d'y retourner....
    Ta culture politique est, elle, largement au niveau du FN: sectarisme est un terme qui te va à ravir.
    Et puis medite ce petit dicton: "si tu cherches, tu trouves.."
    Tes ennemis devraient se trouver à droite, je suppose que tu les rejoindras bientot.
    Oui, nous sommes tous d'accord, tu as une longueur d'avance sur tout le monde,et t'es pas loin d'etre le meilleur, alors franchis le pas.
    Merci pour tes collègues de gauche.

    By Anonymous Anonyme, at 10:32 PM  

  • Parce que tu y es, bien évidement.

    En politique, il n'y a pas d'ennemis, il n'y a que des adversaires. Ce sont les extrémistes qui ont des ennemis, tous ceux qui ne pensent pas comme eux. Tu cache également un piochet à glace dans le dos ?

    By Blogger jpbb, at 10:47 PM  

  • Bonsoir Emmanuel,
    Une réserve sur le "point n°1" :
    Un pauvre, c'est quelqu'un qui vit en dessous du seuil de pauvreté (800 euros par mois environ, je crois). Un "travailleur pauvre", c'est un "smicard à temps partiel" (ou : "bas salaire à temps partiel").
    Cette notion n'est pas une nouvelle "mode", mais une nouvelle catégorie socio-professionnelle, liée à l'expansion récente du temps partiel.
    Thierry
    PS : à quand la prochaine rencontre des rénovateurs de l'Aisne ?

    By Anonymous Anonyme, at 11:18 PM  

  • Thierry,

    Pour les prochaines rencontres des rénovateurs, on pourrait en organiser une au nord, à Saint-Quentin, et une autre au sud, à Château, avec Sylvain. Je vois ça et on en reparle.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 2:31 PM  

  • @ Alain :

    ça tourne à l'obsession pathologique cette volonté de grossir les rangs de l'UMP avec les gens qui ne sont pas d'accord avec toi...

    By Blogger PB., at 7:28 PM  

  • regarde les rangs du gouvernement et de ta municipalité au lieu de t'offusquer betement.

    By Anonymous Anonyme, at 7:37 PM  

  • Je ne m'offusque pas bêtement. Je suis fatigué de tes amalgames.

    Pour toi, Toute autre forme de pensée est droitière, pour ne pas dire sarkozyste.

    Parce que des gens s'étant un jour revendiquer socialistes sont au gouvernement, tu mets l'ensemble des socialistes dans le même panier. Ces gens là ne représentent qu'eux mêmes.

    By Blogger PB., at 10:06 PM  

  • au contraire, je cible les prochaines"victimes" potentielles, et puis, vous etes trés peu à les critiquer, n'est ce pas?

    By Anonymous Anonyme, at 10:30 PM  

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