L'Aisne avec DSK

13 mars 2008

Les champs et les villes.

Le temps m'a manqué ces derniers jours pour vous parler des résultats des élections dans l'ensemble de l'Aisne. Et il y a pourtant beaucoup à dire! Je me rattrape ce soir.

Les cantonales ont donné l'avantage à la gauche. Dimanche prochain, ce sont trois nouveaux cantons qui pourraient être conquis. La droite peut espérer en ravir un , mais pas plus. Une fois de plus, dans un contexte national certes favorable, le Conseil général a prouvé sa puissance. Les socialistes qui gagnent sont de ce côté-là. Avec deux victoires qui ont une portée fortement symbolique: Charly-sur-Marne, canton traditionnellement de droite, où l'emporte le conseiller général de gauche; Le Catelet, où le candidat de droite s'était choisi comme suppléante la députée de la circonscription et qui a perdu. André-Bertrand ne sont donc pas des magiciens tout puissants! Cela se confirmera encore dimanche soir dans le canton de Saint-Quentin Sud.

Autant les cantonales sont propices au PS, autant les municipales lui sont défavorables. Saint-Quentin, ville anciennement communiste, plébiscite pour la troisième fois la droite, à 60%. La présence d'une liste unitaire gauche-extrême gauche ne fait pas bouger les lignes. A part deux bureaux, tout le reste est gagné par la droite. Il n'y a que les inconscients qui ne parlent pas d'échec grave. Laon est une ville de fonctionnaires, avec une culture socialiste. Pourtant, la droite l'emporte au 1er tour. Château-Thierry est la seule ville moyenne socialiste du département, qui risque d'être perdu quand on constate (et regrette) le bon score du dissident de gauche Jacques Krabal. Soissons ne se défend pas si mal, avec le socialiste Patrick Day en tête, mais l'union des candidats de droite est sur le papier majoritaire.

On voit donc se dessiner un clivage entre un socialisme des champs, qui a le vent en poupe, et un socialisme des villes, qui rencontre de grandes difficultés. De ce point de vue, l'Aisne est à rebours de la tendance nationale, où le PS gagne du terrain dans les grandes villes. Jean-Pierre Balligand, toujours pertinent dans l'analyse politique, souligne que les centres villes nous échappent, contrairement à ce qui se passe ailleurs. Et il juge qu'à Laon et Saint-Quentin, il y a eu une "erreur de casting". A Laon, je ne sais pas, mais à Saint-Quentin, c'est flagrant: on espérait l'épopée, on a eu droit au film d'épouvante, avec l'extrême gauche en guest star et une affiche pas franchement sexy, où le nom du candidat était aux oubliettes!

Du coup, la fédération socialiste de l'Aisne sera encore plus marqué par ce socialisme cantonal, peu soucieux du débat d'idées, friand de compromis entre notables, contournant le monde urbain pour asseoir son pouvoir. Balligand m'avait dit un jour que les socialistes de l'Aisne avaient des traditions plus à gauche que la moyenne nationale. C'était à l'époque ou le jeune NPS ralliait tous les déçus sur une ligne en effet plus à gauche que celle de la direction du Parti. Et les mêmes, en 2006, ont soutenu Ségolène Royal et fait basculer la fédération de son côté, sur des positions qui me faisaient passer, moins strauss-kahnien, pour plus à gauche qu'eux! Balligand avait sur ce point tort. Les socialistes axonais ne sont pas plus à gauche. Ils sont plus influencés que dans les villes moyennes et grandes par les élus, avec lesquels ils entretiennent des rapports de proximité, dont ils sont parfois les employés. Il en résulte un climat de subordination que je n'ai pas connu dans ma section du XIXème arrondissement parisien, où le maire Roger Madec et le député Jean-Christophe Cambadélis n'étaient guère présents en section.

C'est aussi pourquoi mes camarades saint-quentinois (et moi le premier!) avons du mal à nous faire entendre de la fédération. Nous ne parlons pas le même langage, il y a comme une séparation quasi culturelle. Les poperénistes, eux, ont à leur actif la langue de l'appareil, qui est universelle au sein du Parti et qui leur permet de se faire comprendre. Mes saillies en bureau fédéral passe mal. Maurice Vatin est plus habile, plus diplomate. Il faut savoir enrober et flatter, je ne sais pas. Tout un art m'échappe, presque une sociabilité, un savoir être, qui chez mes camarades fédéraux sont spontanés, naturels. A leurs yeux, je ne suis sans doute pas quelqu'un de très sérieux, au mieux un intello rabat-joie. Aucun ne croit en moi. Tant pis pour moi, tant pis pour eux. Je n'ai besoin de personne pour tracer ma route.

Ce que je sais, ce que je vois, c'est que la droite, contrairement au précepte maoïste, veut prendre les champs par les villes. Ce que je redoute, c'est que dimanche soir, Saint-Quentin, Laon, Soissons, Château-Thierry et Villers-Cotterets ne forment la colonne vertébrale de la droite dans l'Aisne, à partir de laquelle elle innervera tout le département, dans 5 ans, dans 10 ans, dans 15 ans. Pour casser cela, il faudra bien s'appuyer sur le socialisme des villes et cesser les "erreurs de casting".


Bonne nuit.

7 Comments:

  • Mr Fillon a t il raison quand il explique que les collectivités de gauche font preuve de sectarisme dans leur gestion en refusant des crédits à ceux qui ne sont pas du meme bord politique qu'eux ?

    Ca me rappelle ce que me disait un ami du temps où la mairie est de gauche a st quentin, lui meme était de gauche et chef d'entreprise
    et il se plaignait que du temps de la gauche à la mairie, il ne leur avait jamais rien vendu
    par contre avec PA à la ville, il voyait bien qu'il essayait autant que faire se pouvait de faire travailler les entreprises locales.

    J'ose esperer que cette gauche là n'est pas la votre Emmanuel.
    Mais cela signifie t il que si ce n'est pas JCC qui passe à st quentin sud, la ville de st quentin n'aura rien à attendre de la part du conseil général ?

    By Blogger grandourscharmant, at 1:21 PM  

  • à Manu, je te citeslorsque tu parles de STQ:
    "Il n'y a que les inconscients qui ne parlent pas d'échec grave".
    Pas de mauvaise fois outre-mesure, tu sais trés bien qu'une bonne partie du PS a fait campagne pour le maire sortant...
    Le score n'est peut etre pas bon, mais largement meilleur à ce qui était prédit.
    Non Manu, je ne suis pas un inconscient, je suis lucide.

    By Anonymous Anonyme, at 1:42 PM  

  • A Grandours:

    En République, les élus du peuple n'ont pas à faire de distinctions politiques dans l'affectation de leurs crédits, c'est-à-dire de l'argent public. Sinon, nous serions dans un régime de privilèges et de corruption.

    La vraie question est plutôt la suivante: François Fillon a-t-il raison quand il tient de tels propos à quelques jours d'une élection? La droite est-elle exempte de ces pratiques?

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 2:05 PM  

  • Alain,

    J'ai écrit sur ce blog, il y a un mois environ, que la gauche ferait à Saint-Quentin 35%. A deux jours du scrutin, j'ai pronostiqué un score entre 30 et 40%. Tu peux donc en conclure que c'est un score un peu meilleur que je ne l'avais prévu, mais sans grande surprise non plus. En fait, il ne faut pas ergoter: nous avons perdu, la droite a gagné avec 60% et ce n'est pas du tout satisfaisant pour la gauche.

    - Non, une bonne partie du PS n'a pas fait campagne pour Pierre André, ni une petite partie, ni personne au PS. Ce qui est vrai, c'est qu'une bonne partie de la section a été indifférente à cette campagne.

    Mais mets toi un peu à notre place: nous sommes majoritairement hostiles à la tête de liste, nous rejetons et sa liste, et ses alliances, trois votes l'attestent. Et malgré tout, le candidat continue, avec la bénédiction de la fédération. Il se passerait la même chose au PCF, tu aurais la même réaction que nous: on nous a exclu, on a bafoué nos votes, on ne participe donc pas à ce qui se passe. En attendant de tout changer et de préparer des jours meilleurs.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 2:15 PM  

  • A vos 2 questions, je répondrais
    par l'affirmative et par la négative.
    Mais cela va nous amener à discuter de la politique en nous éloignant des polémiques de campagne.

    Oui, le premier ministre a raison de dénoncer ce genre de pratiques
    et le gouvernement devrait avoir à sa disposition des moyens permettant d'éviter que ces pratiques existent
    Et je serais partisan que la cours des comptes disposent d'un pouvoir de sanction car ces rapports sont souvent suivis de peu d'effets.

    et non, quand la majorité est de droite, ce genre de pratiques se produisent aussi.
    D'ailleurs le responsable associatif que vous etes a t il eu à subir ce genre de traitement ?

    Et je dois reconnaitre que de ce point de vue là, le département de l'aisne me semble etre relativement équilibré,
    mais vous imaginerez bien que par rapport à la région, je ne tiendrais pas le meme discours.

    CG a quand meme réussi à nous faire regretter son prédécesseur,
    qui n'avait peut etre pas que des qualités mais qui en terme de rigueur budgétaire.
    Quand je pense qu'en son temps, je trouvais sa gestion des finances publiques de la région dispendieuse.

    Et ce ne sont pas mes convictions politiques qui parlent mais le citoyen, augmenter de maniere aussi importante le nombre de vice-présidents ainsi que les frais qui vont avec,
    augmenter encore la pression fiscale, alors que tous les crédits votés n'ont pas été tous dépensés.

    On aborde là des domaines qui dépassent le cadre du militantisme politique et sur lesquelles des consensus me semblent etre souhaitable.

    By Blogger grandourscharmant, at 4:23 PM  

  • GOC a raison quand il dit que le PS est atteint " d'imposite aigue ", en plus des impôts on a eu droit à la TIPP régionale maxi, ce n'est pas ainsi qu'on attire les classes moyennes
    Si la liste JPL l'avait emporté, on aurait eu droit au coup de massue, entre 89 et 95 mais impôts locaux ont augmenté de 35 % !
    Vive la gauche !

    By Anonymous Anonyme, at 6:30 PM  

  • Une question m'est posée par GOC, je réponds: en tant que responsable associatif, je n'ai pas à me plaindre de la municipalité de Saint-Quentin. Mais toute la droite n'est pas partout ainsi.

    Quoi qu'il en soit, je trouve que la polémique lancée par le Premier ministre sur le "sectarisme" des élus de gauche à la veille du scrutin municipal me semble inutile. Mais peut-être François Fillon, qui devient populaire dans les sondages (dans les urnes, on verra dimanche soir), veut se donner une étoffe politique?

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 7:09 PM  

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