Les nouveaux monstres.
Bonsoir à toutes et à tous.
Socialistes que nous sommes, nous devons faire la critique du capitalisme, mais pas n'importe comment: en connaissance de causes. D'autant que le capitalisme a beaucoup changé ces dernières années. Notre analyse doit s'adapter. Influencés par l'extrême gauche communiste et trotskyste, nous répétons des formules souvent vides de sens, nous portons des jugements moraux plus que politiques. Marx lui-même a su faire la part des choses, du pour et du contre dans sa réflexion sur le capitalisme. Il n'était pas bêtement anti-libéral, comme peuvent l'être une partie de la gauche et certains milieux socialistes.
Dans les années 70, je m'en souviens, tout individu de gauche normalement constitué se devait de critiquer les "multinationales". C'était le monstre capitaliste d'alors, qui faisait oublier que les ouvriers dans ces trusts étaient souvent mieux payés et bénéficiaient de conditions de travail correctes, tandis que le petit patronat, tout français qu'il était, exerçait une exploitation parfois féroce, et sans organisation syndicale pour la contrer. Dans les années 90, un autre monstre capitaliste a surgi: les "fonds de pension", forcément américains, investissant en France, cannibalisant notre économie. Les retraités de Floride étaient les nouvelles figures, assez singulières, de l'exploitation des travailleurs.
Depuis quelques mois, un nouveau monstre est apparu: les "fonds souverains", dont je vous ai déjà parlé à propos de la crise financière des subprimes. Une collègue, prof d'histoire-géo, m'a filé, autour de la photocopieuse du lycée Henri-Martin, un article de La Tribune sur le sujet, qu'elle destinait à ses élèves. C'est le numéro du 19 février, et le papier est intitulé: "Les fonds souverains, nouveaux monstres de la finance". Je vous recommande sa lecture, qui remet les idées en place. Je vous le résume, mais allez voir par vous-mêmes:
Les fonds souverains sont alimentés par les excédents pétroliers ou les surplus d'exportations. Ils ne datent pas d'aujourd'hui, mais pendant longtemps, ils s'investissaient dans les achats de lingots d'or et de bons du Trésor américain. Le métal jaune et les USA, il n'y a que ça de vrai pour qui veut faire du profit! Sauf depuis quelques années, où ces masses financières ont décidé de faire des placements à risques dans les économies des pays industrialisés, afin de réaliser de meilleurs rendements. Ainsi, les fonds souverains russes, arabes et asiatiques se sont lancés à la conquête de l'Occident, qui n'a songé qu'à une seule riposte possible: le protectionnisme.
L'enjeu politique, désormais, c'est de savoir comment maîtriser ces flux financiers sauvages et prédateurs. Le FMI et l'OCDE vont publier ce mois de mars un guide de bonnes pratiques pour ces fonds. Tout est là, dans la régulation mondiale de la finance (et non pas dans sa condamnation). De ce point de vue, DSK, en tant que directeur du FMI, va jouer un rôle primordial dans les semaines et les mois qui viennent. Ce qu'il faut savoir, pour chasser tout préjugé, c'est que les fonds souverains ne sont pas seulement des créatures venues des riches émirats arabes ou des Etats asiatiques hyper-capitalistes. Il existe des fonds souverains au Chili, Venezuela, Canada, Norvège ou Algérie.
L'autre préjugé porte sur les sommes que représentent ces fonds souverains, nouvelle hydre du capitalisme contemporain. On a parlé de 1.200 milliards de dollars, et 28.000 en 2020, soit le double de la richesse que devraient alors produire les Etats-Unis. Ce serait vraiment monstrueux! Mais c'est très exagéré, comme souvent le sont les exercices de prévision. En réalité, ces sommes astronomiques sont le résultat de trois confusions:
1- On assimile les avoirs en devises d'un pays et la dotation de son fonds souverain.
2- On confond les fonds souverains avec les fonds de stabilisation, qui n'investissent pas à l'étranger mais sont simplement les économies issues du marché pétrolier.
3- On présente indûment les sociétés publiques chinoises, russes et arabes, ouvrant leur capital à des investissements privés, comme étant des fonds souverains, ce qu'elles ne sont évidemment pas.
En termes de philosophie politique, ce qu'il faut retenir du phénomème des fonds souverains, c'est qu'il existe un capitalisme d'Etat qui représentera peut-être pour des socialistes le problème économique des prochaines années, alors que jusque là, nous cantonnions à tort le capitalisme dans les strictes limites du marché.
Bonne soirée.
Socialistes que nous sommes, nous devons faire la critique du capitalisme, mais pas n'importe comment: en connaissance de causes. D'autant que le capitalisme a beaucoup changé ces dernières années. Notre analyse doit s'adapter. Influencés par l'extrême gauche communiste et trotskyste, nous répétons des formules souvent vides de sens, nous portons des jugements moraux plus que politiques. Marx lui-même a su faire la part des choses, du pour et du contre dans sa réflexion sur le capitalisme. Il n'était pas bêtement anti-libéral, comme peuvent l'être une partie de la gauche et certains milieux socialistes.
Dans les années 70, je m'en souviens, tout individu de gauche normalement constitué se devait de critiquer les "multinationales". C'était le monstre capitaliste d'alors, qui faisait oublier que les ouvriers dans ces trusts étaient souvent mieux payés et bénéficiaient de conditions de travail correctes, tandis que le petit patronat, tout français qu'il était, exerçait une exploitation parfois féroce, et sans organisation syndicale pour la contrer. Dans les années 90, un autre monstre capitaliste a surgi: les "fonds de pension", forcément américains, investissant en France, cannibalisant notre économie. Les retraités de Floride étaient les nouvelles figures, assez singulières, de l'exploitation des travailleurs.
Depuis quelques mois, un nouveau monstre est apparu: les "fonds souverains", dont je vous ai déjà parlé à propos de la crise financière des subprimes. Une collègue, prof d'histoire-géo, m'a filé, autour de la photocopieuse du lycée Henri-Martin, un article de La Tribune sur le sujet, qu'elle destinait à ses élèves. C'est le numéro du 19 février, et le papier est intitulé: "Les fonds souverains, nouveaux monstres de la finance". Je vous recommande sa lecture, qui remet les idées en place. Je vous le résume, mais allez voir par vous-mêmes:
Les fonds souverains sont alimentés par les excédents pétroliers ou les surplus d'exportations. Ils ne datent pas d'aujourd'hui, mais pendant longtemps, ils s'investissaient dans les achats de lingots d'or et de bons du Trésor américain. Le métal jaune et les USA, il n'y a que ça de vrai pour qui veut faire du profit! Sauf depuis quelques années, où ces masses financières ont décidé de faire des placements à risques dans les économies des pays industrialisés, afin de réaliser de meilleurs rendements. Ainsi, les fonds souverains russes, arabes et asiatiques se sont lancés à la conquête de l'Occident, qui n'a songé qu'à une seule riposte possible: le protectionnisme.
L'enjeu politique, désormais, c'est de savoir comment maîtriser ces flux financiers sauvages et prédateurs. Le FMI et l'OCDE vont publier ce mois de mars un guide de bonnes pratiques pour ces fonds. Tout est là, dans la régulation mondiale de la finance (et non pas dans sa condamnation). De ce point de vue, DSK, en tant que directeur du FMI, va jouer un rôle primordial dans les semaines et les mois qui viennent. Ce qu'il faut savoir, pour chasser tout préjugé, c'est que les fonds souverains ne sont pas seulement des créatures venues des riches émirats arabes ou des Etats asiatiques hyper-capitalistes. Il existe des fonds souverains au Chili, Venezuela, Canada, Norvège ou Algérie.
L'autre préjugé porte sur les sommes que représentent ces fonds souverains, nouvelle hydre du capitalisme contemporain. On a parlé de 1.200 milliards de dollars, et 28.000 en 2020, soit le double de la richesse que devraient alors produire les Etats-Unis. Ce serait vraiment monstrueux! Mais c'est très exagéré, comme souvent le sont les exercices de prévision. En réalité, ces sommes astronomiques sont le résultat de trois confusions:
1- On assimile les avoirs en devises d'un pays et la dotation de son fonds souverain.
2- On confond les fonds souverains avec les fonds de stabilisation, qui n'investissent pas à l'étranger mais sont simplement les économies issues du marché pétrolier.
3- On présente indûment les sociétés publiques chinoises, russes et arabes, ouvrant leur capital à des investissements privés, comme étant des fonds souverains, ce qu'elles ne sont évidemment pas.
En termes de philosophie politique, ce qu'il faut retenir du phénomème des fonds souverains, c'est qu'il existe un capitalisme d'Etat qui représentera peut-être pour des socialistes le problème économique des prochaines années, alors que jusque là, nous cantonnions à tort le capitalisme dans les strictes limites du marché.
Bonne soirée.
10 Comments:
Emmanuel,
dans ta liste de nouveaux monstres, tu oublies les 2 principaux :
- la Chine,
- la Russie.
Tous deux continuent à appliquer les principes communnistes : répression aveugle, dictature d'une classe privélégiée sur le peuple, ...
Mais, acceptation de la philosophie capitaliste, profits énormes grâce à la spéculation, création d'une classe privélégiée très riche pouvant visiter le monde et ses palaces, alors que le peuple souffre.
Ce monstre qui joue sur les tableaux est le capitalocommunisme, version newlook du communisme qui a toujours exploité le peuple.
Marc V.
By Anonyme, at 11:49 PM
Un monstre est une créature mélangée, et celui dont tu parles est un monstre parfait, mi-communiste, mi-capitaliste.
Mais je les ai indirectement évoqués puisque ces deux pays ont de puissants fonds souverains:
- China Investment Corporation, avec 200 milliards de dollars, dont 30 pour investir à l'étranger.
- La Russie va se doter cette année d'un fonds souverain alimenté par 40 milliards de dollars.
By Emmanuel Mousset, at 12:10 AM
L'argent est une accumulation de richesse virtualisée. On peut en faire ce qu'on en veut en en étant propriétaire. Celui qui en a peu se contentera de remplir son caddie au supermarché, celui qui en a plus pourra l'investir dans l'espoir d'en récupérer encore plus. Soit dans des entreprises réelles, soit chez l'Ecureil, soit chez son banquier. Il peut également acheter des objets et des produits pour les revendre ultérieurement et faire un bénéfice. Personne ne remet en cause l'argent lui même. Par contre on peut à juste titre se méfier quand il permet par le biais d'achat d'actions d'acheter une entreprise, de la dépecer, de mettre les employés au chômage en liquidant les actifs d'une façon sauvage. Mais la gauche gauche a besoin d'un démon pour se faire peur et serrer les coudes des masses apeurés. C'était la grande technique, mais ce n'est plus suffisant, dans les années 60, c'était les bourgeois les ennemis de classe du prolétariat. C'est bizarre, on n'en entend plus parler. Comme quoi les effets de mode existent, même à gauche. Il faut donc être platement bête pour nous répéter des formules souvent vides de sens...
By jpbb, at 1:35 AM
A jpbb:
- L'invention de la monnaie est un progrès de la justice et de la civilisation.
- Mais la circulation de l'argent peut faire basculer dans l'irrationnel, quand sa valeur perd tout sens.
- Une partie de la gauche ne conteste plus la bourgeoisie parce qu'elle est devenue bourgeoise.
By Emmanuel Mousset, at 8:04 AM
Et le pauvre Marx ne l'avait pas prévu ? Lui le bourgeois ? Tant qu'à faire un choix, entre prolo et bourge, on n'hésite pas longtemps. C'est marrant les contradiction du marxisme, on ne s'en lasse pas. :-)
By jpbb, at 10:26 AM
Les contradictions avec un "S".
Pour se relire, il faut changer de support, imprimer sur une feuille de papier par exemple ou lire dans un autre contexte, et alors les fautes sautent aux yeux.
La méthode dialectique qui consiste à cliver un sujet pour trouver une dynamique ne résiste pas au simple bon sens. L'artificiel ne remplace pas le naturel.
By jpbb, at 10:30 AM
click sur mon nom comme d'hab voila une partie de ta réponse selon moi enfin un peut d'humour ne fait pas de mal.
By Anonyme, at 9:06 PM
Simon,
Sais-tu quel était le sujet du café philo de ce soir? "Les monstres sont-ils parmi nous?"
By Emmanuel Mousset, at 10:54 PM
bien sur je le savais j'ai l'affiche a la maison j'ai pas put venir un autre truc a faire d'ailleurs je suis deg je voulais trop voir ça mais je pense que j'aurai pas était objectif.
je voulais juste donner ma touche personnel.
bon sinon qui dirai d'un forum live sur le net philo ca serait rigolo
surtout que jpbb en vraie je suis sur que je pourrai parlez avec lui .
enfin pas de physique je capte que dalle a l'orthographe aussi mais les idées donc la philo ca j'adore.
simon lançon
By Anonyme, at 11:47 PM
Simon,
Tu viendras à un prochain café philo. Ou bien à notre café livres, c'est jeudi prochain, au Manoir, 19h00.
By Emmanuel Mousset, at 2:27 PM
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