L'Aisne avec DSK

03 mars 2008

Match Point.

Bonjour à toutes et à tous.

J'ai regardé hier l'avant-dernier film de Woody Allen, "Match Point", une réflexion sur le hasard et la chance dans l'existence. Match Point, c'est au tennis quand la balle frôle le filet et tombe par hasard d'un côté ou d'un autre, faisant ainsi basculer le sort du match. Allen se demande si la vie ne serait pas un peu une partie de tennis dans laquelle c'est la "balle de match", c'est-à-dire le hasard, qui décide des événements. Et sa réponse est oui!

En voyant cet excellent film, je me suis souvenu d'un ouvrage à succès dans les années 70, et qui est demeuré une référence: "Le hasard et la nécessité" du biologiste Jacques Monod, qui nous explique que la vie est apparue par hasard mais que son évolution correspond à une forme de nécessité. Un bouquin autant scientifique que philosophique.

De fil en aiguille, j'en suis venu à mon cours de philo sur l'histoire, pendant lequel je réfléchis avec mes élèves sur le cours des événements, avec ce type de question: que serait-il advenu de l'humanité si le caporal Adolf Hitler avait été tué sur le front en 1914-1918? Aurions-nous connu le nazisme et le génocide? Lisez à ce sujet le roman d'Eric-Emmanuel Schmidt, "La part de l'autre", où il imagine un Hitler réussissant à devenir artiste-peintre et connaissant une toute autre vie.

Bref, de Woody Allen à Jacques Monod, de la tragédie à la génétique en passant par mes réflexions philosophiques, j'en suis venu à la politique: tout ce qui se passe dans la gauche saint-quentinoise était-il inéluctable? Tout aurait-il pu être autrement? Vous direz peut-être que la question est futile, que ce qui est fait est fait. Non, il est toujours intéressant de s'intéresser sur la part de hasard et la part de fatalité. Sommes-nous condamnés à l'incertitude ou y a-t-il une forme de déterminisme?

Où est le Match Point, à quel moment la balle a-t-elle hésité avant de basculer? En septembre et octobre, une évidence s'est installée: aux yeux de la presse, de la Fédération, de beaucoup de personnes extérieures au PS, de quelques camarades, j'étais et donc je serai le candidat. D'où a surgi cette évidence? Je ne sais pas, je ne l'ai pas en tout cas sollicitée. Certes, je m'étais porté candidat un an auparavant, mais sans insister et surtout avec une réserve de taille: j'y vais si on veut de moi, si on pense que je peux apporter quelque chose, si on adhère à mes analyses et propositions, bref si je rassemble au-delà des personnes et des courants. Cette règle, j'y tenais, je l'ai dit et redit. Je ne me faisais pas beaucoup d'illusions, mais il n'est pas besoin d'espérer pour entreprendre, surtout en politique.

Le Match Point, c'est sans doute lorsque je me suis adressé à mes camarades les plus proches et qu'ils m'ont dit très honnêtement qu'ils voyaient quelqu'un d'autre que moi mieux disposé pour rassembler. Aurai-je dû poursuivre mes intentions? Au prix de me contredire, de renier le principe de rassemblement que j'avais posé au départ? On peut si on veut trahir ses engagements. Je ne l'ai pas fait, je crois avoir eu raison. Je ne serai pas sorti grandi d'un tel revirement. Hasard ou nécessité? Nécessité de mes convictions, il me semble. Je n'ai aucun dépit à l'égard de mes camarades qui ne m'ont pas à ce moment-là choisi, mais c'est un encouragement à les convaincre, pour l'avenir, que je suis bien "le meilleur" sur lequel ils auraient pu compter.

Exit moi, restait Stéphane. Lui aussi a eu son Match Point, en ne se présentant pas, rappelant ainsi le principe d'unité que nous défendions tous, et le mettant en pratique, espérant ainsi un choc salutaire, une reprise de la réflexion ... qui ne sont jamais venus. La Fédération a été peu claire dans ses intentions, promettant d'abord un report du dépôt des candidatures puis se ravisant, ce qui mettait fin à tout processus de rassemblement. Les mâchoires de la procédure venaient de se refermer sur nous, nous avons jusqu'au bout tenté de les desserrer, nous avons compris début février qu'elles ne s'ouvriraient plus jamais. Quelques jours, quelques heures d'incertitude pour six années de fatalité. C'est cher payé.

L'union avec l'extrême gauche? Match Point également. Personne n'y croyait: une formalité qui s'est transformée en terrible réalité, des rencontres banales qui ont engendré une alliance politique. L'histoire montrera un jour, si elle s'intéresse à nous (ce dont je doute fort), que rien au départ n'était prémédité, que les circonstances ont été les plus fortes. Ce qui n'enlève rien, je m'empresse de le préciser, aux responsabilités de ceux qui ont signé cette alliance.

Finalement, un seul échappe au Match Point, Pierre André. On ne peut jurer de rien, mais s'il était battu dimanche, il ne faudrait pas parler de hasard mais de miracle, les choses étant ce qu'elles sont.

Hasard ou nécessité dans la vie politique? Je continue à m'interroger. Quand on est fort, c'est la nécessité qui l'emporte, quand on est faible, le hasard vous emporte. A mes camarades qui maudissent le hasard, je leur dis: le hasard fait bien les choses, il ne trahit pas, il porte en lui une certaine justice, qui triomphera le moment venu. Que croyez-vous? Que l'histoire aurait pu se dérouler autrement? Que Stéphane ou moi aurions pu être candidats, mener une campagne très différente et installer à la municipalité une autre équipe que celle qui s'annonce? Oui, sans doute, mais d'autres hasards auraient rendu imprévisible le cours des événements.

Tout est blindé pour six ans? Mais non, le Match Point reviendra, il est toujours là, il nous sourira cette fois, il portera un nom: la chance. Pensez au congrès, pensez au renouvellement de nos instances locales et fédérales, pensez aux élections régionales, pensez aux prochaines européennes: tout cela, c'est dans l'année qui vient et qui commence maintenant. La partie de tennis n'est pas terminée, frappez fort, la balle finira par basculer du bon côté. Match Point!


Bon après-midi.

5 Comments:

  • La vie n'est pas apparue par hasard, elle est apparue, c'est tout ce que l'on peut affirmer. Prétendre qu'elle serait apparue par hasard suppose également qu'elle aurait pu ne pas apparaître, or du seul fait que nous vivons, nous apportons la preuve que le hasard n'y est pour rien. Du pré-big-bang jusqu'à nous, il y a la fatalité inexorable, c'est tout ce que l'on peut affirmer sans se tromper.

    La flèche du temps ne va que dans un seul sens, comme l'œuf franchissant le cul de la poule. L'œuf ne revient jamais en arrière. Il est donc vain de se demander si la mère d'Adolf avait fait une fausse couche ce qu'il en serait advenu. L'histoire aurait évolué autrement, c'est tout ce que l'on peut dire. On peut évidement broder et écrire des romans, mais le réel déploie son cheminement, imprévisible, auquel nous pouvons participer nous autres humains et laisser notre griffe dans les pages de l'Histoire. Quand le sort nous est défavorable, et que l'orage gronde, on serre les dents et on continue à avancer en clamant et en expliquant clairement sa vision des choses. Si elle est bonne, elle finira par être partagée, il suffit d'être patient.

    By Blogger jpbb, at 5:54 PM  

  • C'est d'ailleurs un gros argument pour contrer les athées. Normalement il ne devrait rien y avoir du tout, la loi de causalité appliquée au vide, or il y a quelque chose, car nous pouvons en parler. Ensuite dire que c'est le dieu Hasard, celui qui fait gagner les gens au Loto, c'est toujours réintroduire la divinité au coeur de nos pensées, et la religion, la chose qui relie les hommes le fait par le biais de la parole partagée. Or au début était le Verbe...
    La conjugaison a toujours été une matière hasardeuses dès fois un s, dès fois un t, sans compter le plus que parfait du subjonctif, selon les temps, des bizarreries qui nous dépassent... ;-)

    By Blogger jpbb, at 6:02 PM  

  • Et si JPL avait eu un grain de clairvoyance pour ne pas dire d'intelligence !
    la campagne aurait toute autre allure !

    By Anonymous Anonyme, at 6:15 PM  

  • JPPB, depuis que tu as quitté le PS, tu fais de la philo? Tu tournes mal ...

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 7:22 PM  

  • C'est à dire que pour "recadrer l'ensemble de la physique avec une vision neuve" c'est mieux de faire de la philo! Et salut les médiocres comme dirait jpbb.

    By Anonymous Anonyme, at 9:51 PM  

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