Vidéo gag.

Bonjour à toutes et à tous.

Le temps n'est pas encore venu de faire le bilan de la campagne saint-quentinoise, je ne manquerai pas de m'engager dans ce travail le moment voulu, mais une remarque s'impose déjà: par rapport à 2001, en quelques années, la preuve est apportée que nous avons basculé dans la société de l'internet. Pendant la campagne de 2001, à Saint-Quentin, pas de site internet, pas de blog. En 2007, les sites ont joué un rôle important, Pierre André allant jusqu'à concentrer sa campagne sur ce mode inédit de militantisme. Vous savez le succès qu'a rencontré mon blog et l'influence qu'il a exercée bien au-delà des frontières de la gauche. Je m'attendais à être candidat mais je ne m'attendais pas à ça! Tout s'est passé comme si l'un s'était substitué à l'autre. Les blogs, c'est aussi le moyen de mener des débats qui n'ont plus lieu dans la section ou les instances fédérales.

Mais il ne faut pas verser dans l'optimisme un peu niais: la communication électronique rencontre des limites. Si j'ai réussi à susciter des échanges sur ce blog, les sites des deux candidats n'ont pas été interactifs. Il aurait fallu que l'un et l'autre s'ouvrent vraiment au dialogue, répondent aux questions précises des citoyens internautes. Faute de quoi, les sites sont figés et c'est le règne du copier coller. Le net invite à la fluidité, à la réactivité, à l'exactitude.

Le pire, c'est le triomphe de la vidéo. Car la télévision, c'est déjà fini. Nous sommes entrés dans l'ère de la vidéo. Cette technologie est légère, maniable, peu coûteuse, à la portée de tous, donc populaire. Son efficacité est massive et directe. La gauche saint-quentinoise en a fait grand usage, diffusant de nombreux messages sur dailymotion. La droite a eu plus de retenue, se contentant d'interventions sur son site. Pour comprendre le succès de la vidéo, il faut se souvenir de ses origines, familiales et ludiques. C'est à la fois "vidéo gag", émission très populaire de TF1, et les jeux vidéo, très appréciés des plus jeunes. La culture vidéo, qui imprègne aujourd'hui une grande partie de la population, a trois caractéristiques qu'on retrouve en politique:

1- Le jeu: la vidéo est un mode de communication essentiellement distrayant, pas "prise de tête". C'est la société de l'entertainment, de l'amusement, du "fun". La politique tourne vite alors au gag. Sur dailymotion, je suis tombé sur une vidéo montrant Jean-Pierre Lançon marchant dans de la pisse de chien, sous le titre "Ca porte bonheur", visiblement filmé par ses partisans.

2- Le vide: la vidéo souvent n'apprend rien. C'est le degré zéro de la communication. L'image prime sur le message et tourne au dérisoire. C'est le règne de la redondance: Freddy nous explique pourquoi il faut voter Pierre André et Nora pourquoi il faut trier les déchets chez soi.

3- Le narcissisme: les militants se filment en train de distribuer et de parler, comme s'ils avaient besoin qu'un miroir leur rappelle constamment qu'ils existent. Mais pour combien de temps?

C'est pourquoi, à mes yeux, si l'internet est un progrès, la généralisation de la vidéo est une régression. La démocratie et la politique, c'est l'écrit et la parole directe, ce n'est pas l'image. On peut échanger avec des écrits et des paroles, pas avec des images. La politique, c'est la confrontation, le débat. L'image vidéo, c'est le triomphe du n'importe quoi. Le plus étonnant, c'est que des militants qui se disent révolutionnaires, qui contestent fondamentalement la société reproduisent avec gourmandise et empressement ses pires travers.

Et moi qui ne suis qu'un banal social-démocrate, un modeste réformiste, moi qui veux améliorer sans tout chambouler, je suis très critique envers la vidéo société, je me refuse à y entrer, je m'interdis de mettre des vidéos sur mon blog, je rejette le copier coller, je n'inscris aucune photo (sauf la petite avec DSK, quand même!), je revendique une pratique austère de l'écriture et de la politique. Pas marrant? Eh oui, la politique, c'est du sérieux. Pas dans l'air du temps? Je m'en fiche. L'air du temps, ce sont souvent des courants d'air. Et si c'était ça le vrai gag: je suis plus révolutionnaire que bien des révolutionnaires, sans avoir à lever le poing ni chanter l'Internationale?


Bonne matinée sans vidéo.