L'Aisne avec DSK

25 mai 2008

Au pied du mur.

Bonjour à toutes et à tous.

Demain se tiendra à Saint-Quentin le deuxième conseil municipal depuis la réélection de Pierre André (je mets à part la séance d'installation à Fervaques). Quand on parcourt l'ordre du jour, on ne voit pas grand-chose à en dire ou à en redire: entre désignation dans des représentations, dénomination d'une allée, travaux de rénovation, construction d'un local, cession de parcelles et acquisition de propriétés, la marge d'intervention, de critique, de proposition semble assez mince pour l'opposition.

Nous sommes plus dans du technique, de l'administratif, de la gestion que dans du politique, encore moins dans de l'idéologique. Ce qui doit faire plaisir à Xavier Bertrand, lui qui n'aime pas l'idéologie, lui qui veut finalement réduire la politique au technique, le choc des idées à l'assimilation des dossiers. Le gouvernement de la France sur le modèle d'un conseil municipal? Mieux encore pour lui, c'est-à-dire pire selon moi: sur le modèle d'un conseil d'agglomération où ne siègerait aucune opposition?

Eh bien non, la politique est partout, et quand elle ne s'y trouve pas, il faut l'y mettre, par exemple dans cet ordre du jour qui apparemment ne s'y prête pas. Attention: je ne dis pas qu'il faut créer des clivages artificiels, susciter des conflits inutiles, devenir procédurier, critiquer systématiquement ou contester des détails. Mais je dis qu'il faut porter un regard politique, c'est-à-dire montrer que les décisions relèvent de choix et que ces choix peuvent être discutés. Une assemblée élue est faite pour ça, sinon elle ne sert à rien.

La désignation des représentants de la Ville? Pourquoi pas des membres de l'opposition. La dénomination d'une allée? Le nom a son importance symbolique. Les travaux, cessions et acquisitions? Dans quel but? Pouvait-on s'y prendre autrement? Les subventions aux associations? Pourquoi tel montant, pourquoi telle association? Une augmentation est-elle souhaitable et possible? La carte scolaire: quel bilan après la mobilisation des enseignants et des parents, qui n'a pas mis fin à toutes les inquiétudes? Etc. Je n'irai pas jusqu'à dire que chaque point abordé peut faire l'objet d'une remise en perspective politique, mais je n'en serai pas loin. Il y a certes un formalisme municipal, mais un conseil, le mot dit bien ce qu'il veut dire, n'est pas une chambre d'enregistrement.

S'opposer, c'est d'abord questionner, avec sérieux, précision, bienveillance. La plupart des décisions d'un conseil municipal sont réalisées avec l'argent des citoyens. Ces décisions doivent donc être justifiées et parfois longuement expliquées. Un pouvoir, quel qu'il soit, détenu par la droite ou par la gauche, n'aime pas se justifier. L'opposition est là pour le forcer. Un pouvoir, quel qu'il soit, veut rendre lisses et consensuels ses choix, les faire passer pour des nécessités, les transformer en quasi formalités qu'une assemblée de greffiers viendraient passivement consignés. Non, il faut introduire la vie dans le conseil municipal, y faire entendre les bruits du dehors, faire remonter les revendications de la population. Pas une chambre d'enregistrement silencieuse et policée, mais une chambre d'échos.

L'Aisne Nouvelle relève un point qui semble banal mais qui illustre parfaitement tout ce que je viens de dire: la construction d'un mur de clôture au stade Debrésie. Et alors? Quoi de politique là-dedans, au sens que j'en ai donné, un sujet qui porte à discussion, sur lequel les avis peuvent donc diverger? C'est que ce mur serait chargé de régler un problème récurrent, les actes d'incivilités que subissent les spectateurs. Près du stade se trouve l'aire d'accueil des gens du voyage, d'où viennent les projectiles lancés pendant les matchs. Que faut-il penser de ce mur?

1- D'abord la question renvoie aussi à un problème plus général, les actes de vandalisme sur cette aire d'accueil, qui focalisent l'attention, exaspèrent et jettent l'opprobre sur les gens du voyage. J'en ai déjà parlé sur ce blog. Le rejet de cette communauté a hélas toujours existé et doit être condamné. Les personnes doivent être respectés dans leur différence et pouvoir vivre en paix. Une fois ce principe rappelé, et il faut nécessairement commencer par le rappel des principes, il convient d'en venir aux faits, aux réalités: il y a un problème de délinquance, souvent mineure mais nuisible, qui doit être réglé. On fait comment? Celle ou celui qui répondra à cette question sera un grand politique au niveau de la ville.

2- Le mur est une réponse: 3 mètres de haut, 270 mètres de long, le stade est "sécurisé", comme on dit aujourd'hui. La municipalité a-t-elle fait tout ce qu'il fallait avant d'en arriver là? Je suppose que oui, je n'ai pas de raison de mettre en doute sa volonté de régler autrement ce problème. Des médiateurs ont été désignés, le dialogue n'a semble-t-il rien donné. Mais cet échec justifie-t-il que l'on construise ce mur? Cette réponse est-elle la bonne?

3- Dans l'histoire, grande ou petite, il y a des précédents, qui aboutissent généralement à la même conclusion: les murs ne servent pas à grand-chose, ils ne règlent pas en profondeur le problème. Au mieux, ils protègent, mais le problème est toujours là et il s'exprime alors autrement. Les murs finissent par être contournés ou par être détruits. La principale question qui mérite d'être posée dans cette affaire, c'est celle de l'efficacité, rapportée notamment au coût, 500 000 euros.

4- Il y a une facilité dans laquelle l'opposition ne doit pas tomber: l'indignation morale, les figures de rhétorique, le discours de pure dénonciation, genre "non au mur de la honte". Laissons tomber ça. Nos concitoyens veulent des actes, pas seulement des mots. J'ai dit tout à l'heure qu'il fallait commencer par les principes et condamner toute xénophobie envers qui que ce soit. Mais on ne peut pas en rester au principe. Ce que les Saint-Quentinois attendent de la gauche, c'est qu'elle soit une force de proposition, c'est qu'elle règle leur problème, pas qu'elle se contente de taper sur la droite locale. Une gauche qui apporterait une solution à laquelle n'aurait pas songer la droite, cette gauche-là serait, à tout point de vue, gagnante.

Nous verrons bien demain ce qu'il en sera. L'opposition sera, si j'ose dire, au pied du mur...


Bonne matinée.