Juncker révolutionnaire.
Dans la salle des profs du lycée Henri-Martin, il y a depuis plusieurs mois un tract anonyme, apposé sur un panneau d'information, qui dénonce les salaires des députés et du président de la République. J'aurai pu arracher ce document dont l'origine et la finalité sont douteuses. Mais j'agis ici comme sur ce blog: pas de censure, y compris envers les messages les plus discutables et les moins courageux. La liberté n'est pas un cake: elle ne se divise pas en tranches. J'ai donc pris mon stylo et ajouté ce commentaire sur le texte anonyme: "Intéressez-vous plutôt aux salaires des patrons".
C'est stupéfiant: autour de moi, quand il est question d'argent et de "grosses payes", la plupart des gens ont en tête les rémunérations des élus et responsables politiques, qui passent pour avoir l'esprit de lucre. Cette réaction, bien sûr irréfléchie, est du même ordre que la contestation des décisions de justice: anti-citoyenne, anti-républicaine. Les représentés devraient respecter leurs représentants et surtout respecter la vérité: les élus, même à un niveau élevé, sont loin d'être les individus les mieux rémunérés dans notre société. De plus, leurs rémunérations sont en général méritées, donc justes.
Pourtant, un débat sur les hauts revenus est nécessaire, et la gauche devrait le susciter. Qui a dit cette semaine que les salaires de certains patrons étaient "proprement scandaleux" et un "fléau social"? Ces expressions sont puissantes... Pas un leader d'extrême gauche, pas un représentant du Parti communiste, mais Jean-Claude Juncker, le président de l'Eurogroupe, qui réunit les ministres des Finances de l'Union européenne. C'est elle, l'Europe, que certains considèrent comme l'un des temples du capitalisme, ce sont eux, ses grands argentiers, qui s'inquiétent des rétributions excessives des chefs d'entreprise!
Ce n'est pas la révolution qu'ils désirent, mais la réforme (dont devraient être capables les réformistes!): non pas "faire payer les riches", mais lutter contre les primes patronales exorbitantes et injustifiées, alors qu'on demande à la population de se serrer la ceinture et que le pouvoir d'achat sur les denrées alimentaires de base se détériore. C'est le thème de la justice sociale, que la gauche devra mettre en avant ces prochaines années si elle a envie à nouveau d'exister et de regagner la sympathie de la population.
Les mesures à prendre sont assez simples: établir d'abord la transparence dans ces rémunérations élevées, imposer ensuite fiscalement les primes de départ qui échappent à l'impôt. Les Pays-Bas s'apprêtent à le faire: les "parachutes dorés" (quelle expression!) vont être taxés à hauteur de 30% lorsque le salaire annuel s'élève à plus de 500000 euros et que la prime dépasse ce montant (oui, ça existe!). En France, même sous Sarkozy, et bien que timidement, les députés ont adopté à l'automne le plafonnement à un million d'euros des avantages fiscaux accordés aux entreprises, déductibles du bénéfice imposable. En Allemagne, le débat est vif, d'autant que le patronat refuse l'instauration d'un salaire minimum.
Je ne sais pas exactement ce que la gauche doit proposer en termes de justice fiscale, c'est au débat programmatique au sein du Parti socialiste que revient cette tâche. Mais ce que je sais et espère, c'est qu'il y ait un renversement culturel qui conduise à ce que notre société s'intéresse plus aux abus en haut de la hiérarchie sociale qu'en bas.
Bonne fin d'après-midi.
C'est stupéfiant: autour de moi, quand il est question d'argent et de "grosses payes", la plupart des gens ont en tête les rémunérations des élus et responsables politiques, qui passent pour avoir l'esprit de lucre. Cette réaction, bien sûr irréfléchie, est du même ordre que la contestation des décisions de justice: anti-citoyenne, anti-républicaine. Les représentés devraient respecter leurs représentants et surtout respecter la vérité: les élus, même à un niveau élevé, sont loin d'être les individus les mieux rémunérés dans notre société. De plus, leurs rémunérations sont en général méritées, donc justes.
Pourtant, un débat sur les hauts revenus est nécessaire, et la gauche devrait le susciter. Qui a dit cette semaine que les salaires de certains patrons étaient "proprement scandaleux" et un "fléau social"? Ces expressions sont puissantes... Pas un leader d'extrême gauche, pas un représentant du Parti communiste, mais Jean-Claude Juncker, le président de l'Eurogroupe, qui réunit les ministres des Finances de l'Union européenne. C'est elle, l'Europe, que certains considèrent comme l'un des temples du capitalisme, ce sont eux, ses grands argentiers, qui s'inquiétent des rétributions excessives des chefs d'entreprise!
Ce n'est pas la révolution qu'ils désirent, mais la réforme (dont devraient être capables les réformistes!): non pas "faire payer les riches", mais lutter contre les primes patronales exorbitantes et injustifiées, alors qu'on demande à la population de se serrer la ceinture et que le pouvoir d'achat sur les denrées alimentaires de base se détériore. C'est le thème de la justice sociale, que la gauche devra mettre en avant ces prochaines années si elle a envie à nouveau d'exister et de regagner la sympathie de la population.
Les mesures à prendre sont assez simples: établir d'abord la transparence dans ces rémunérations élevées, imposer ensuite fiscalement les primes de départ qui échappent à l'impôt. Les Pays-Bas s'apprêtent à le faire: les "parachutes dorés" (quelle expression!) vont être taxés à hauteur de 30% lorsque le salaire annuel s'élève à plus de 500000 euros et que la prime dépasse ce montant (oui, ça existe!). En France, même sous Sarkozy, et bien que timidement, les députés ont adopté à l'automne le plafonnement à un million d'euros des avantages fiscaux accordés aux entreprises, déductibles du bénéfice imposable. En Allemagne, le débat est vif, d'autant que le patronat refuse l'instauration d'un salaire minimum.
Je ne sais pas exactement ce que la gauche doit proposer en termes de justice fiscale, c'est au débat programmatique au sein du Parti socialiste que revient cette tâche. Mais ce que je sais et espère, c'est qu'il y ait un renversement culturel qui conduise à ce que notre société s'intéresse plus aux abus en haut de la hiérarchie sociale qu'en bas.
Bonne fin d'après-midi.
2 Comments:
Bonsoir,
Je sais, je suis plutôt une personne qui, quand elle va lire quelque chose qui la choque, ou plutôt, l'interpelle, va rester sur ça, et aura beau lire la suite du texte, ce sera toujours ce premier élément qui restera dans sa tête.
Et ce fut le cas avec ce que vous avez rédiger.
En effet, vous critiquez le fait de critiquer les salaires des députés, .. et de ne pas regarder le salaire des grands patrons.
Personnellement, je regarde les deux. ^^
D'une part, quand on voit que les députés ce sont votés une loi pour toucher, lors de leur départ, et ceci à vie, un pourcentage assez conséquent de leur "rente de député" (je ne sais pas comment appeler cela), et d'après mes souvenirs, cela représente à peu près le salaire d'un Français moyen, je trouve cela vraiment un peu beaucoup du foutage de tête pour rester polie.
En effet, oser voter cette loi, alors que souvent les députés, après leur mandat, trouvent un travail qui paye convenablement, qui leur permet de vivre beaucoup mieux que la majorité des Français, et qu'en plus ils vont avoir une rente à vie..euh...il n'y a pas un peu d'abus là par hasard ?
Surtout qu'en étant pas réélu, je ne vois pas pourquoi ils devraient encore toucher un revenu pour une activités qu'ils ne pratiquent plus. Personnellement, je trouve cela incompréhensible.
Pareil pour l'augmentation en début de mandat du salaire de M. le Président, car son salaire était moins élevé que celui de son premier ministre, si mes souvenirs, encore une fois, sont exacts. Plutôt que de s'augmenter, pourquoi ne pas diminuer le salaire de son premier ministre ? Enfin...
D'autre part, les patrons. Enfin, les grands patrons, car personnellement je ne classe pas les patrons de PME dans le même panier que les patrons de FTN : on ne mélange pas les torchons et les serviettes...
D'accord pour qu'ils touchent un salaire un minimum conséquent, surtout s'ils ont monté eux-mêmes leur entreprise, qu'ils y ont travaillé très dur et qu'ils ont réussi à la développer extrêmement bien. Mais après, lorsque un patron récupère une entreprise seulement car Papa part à la retraite et qu'il veut garder l'entreprise dans la famille.. Nan, pas d'accord. Tout travail mérite salaire ? Mais où est le travail dans ce cas-là ? Je ne le vois pas, je ne vois donc pas où le patron devrait mériter un salaire plus élevé que l'employé qui trime dans son usine, qui lui fournit un réel travail, et qui a du mal à boucler ses fins de mois.
Bien entendu, quand je parle d'un salaire plus important... Pas besoin de gagner des milles et des cents pour bien vivre...
Pourquoi ne pas, lorsque les profits sont plus important un mois, même, un seul mois durant toute l'année, offrir une prime supplémentaire à ses salariés ? Quel salarié ne serait pas heureux de recevoir un mois 50 ou 100 euros de plus sur sa fiche de paie ?
Mais là aussi se pose un problème, et la plupart des gens sont comme ça, ne savent pas se contenter des choses : on va leur donner un doigt, ils vont vouloir toute la main, voire le bras...
Une de vos élèves, qui, d'ailleurs, pense que vous devriez faire grève jeudi, nous vous comprendrions ! =D
By Anonyme, at 11:04 PM
Bonjour.
Sur la grève, je me suis expliqué en classe: j'ai fait grève jeudi, il y a eu plusieurs jours fériés, nous sommes à moins d'un mois du bac. Bref, il faut bosser, et si je m'absentais, ce ne serait pas sérieux. Avec les TES2, il y a eu 15 jours sans cours. Tu comprendras que je ne prolonge pas cela.
Sur les patrons, ce que tu écris mérite d'être réfléchi. Sur les élus, non (je veux dire que je ne suis pas d'accord). Voix-tu autour de toi beaucoup de gens qui ont envie, sincérement, d'être élus? Non. Pourquoi? Parce que c'est un boulot de chien! Donc les élus du peuple doivent être bien payés. Sinon personne ne les respectera. C'est malheureux mais c'est comme ça.
By Emmanuel Mousset, at 2:08 PM
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