Le pataquès des 35 h.
Bonjour à toutes et à tous.
Il y a 10 ans hier, nous fêtions la première loi sur les 35 heures, une grande loi, une belle idée, à défendre coûte que coûte, à généraliser quand c'est possible, souhaitable et désiré. Car on oublie que toute la France n'est pas aux 35 heures! Depuis 10 ans, la droite et le patronat dénoncent violemment les 35h. Normal: ils ont rarement été favorables à la réduction du temps de travail. C'est chez eux une question de culture, d'épiderme et d'intérêts. Etrange tout de même, cette histoire des 35h: je ne connais pas de lois qui aient suscité, sur une telle durée, une telle polémique.
J'ai parfois l'impression que dans 10 ans, on en parlera encore et que la droite nous servira toujours sa rengaine: "la faute aux 35h!" C'est la preuve que la gauche a visé juste, que Jospin a eu raison, que les socialistes ne doivent pas reculer dans cette affaire, même si les 35h sont plus derrière que devant nous, même s'il faut sortir de la polémique artificiellement entretenue par la droite. Car celle-ci a perdu la bataille des 35h, et pour nous le cacher et se le cacher, elle cultive une hostilité de posture qui ne débouche sur aucune décision conséquente. L'incroyable pataquès de ces dernières heures et derniers jours le démontre amplement. Récit des évènements autour d'un anniversaire qui rend fébrile la droite:
- Le 6 mai, François Fillon demande "la libération du travail", sans doute inspiré par un autre anniversaire, celui de Mai 68. Mais l'imitation est de pure forme. Ce que veut le Premier ministre, c'est "sortir définitivement [la France] du carcan des 35 heures". Un carcan, mais pour qui? Et en quoi une loi serait-elle un carcan? Si nous revenions aux 39 heures, en quoi cette durée cesserait-elle d'être un carcan?
- Le 16 mai, à Melun, Nicolas Sarkozy surenchérit sur ce thème, le "carcan" devenant carrément une "catastrophe":
"C'est quand même une affaire extraordinaire que ces 35 heures. Il n'y a plus d'augmentation de salaires, plus de discussion sur les salaires, donc socialement, c'est une catastrophe, et économiquement il n'y a pas un pays qui nous a imités."
- Hier, Patrick Devedjian, chef de l'UMP, porte le coup final et fatal, dans la suite logique des déclarations précédentes. Il demande le démantèlement des 35 heures, la suppression de la durée légale du travail et la négociation au niveau de l'entreprise. Ca se tient, c'est cohérent. L'histoire s'arrête là? Non, elle commence là, et la suite est à n'y plus rien comprendre.
- C'est le sous-chef de l'UMP qui cette fois-ci intervient, Xavier Bertrand, qui plus est ministre du Travail, pour déclarer ceci, proprement renversant, quelques heures après Devedjian:
"Il nous faut sortir du carcan des 35 heures imposées partout et pour tous, mais il faut garder une durée légale du travail à 35 heures..."
Génial! Bertrand ose tout, pourquoi pas ça, sortir d'un "carcan" tout en y restant! L'anti-idéologue du gouvernement est un hyper-pratique: il est à la fois pour et contre les 35 heures. Voilà un homme aimable qui va plaire à beaucoup de monde, les pour et les contre, à moins qu'à force de contorsions, il ne finisse par déplaire à tous.
Et n'allez pas me dire qu'il y aurait dans sa déclaration une subtilité qui m'échapperait, une nuance qui la rendrait intelligible: la durée légale du travail est nécessairement, comme toute loi, une contrainte, et à mes yeux une heureuse contrainte. On ne peut pas vouloir son maintien et en même temps suggérer d'en "sortir". Les heures supplémentaires fiscalement encouragées n'y changent strictement rien; ce n'est pas leur augmentation qui fait "sortir" des 35 heures. Tout au plus permettent-elles de les contourner, provisoirement et ponctuellement.
Comment croyez-vous que Nicolas Sarkozy a réagi? En soutenant Devedjian qui veut mettre fin à la "catastrophe" des 35 h? Eh non, mais en soutenant Bertrand qui veut garder cette "catastrophe". Le ministre du Travail a "bien parlé, comme toujours", a ajouté le président. Un compliment qui vaut une médaille. Et pendant ce temps-là, le pataquès continue.
Bonne journée.
Il y a 10 ans hier, nous fêtions la première loi sur les 35 heures, une grande loi, une belle idée, à défendre coûte que coûte, à généraliser quand c'est possible, souhaitable et désiré. Car on oublie que toute la France n'est pas aux 35 heures! Depuis 10 ans, la droite et le patronat dénoncent violemment les 35h. Normal: ils ont rarement été favorables à la réduction du temps de travail. C'est chez eux une question de culture, d'épiderme et d'intérêts. Etrange tout de même, cette histoire des 35h: je ne connais pas de lois qui aient suscité, sur une telle durée, une telle polémique.
J'ai parfois l'impression que dans 10 ans, on en parlera encore et que la droite nous servira toujours sa rengaine: "la faute aux 35h!" C'est la preuve que la gauche a visé juste, que Jospin a eu raison, que les socialistes ne doivent pas reculer dans cette affaire, même si les 35h sont plus derrière que devant nous, même s'il faut sortir de la polémique artificiellement entretenue par la droite. Car celle-ci a perdu la bataille des 35h, et pour nous le cacher et se le cacher, elle cultive une hostilité de posture qui ne débouche sur aucune décision conséquente. L'incroyable pataquès de ces dernières heures et derniers jours le démontre amplement. Récit des évènements autour d'un anniversaire qui rend fébrile la droite:
- Le 6 mai, François Fillon demande "la libération du travail", sans doute inspiré par un autre anniversaire, celui de Mai 68. Mais l'imitation est de pure forme. Ce que veut le Premier ministre, c'est "sortir définitivement [la France] du carcan des 35 heures". Un carcan, mais pour qui? Et en quoi une loi serait-elle un carcan? Si nous revenions aux 39 heures, en quoi cette durée cesserait-elle d'être un carcan?
- Le 16 mai, à Melun, Nicolas Sarkozy surenchérit sur ce thème, le "carcan" devenant carrément une "catastrophe":
"C'est quand même une affaire extraordinaire que ces 35 heures. Il n'y a plus d'augmentation de salaires, plus de discussion sur les salaires, donc socialement, c'est une catastrophe, et économiquement il n'y a pas un pays qui nous a imités."
- Hier, Patrick Devedjian, chef de l'UMP, porte le coup final et fatal, dans la suite logique des déclarations précédentes. Il demande le démantèlement des 35 heures, la suppression de la durée légale du travail et la négociation au niveau de l'entreprise. Ca se tient, c'est cohérent. L'histoire s'arrête là? Non, elle commence là, et la suite est à n'y plus rien comprendre.
- C'est le sous-chef de l'UMP qui cette fois-ci intervient, Xavier Bertrand, qui plus est ministre du Travail, pour déclarer ceci, proprement renversant, quelques heures après Devedjian:
"Il nous faut sortir du carcan des 35 heures imposées partout et pour tous, mais il faut garder une durée légale du travail à 35 heures..."
Génial! Bertrand ose tout, pourquoi pas ça, sortir d'un "carcan" tout en y restant! L'anti-idéologue du gouvernement est un hyper-pratique: il est à la fois pour et contre les 35 heures. Voilà un homme aimable qui va plaire à beaucoup de monde, les pour et les contre, à moins qu'à force de contorsions, il ne finisse par déplaire à tous.
Et n'allez pas me dire qu'il y aurait dans sa déclaration une subtilité qui m'échapperait, une nuance qui la rendrait intelligible: la durée légale du travail est nécessairement, comme toute loi, une contrainte, et à mes yeux une heureuse contrainte. On ne peut pas vouloir son maintien et en même temps suggérer d'en "sortir". Les heures supplémentaires fiscalement encouragées n'y changent strictement rien; ce n'est pas leur augmentation qui fait "sortir" des 35 heures. Tout au plus permettent-elles de les contourner, provisoirement et ponctuellement.
Comment croyez-vous que Nicolas Sarkozy a réagi? En soutenant Devedjian qui veut mettre fin à la "catastrophe" des 35 h? Eh non, mais en soutenant Bertrand qui veut garder cette "catastrophe". Le ministre du Travail a "bien parlé, comme toujours", a ajouté le président. Un compliment qui vaut une médaille. Et pendant ce temps-là, le pataquès continue.
Bonne journée.
4 Comments:
Et si on obligeait la fonction publique et notamment les profs à travailler 35 heures ???
By Raoul !, at 2:44 PM
à croire que tout cela aurait été fait pour occuper les socialistes
si c'est le cas
ça aura drolement bien fonctionné.
By grandourscharmant, at 4:24 PM
encore que c'est vrai que personne à gauche n'est vraiment monté aux créneaux
la guerre de succession semble occuper pas mal le ps
la situation des français passant bien apres.
By grandourscharmant, at 6:07 PM
A Raoul:
Je suis d'accord avec vous, il faut que les profs travaillent 35 heures, parce que pour le moment ils travaillent en moyenne beaucoup plus. Vous avez raison, la réduction du temps de travail devrait aussi s'appliquer aux enseignants.
By Emmanuel Mousset, at 6:14 PM
Enregistrer un commentaire
<< Home