L'Aisne avec DSK

26 mai 2008

Persiste et signe.

Bonjour à toutes et à tous.

Ayant affirmé, avant et après Bertrand Delanoë, mon libéralisme, un lecteur, dans un commentaire d'hier, en conclut que je ne suis plus "un homme de gauche". Voilà bien le problème: une certaine gauche, y compris dans les marges du PS, a fait de l'antilibéralisme son cheval de bataille et rejette à droite tous ceux qui n'adhèrent pas à cette perspective.

Pourtant, qu'est-ce que le libéralisme? L'addition de trois éléments:

1- Politiquement, c'est la démocratie parlementaire.
2- Culturellement, ce sont les droits de l'homme.
3- Economiquement, c'est le marché.

L'extrême droite en est complétement éloignée, puisqu'elle conteste les deux premiers points. La droite classique insiste surtout sur le troisième point. Seule la gauche réformiste, social-démocrate, assument intégralement ces trois dimensions du libéralisme. Elle seule est authentiquement libérale. Dans cette perspective, être pleinement de gauche, c'est être pleinement libéral, je persiste et je signe. Et c'est ce qu'a voulu dire aussi Delanoë.

La tragédie de la gauche, historiquement, c'est quoi? Le communisme, c'est-à-dire le rejet absolu du libéralisme. Contre la démocratie parlementaire, qualifiée de "bourgeoisie", le communisme a instauré la dictature du prolétariat. Contre les droits de l'homme, le communisme a restreint, suspendu ou annulé les libertés élémentaires. Contre le marché, le communisme a établi le collectivisme, l'économie administrée, l'étatisme et la bureaucratie.

Tout cela, c'est du passé? Non, en politique, le passé est toujours vivant, toujours présent, sauf chez les amnésiques. Le communisme existe encore réellement dans quelques pays, et non des moindres. Surtout, il se développe en France une tentation néocommuniste, avec la montée de l'extrême gauche et l'influence qu'elle exerce sur les marges du PS. Des intellectuels aussi sont séduits. Aveuglés par leur antilibéralisme, ils ne voient d'issue que dans la restauration d'un communisme rénové. Un seul exemple, dont je vous ai déjà parlé sur ce blog, le philosophe français Alain Badiou. Lui aussi persiste et signe, dans "Philosophie Magazine" de ce mois: il a été, il est et restera... maoïste. Ecoutez-le:

"La révolution culturelle chinoise a représenté l'ultime tentative, soldée par un échec, de remettre en mouvement l'idée communiste (ou l'idée de l'émancipation égalitaire) de l'intérieur de l'Etat socialiste. Mao [...] est très tôt parvenu à la conviction que le parti doit être surveillé et rectifié par des organisations populaires indépendantes. D'où la nécessité de recourir à des forces extérieurs: la jeunesse étudiante à partir de 1965, une fraction des ouvriers à partir de 1967, des secteurs de l'armée populaire... De l'étendue, de la liberté extraordinaire, de la violence, aussi, de ces mouvements, nous possédons des documents. Leur caractère révolutionnaire ne fait pas de doute." ("Philosophie Magazine" n°19, page 58)

Ce passage est extraordinaire. Un grand intellectuel français, très prisé par le lectorat d'extrême gauche et radical, peut faire en 2008 l'éloge d'une monstruosité politique, la révolution culturelle chinoise, en réalité anti-culturelle (la culture était détruite et les intellectuels humiliés) et anti-révolutionnaire (tous les historiens expliquent aujourd'hui que c'était une lutte sanglante pour le pouvoir entre factions rivales). Vous comprenez sans doute mieux pourquoi il est urgent, pour un socialiste, de se proclamer libéral, de le crier haut et fort.


Bon après-midi.

10 Comments:

  • Llibéralisme tue chaque jour des milliers de personnes dans le monde, ne laisse aucune chance aux plus faibles,provoque des guerres etc... ca ne devrait pas te laisser insensible, toi qui te revendique de gauche.

    By Anonymous Anonyme, at 2:35 PM  

  • La faim dans le monde, l'écrasement des faibles, la guerre, non, je ne vois pas le rapport avec le libéralisme.

    1- Les guerres sont provoquées par le nationalisme, le tribalisme, le militarisme, pas par le libéralisme, qui a besoin de la paix pour commercer tranquillement.

    2- La faim dans le monde est la conséquence du sous-développement économique. Famine, pauvreté existaient alors même que le libéralisme n'existait pas encore. D'autre part, le libéralisme, en mondialisant les échanges, ne peut que sortir ces pays de la misère, développer leurs capacités de production.

    3- L'écrasement des faibles est causé par la dictature, la tyrannie, le totalitarisme, l'esclavagisme et tous les systèmes d'exploitation, dont le libéralisme tel que je l'ai défini ne fait pas partie.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 5:42 PM  

  • donc les exclus qu-on retrouve également dans notre pays riche ne doivent pas en vouloir au libéralisme, tu as raison emmanuel, ils n'ont qu'à chercher du boulot, tu es vraiment passé à droite.

    By Anonymous Anonyme, at 7:19 PM  

  • anarchiste de droite
    c'est comme ça que se définissait Michel Audiard

    By Blogger grandourscharmant, at 8:52 PM  

  • A l'anonyme:

    Ce n'est pas le libéralisme qui exclut, c'est la politique de classe menée par la droite (et donc par l'Etat qu'elle dirige, pas le marché, qu'elle ne contrôle pas).

    L'exclusion est causée aussi par le vieillissement de notre appareil de production, que le patronat n'a pas su moderniser et rendre concurrentiel. Il y a toute une tradition protectionniste, étatiste et antilibérale dans le patronat français.

    Bref, politique de droite et patronat archaïque, voilà les responsables, directs ou indirects, de l'exclusion. Mais le marché, c'est-à-dire le libéralisme, n'y est pour rien.

    Il y a des épouvantails à moineaux. Eh bien, le libéralisme est un épouvantail à gogos, agité par l'extrême gauche antilibérale.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 11:23 PM  

  • A l'ours:

    Je vous conseille le "Que Sais-Je" sur l'anarchisme de droite, un courant méconnu parce que non organisé de la vie politique française.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 11:25 PM  

  • Léon Bloy, Édouard Drumont, Barbey d'Aurevilly, Paul Léautaud, Louis Pauwels, Louis-Ferdinand Céline, Lucien Rebatet, Jacques Perret, Roger Nimier, Marcel Aymé, Michel-Georges Micberth, Michel Audiard, Jean Yanne

    vous avez quelque chose à me demander pour etre aussi flatteur et me trouver une telle proximité ?
    et puis vous auriez pu citer l'auteur du que sais je François Richard

    Vous etes en train de me traiter d'intellectuel là quand meme.
    autant sur la défense de l'intégrité intelectuelle et le refus du conformisme intelectuel
    je ne peux pas etre totalement en désaccord avec vous.

    mais avez vous vraiment l'impression que je refuse d'adhérer à une société s'appuyant sur la démocratie parlementaire et avez vous vraiment l'impression que je sois contre l'autorité ?

    et comment expliquer mon ralliement sarkozyste ?
    par le fait qu'il serait lui aussi un anarchiste de droite ?

    By Blogger grandourscharmant, at 5:07 PM  

  • Ajoutez à votre liste Jean Gabin dans sa dernière période.

    Vous êtes peut-être sarkozyste par provocation, par légèreté, pour emmerder la gauche, peut-être même pour emmerder sarkozy. Un anarchiste de droite est capable de ces choses-là.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 10:58 PM  

  • la solution la plus simple est toujours la meilleure,
    l'adhésion, le soutien.

    Le fait qu'il vous pourrisse la vie, ce n'est que la cerise sur le gateau.

    Et le vrai probleme ce n'est pas ce que lui fait mais la façon dont vous le prenez,
    car ce que vous refusez c'est la modernité et la vérité.

    vous n'avez pas encore brisé le rideau de fer que vous avez dans la tete,
    les plus graves prisons sont celles dans lesquelles on s'enferme.

    By Blogger grandourscharmant, at 12:51 AM  

  • Où allez-vous chercher tout ça? J'ai beaucoup de choses dans ma tête, mais pas de rideau de fer!

    Je refuse la vérité et la modernité? Ne dites pas ça à un libéral comme moi!

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 1:07 PM  

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