Spiritus ubi vult spirat.

J'ai projeté lundi, au Ciné-Philo, un admirable film du russe Pavel Lounguine, L'Ile, suivi d'un débat sur la spiritualité, en présence de l'abbé Michel de Hédouville, prêtre à la basilique de Saint-Quentin, et le pasteur Olivier Pincemin, représentant de l'église baptiste. Certains me reprochent parfois d'inviter des autorités ecclésiales ou d'aborder des thèmes religieux. Ils n'ont rien compris à la laïcité! Celle-ci n'est pas hostile par principe aux religions. Elle exige seulement que les églises n'exercent aucune influence dans les structures de la République, qui doivent demeurer indépendantes.

Mais la spiritualité est un sujet passionnant, peut-être même indispensable à l'être humain. D'autant qu'elle ne se réduit pas à la religion: de grands mystiques ont mis en cause leur église, qui n'a pas hésité dans certains cas à les condamner. Une foi extrême peut conduire à l'anticléricalisme plus sûrement qu'une démarche rationnelle et républicaine! Par spiritualité, j'entends, au sens étymologique, une activité particulière de l'esprit humain, dont je pense qu'elle est universelle, parce qu'on la retrouve dans toutes les grandes traditions occidentales et orientales. La franc-maçonnerie est une spiritualité laïque, le bouddhisme est une spiritualité sans dieu.

Lounguine nous raconte une histoire avant tout humaine, quasiment humaniste: un homme qui en a tué un autre se fait moine pour tenter d'expier sa faute. Il devient une sorte de saint que les autres moines prennent pour un fou, tellement ses comportements sont extravagants. Nous sommes dans l'univers du christianisme orthodoxe, dont je vous avais dit, cet été, combien il m'intéressait, même si ma préférence va au bouddhisme. Il y a quelque chose d'humain, de concret, de sensuel, de libre dans la religion orthodoxe que je ne retrouve pas dans les abstractions et les hiérarchies du catholicisme. Le moine en question me fait penser à ses maîtres zen dont les paroles et les gestes ont pour but de déconcerter, afin de conduire à la spiritualité. L'objectif de ces bizarreries est de rompre les habitudes du corps pour faire entrer dans la vie de l'esprit, pour rechercher l'être profond, que les bouddhistes appellent la vacuité ou le nirvana, que les chrétiens appellent Dieu.

Je ne vous dévoile pas la fin, c'est très beau, comme tout le film.


Bon après-midi spirituel.