L'Aisne avec DSK

11 août 2008

Ca va, ça va pas.

Qu'est-ce qui va, qu'est-ce qui ne va pas à Saint-Quentin? Si l'opposition veut se reconstruire, il faut bien qu'elle se pose cette question-là, afin de jouer son rôle de vigie, de censure et de propositions. L'opposition ne deviendra pas crédible à partir d'elle-même et de ses obsessions (remunicipaliser, baisser les tarifs de l'eau et instaurer la gratuité pour le parking de l'hôpital) mais en partant des critiques, des remarques, des besoins de la population. Mais comment faire?

On peut discuter avec les uns et les autres, prendre en quelque sorte le poul de l'opinion. C'est bien, il faut le faire, mais l'exercice a ses limites. Si tous les gens qui critiquent devant moi la municipalité avaient voté contre, Pierre André n'aurait jamais été élu à 60%! C'était encore plus impressionnant en 2001: la droite locale repassait avec 75% des voix, il était pourtant difficile à mes camarades et à moi de rencontrer des électeurs de Pierre André! Il faut donc par principe se méfier des reproches qui sont faits à la municipalité. Tout dépend en direction de qui ils sont prononcés (il est fréquent de voir des citoyens se plaindre de la droite devant des personnes de gauche, et de la gauche devant des personnes de droite...).

Et puis, il y a cette tendance très contemporaine à tout critiquer, qui ne signifie nullement un début d'opposition, mais une sorte de plainte naturelle, comme une indispensable respiration. Sans parler de la part mimétique dans l'expression citoyenne, qui fait qu'on dénigre quelque chose parce que d'autres le dénigrent (les 35 h ont, à un certain moment, beaucoup pâti de ce tropisme). Bref, il devient difficile, quand on fait de la politique, de savoir qui pense quoi, qui veut quoi.

Le seul verdict, c'est le vote, l'anticipation est bien difficile. Et pourtant, il n'y a pas de politique, ni surtout de victoire politique, s'en être portée par des revendications dont vous devenez le symbole. D'où la traditionnelle question: que veut le peuple? Et surtout, que ne veut-il plus, tant il est vrai que les avis des citoyens sont plutôt motivés par un rejet que par une adhésion, même si le premier prépare la seconde.

L'opposition saint-quentinoise, au lieu de s'enfermer dans des a priori qui ne sont convaincants que pour elle-même, doit repérer les aspérités, les faiblesses, les limites, les improvisations de la politique municipale. Je ne dis pas que c'est simple, je pense même que c'est difficile, mais c'est le job de l'opposition, sans quoi elle ne sert strictement à rien, sinon à une protestation de décor, un match de boxe dans lequel le maire donne les coups de poings tandis que l'opposition lui envoie des boulettes de papier.

Le Courrier Picard, dans son édition du 6 août, a eu la bonne idée d'aller voir sur le site internet L'Internaute les commentaires sur Saint-Quentin. Sur 48 avis, les plus récents ont été sélectionnés, de janvier à juillet. La méthode vaut ce qu'elle vaut, elle n'a pas de prétention scientifique (quelle méthode en la matière aurait cette prétention?), elle n'est pas exclusive mais elle a le mérite d'exister, ce qui n'est pas rien. Son grand avantage, c'est qu'elle garantit la liberté et la sincérité des avis, qui n'ont pas d'autre souci que celui de s'exprimer. Que ressort-il de leur lecture, selon le journal?

Les bons points se partagent en trois:

1- Le dynamisme de la ville, qui se traduit par le rythme visible des travaux, qui donne le sentiment d'une cité en permanent chantier, une ville qui bouge ( démolitions de vieilles usines, constructions de nouveaux logements). Xavier Bertrand, maire-adjoint à la redynamisation, est l'image même de ce dynamisme, de ces avancées, de cette volonté de faire quelque chose. Qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime pas, que l'on conteste ou non ses orientations politiques, le fait est là. La politique, on peut le regretter mais c'est ainsi, c'est aussi, pas seulement mais aussi une question d'image. Quelle image la gauche saint-quentinoise donne-t-elle d'elle-même? Je crois que la question mériterait d'être posée, non pas à la droite qui répondra sans problème, mais à la gauche, si elle est capable de cet exercice de lucidité.

2- L'animation, les loisirs :les festivités, le multiplexe, on pense aussi à la plage de l'Hôtel de Ville, au village de Noël. La future Base Urbaine de Loisir est le symbole à venir de ce qui est perçu comme une réussite de la politique municipale. Il n'empêche que l'opposition devra s'interroger, comme je l'ai expliqué dans un récent billet, sur le succès réel et la fréquentation chiffrée de cette plage. Ne pas oublier non plus que la BUL ne serait possible sans le soutien important du Conseil général de l'Aisne, côté financement.

3- Le cadre de vie: le patrimoine architectural, les fleurons de l'art déco, la basilique, les sites naturels du parc d'Isle et les jardins des Champs Elysées, tout cela crée un environnement soigné, agréable, respirant la qualité, où il fait bon vivre. La municipalité hérite, de ce point de vue, d'un passé qu'elle n'a pas entièrement façonné, mais qu'elle entretient et adapte avec bonheur.

Les points noirs se regroupent en cinq pôles:

1- Le stationnement payant: eh oui, le revoilà, c'est un classique du genre en matière de protestation, et le fameux parking payant de l'hôpital est cité parmi les mauvais exemples. Mais faut-il, pour l'opposition, surfer sur ce type de critique?

2- Les déjections canines: là aussi, rien de très original, d'autres villes connaissent ce problème. Il n'empêche que le problème est là, question d'hygiène, de propreté et de civisme. Comment y répondre?

3- Le commerce de centre-ville insuffisamment adapté aux besoins des clients (des boutiques fermées à certaines heures). J'ajouterai, en matière de restauration, que je ne sais pas trop où aller manger un morceau, passé 14h00. Résultat: la fuite vers la périphérie.

4- Tristesse, misère, chômage, désoeuvrement d'une partie de la population. C'est sans doute ce qui frappe le plus quand on traverse Saint-Quentin, une population pauvre dans un écrin doré. Question difficile et douloureuse, qui ne ressort pas entièrement de la gestion municipale mais essentiellement de la politique nationale. Pourtant, il faudra bien que Saint-Quentin passe un jour de l'embellissement à l'enrichissement.

5- L'offre culturelle, jugée insuffisante une fois visités les musées Quentin-de-la-Tour et des Papillons, et une absence d'activités une fois passée 20h00.

Il ne s'agit ici, je le répète, que d'un recensement subjectif, nécessairement incomplet, plutôt un recueil d'impressions, de sentiments, mais n'en va-t-il pas toujours ainsi quand on fait de la politique? Les citoyens jugent rarement objectivement, ils s'appuient sur leur vécu, leur ressenti. Tant qu'ils reprocheront mille petites choses à la municipalité, l'alternance ne se fera pas, nous resterons dans la protestation ordinaire, qui prouve simplement qu'on est exigeant et pinailleur avec ses élus, une sorte d'hommage dans la critique, sur le mode du "qui aime bien châtie bien".

Ne nous faisons pas d'illusion: de ce côté-là, l'opposition doit faire le job, accompagner les protestations, surtout leur offrir des solutions, mais ce n'est pas ce qui fera descendre Pierre André de 60% à 49% des voix. Il y faudra aussi autre chose que la simple usure, car même si un glacier aussi puissant soit-il finit toujours par s'user, je crains que l'opposition ne s'use avant lui.

Non, le déclenchement de l'alternance, c'est lorsqu'une grosse erreur, un choix inapproprié, une décision majeure perçue très négativement, une action aux conséquences malheureuses retourneront littéralement l'opinion. Ce qui ne signifie pas, comprenez moi bien, que l'opposition doit se croiser les bras et attendre. Elle doit au contraire, dès maintenant, à tout instant, se préparer à accéder aux responsabilités municipales, c'est-à-dire gagner en sérieux, en crédibilité, en cohérence, en estime aux yeux des Saint-Quentinois. Nous en sommes encore loin, vous le savez, mais rien n'est impossible en politique, du moins pourvu qu'on le veuille.


Bonne fin d'après-midi.