L'Aisne avec DSK

08 août 2008

Fatals "oublis".

J'ai suggéré hier que le drame de l'été de cette année 2008, ce serait probablement la dévastation d'Hautmont au passage de la tornade. C'est incontestablement, pour le moment, le drame le plus spectaculaire, et celui qui entre le mieux en phase avec l'état d'esprit de l'opinion publique, ainsi que je l'ai expliqué dans mon billet. Mais j'aurais pu tout aussi bien citer un autre drame, que cette fois l'opinion a du mal à admettre, un drame qui est plutôt un scandale, à mettre au pluriel, si j'en crois la terrible liste que je soumets à votre réflexion:

Le 5 juillet, Pont-de-Chéruy, en Isère, un pharmacien oublie Yannis, son fils de 2 ans et demi dans sa voiture, toute la journée. L'enfant est retrouvé mort.

Le 10 juillet, à Grenoble, une mère de 21 ans laisse son bébé de 8 mois dans son véhicule, plusieurs heures, pendant qu'elle est en discothèque. L'enfant est découvert et secouru à une heure du matin.

Le 22 juillet, à Saint-Marcel, en Saône-et-Loire, un père oublie sa fille Zoé, 3 ans, dans sa voiture toute la journée. Elle est retrouvée morte.

Le 28 juillet, à Clermont-Ferrand, une mère laisse sa fillette de 2 ans dans sa voiture sur le parking du supermarché où elle fait ses courses. L'enfant est sauvé à temps.

Le 4 août, à Morières-lès-Avignon, dans le Vaucluse, un grand-père laisse son petit-fils, Owen, 2 ans, une heure dans son véhicule en plein soleil, sur le parking de l'Intermarché où il fait ses courses. Des passants viennent à son secours.

Le 5 août, dans le Var et le Haut-Rhin, trois enfants de 3 mois, 3 ans et 6 ans sont extraits de véhicules où ils sont seuls et exposés au soleil.

Le 7 août, à Chatou, dans les Yvelines, un enfant de 2 ans est laissé seul 30 minutes dans le véhicule de son père, resté chez lui, ivre.

Que penser de cette tragique énumération (car nous sommes ici passés du drame à la tragédie)? D'abord raison garder, en nous demandant ce qu'il en était les années précédentes. Mais la sinistre liste ne peut laisser croire complètement à des coïncidences ou à une stupide et irrationnelle loi des séries. Alors quoi?

1- D'abord, nous sommes interloqués, abasourdis: oublier un enfant, c'est impossible. Ses clés, son parapluie, oui, parce que ce sont des objets. Sa voiture à la rigueur, quand on ne sait plus très bien où on l'a garée. Mais un enfant, son enfant, un être humain, qu'on est chargé de protéger, non, c'est invraisemblable, inexplicable. Car l'oubli revient à réduire l'enfant à un objet, pire même puisque l'objet, lui, ne meurt pas, n'a donc pas besoin d'autant de soins.

2- Ce qui est stupéfiant, c'est qu'à aucun moment notre société si soupçonneuse, prompte à voir le mal là où il n'est pas, ne songe à accabler les parents. Parce qu'ils sont comme vous et moi? Le soupçon, comme je l'ai souvent fait remarquer, se porte aujourd'hui volontiers sur les responsables, les élites, les structures, rarement sur les simples individus dans lesquels chacun se reconnait.

3- Et puis, dans un monde qui a fait de l'enfant un roi, le centre de toutes les attentions et de toutes les affections, l'idée qu'on puisse l'abandonner est tellement transgressive, sacrilège, folle qu'on ne songe pas à en faire l'hypothèse. On parle d'ailleurs d'enfants "oubliés", plus rarement d'enfants "abandonnés". L'oubli, presque l'insouciance, offrent une explication à bon compte, qui évite de descendre plus bas dans les dédales de l'âme humaine, comme nous y invitent pourtant ces incroyables faits divers. Autant les pédophiles suscitent la haine, autant les parents oublieux laissent sans voix (et sans cris de haine).

4- Quand on parcourt cette suite d'événements, on ne peut faire l'économie de la théorie du mimétisme. Nous savons que les êtres humains reproduisent entre eux leurs faits et gestes, sans grande originalité, que nous sommes des singes ou des moutons les uns envers les autres. Ce que quelqu'un fait, quelqu'un d'autre se croit autorisé ou encouragé à le faire.

5- Ce qui frappe en examinant chacun de ces faits divers, c'est la banalité des situations. L'irresponsabilité n'est pas provoquée par des conditions exceptionnelles qui expliqueraient en partie le geste. Non, nous somme confrontés à la vie la plus quotidienne, aller au travail, faire ses courses. C'est une circonstance aggravante, c'est aussi un point énigmatique.

6- Puisqu'il faut bien tenter une explication de l'inexplicable, je soulignerai la transformation culturelle que représente, dans les sociétés modernes, le règne de l'enfant-roi. C'est une rupture totale avec les millénaires passés, où l'enfant n'était pas reconnu, peu aimé, souvent maltraité. Ce règne bienheureux de l'enfant-roi, combien l'acceptent vraiment? Autrefois, l'infanticide était généralisé, à la naissance, certes parce que les grossesses étaient nombreuses et les conditions matérielles souvent défavorables.

7- D'autre part, notre société, non sans raisons valables, tient le discours du désir, du plaisir, de l'amour, sans doute préférable à celui de la contrainte, de la souffrance et de la haine. Elle étend ce discours à tout, y compris à l'enfant que nous avons et que nous élevons. Combien d'entre nous pensent alors, faussement, que l'enfant est le pur produit du désir, le pur objet du plaisir et un petit être n'inspirant que l'amour?

En vérité, avoir et éduquer un enfant, excusez cette évidence que beaucoup ont oublié, c'est se soumettre à des devoirs, ce n'est pas toujours réaliser ses désirs, c'est rarement une partie de plaisir, c'est une longue, lourde et difficile charge, c'est connaître la frustration, la déception, les tourments, ce n'est pas nécessairement tout le bonheur qu'on nous promet.

Combien d'hommes ont des enfants parce que leur femme est tombée enceinte, sans qu'eux aient vraiment ce désir d'enfant? Combien de femmes mettent au monde des enfants parce que la société, malgré les progrès du féminisme, leur laisse entendre que la femme est faite pour ça, pour enfanter, alors que certaines n'en ont sûrement pas envie? Regardez cette mode des stars au ventre rond, parce qu'elles "veulent" un enfant. Craignons que chez certains, femmes ou hommes, le petit ne soit l'équivalent de l'animal pour l'enfant: un jouet vivant qui amuse un certain temps puis qu'on abandonne inconsciemment.


Bon après-midi.

16 Comments:

  • hélas l'enfant n'est pas toujours un roi.
    C'est un paramètre, une variable d'ajustement parfois une source de revenu.
    C'est une fin en soi.
    Un horizon alternatif à l'absence de projet professionel.
    Alors que, si on "l'exploite" correctement c'est une ressource durable et inépuisable de bonheur, ce n'est parfois résumé qu'a une ressource ou une manne financière tout simplement.
    On peut blâmer les jeunes couples ou simplement les jeunes mères amis c'est un système social trop imarfait qu'il faut blâmer pour cette marchandisation.
    L'enfant doit être l'essentielle motivation de notre action politique. Nous devons transformer aujourd'hui ce qui doit l'être pour nous aujourd'hui et permettre la transition vers ce qui sera pour lui demain.

    By Anonymous Anonyme, at 11:30 PM  

  • Lire
    On peut blâmer les jeunes couples ou simplement les jeunes mères mais c'est un système social trop imparfait qu'il faut blâmer pour cette marchandisation.

    By Anonymous Anonyme, at 11:31 PM  

  • Dans certains pays il existe la journée des enfants.
    Une fête symbolique qui indique qu'ils sont notre avenir et que nous sommes leur passé.
    Ne laissons pas les dettes à nos enfants.

    By Anonymous Anonyme, at 11:36 PM  

  • Merci pour votre réflexion, avec laquelle je peux m'accorder. Avec cependant une réserve, qui est plutôt une question: une société qui prend l'enfant comme valeur, modèle, finalité ne devient-elle pas infantile? L'avenir, fort bien, mais ce qui compte, n'est-ce pas le présent, incarné par l'adulte?

    Autre interrogation, celle de la responsabilité: vous la reportez sur le "système", vous semblez excuser, déresponsabiliser les individus (mères, couples,etc). Est-ce bien?

    Sinon, d'accord avec vous pour la fête des enfants, le problème crucial de la dette (au deux sens du terme).

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 9:35 AM  

  • On parle des SDF en hiver, parce que c'est la saison où ils meurent le plus... mais ils existent aussi en été !
    De même, on parle des "enfants oubliés" en été... Mais combien d'enfants, provisoirement "oubliés" dans les voitures, au printemps, en automne ou en hiver, et qui "s'en sortent" dans l'indifférence générale ?

    Les enfants-rois sont élevés comme des futurs irresponsables. Mais leurs parents le sont déjà !

    En d'autres termes, je crois que l'irresponsabilité est le trait d'union entre le laxisme éducatif (qui produit des enfants-rois) et l'abandon (qui produit des anfants morts).

    By Anonymous Anonyme, at 11:06 AM  

  • D'accord avec Thierry sur cet apparent paradoxe d'une société qui "divinise" ses enfants et parfois les "oublie" tragiquement.

    Mais je ne voudrais pas non plus noicir le tableau. Globalement, il me semble que les enfants d'aujourd'hui sont mieux aimés et mieux protégés que ceux d'autrefois.

    Surtout, coment remédier à "l'irresponsabilité" que dénonce avec moi Thierry? Rôle des parents, de l'école? Ce qui me parait fou, c'est qu'aujourd'hui, à la différence d'autrefois, quand on ne veut pas avoir d'enfant, on sait comment faire, on a les moyens!

    Peut-être faudrait-il expliquer qu'une vie sans enfants peut être merveilleuse et qu'une vie avec enfants peut être infernale. Et surtout insister sur la responsabilité de chacun, quelle que soit la voie qu'on choisit.

    Soyons les régicides de la société de l'enfant-roi!

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 12:29 PM  

  • il n'y a que les simples d'esprit qui croient que la société divinise ses enfants.

    Chaque jour démontre un peu plus qu'elle n'a de cesse de les abandonner.

    Mais comme le bruit médiatique explique le contaire il ne peut pas etre autrement.

    Vouloir que les enfants soient responsables quand les adultes ne le sont, c'est une trahison des enfants, pas une divinisation.

    By Blogger grandourscharmant, at 1:18 PM  

  • Simple d'esprit, je vous conseille de l'être tellement vos propos sont alambiqués. Je me demande même si vous les comprenez!

    L'enfant n'est peut-être pas dieu comme dans le lamaïsme, mais il est incontestablement roi dans nos sociétés modernes.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 2:47 PM  

  • regardez les prénoms qui peuvent leur etre donné rien qu'aujourd'hui dans le journal.

    c'est un exemple flagrant qu'ils ne sont pas des dieux.

    Mais forcément le monde de l'enfance, vous ne connaissez pas.
    Ce qui ne vous empeche pas d'en parler et mal, tres mal.

    combien est dépensé pour la jouissance des parents ?
    combien est dépensé pour les besoins des enfants ?

    Les enfants n'existent aujourd'hui que s'ils sont des consommateurs comme les autres.
    Sinon, ils n'ont pas d'intérets.

    By Blogger grandourscharmant, at 3:47 PM  

  • Le monde de l'enfance, c'est bien la seule chose que tout le monde connait, puisque tout le monde y est passé.

    Et si vous croyez que l'état de parent prédispose à la connaissance de l'enfant, vous vous trompez complètement (ce qui devient chez vous une seconde nature): c'est le contraire qui est vrai. Pour connaitre, il faut de la distance, pas la fusion qu'est la parentalité.

    Quant aux prénoms des enfants, votre remarque est bonne mais la conclusion est mauvaise (mais il ne faut pas que je sois trop exigeant avec vous...): il est vrai que Cindy, Tom ou Bryan ne sont pas Zeus, Jupiter ou Dionysos, mais ce sont tout de même des demi-dieux, les héros de la mythologie américaine de notre société post-catholique.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 6:05 PM  

  • Vous n'avez pas du bien lire le journal
    Ct Eudes, Agathe, Paul, Noé, Mathéo,
    Amélie, Malika, Eléa et Mia, les prénoms du jour.

    Sinon, je vais vous surprendre mais entre ce qu'a pu etre votre enfance et ce que peut etre l'enfance d'un gamin d'aujourd'hui.
    Il faut bien que vous compreniez que si vous avez sacralisé cette époque, pour vous meme, le monde lui a continué de tourner.
    Je sais c'est un choc terrible, mais passé la stupeur apres avoir fait un tour de bocal vous aurez tout oublié.

    Sinon la fusion, c'est au début du processus, apres il y a différenciation.


    Et pour finir comment me tromper peut etre ma nature secondaire puisque que vous m'avez expliqué que c'était déjà ma nature premiere.
    Si vous n'etes pas d'accord avec vous meme.
    Le jour où vous serez mature, vous découvrirez que tout le monde se trompe, mais qu'il ne suffit pas de l'affirmer, il faut pouvoir le démontrer.

    Mais pour cela, il faudrait évidement que vous sortiez de l'enfance.

    Et comme le garnement insolent que vous etes, vous croyez tout savoir,
    alors que vous ne comprenez rien à rien, meme quand on vous explique.

    Des qu'un raisonnement est un tant soit peu élaboré , vous, vous perdez en route.
    Ramenez tout à moi et à ma bouilli de chat, il ne vous reste que le dénigrement pour essayer de vous donner un peu de contenances.

    By Blogger grandourscharmant, at 7:40 PM  

  • Je ne vous parle pas des prénoms dans la presse du jour mais des prénoms américains couramment choisis par les parents d'aujourd'hui. Qui a parlé de quelqu'un qui ne comprenait "rien à rien"?

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 10:01 AM  

  • Autant pour Cindy qui est une création du XXe siecle, je ne peux pas vous donner tort.

    Mais pour Tom, qui est un diminutif de Thomas

    Mais Bryan qui est une variante orthographique de brian
    qui est le résultat d'avoir accoler 2 adjectifs vieux bretons bri et uual

    Vous auriez bien eu besoin de St Briac qui est mort en 555,
    On l'invoquait pour combattre l'épilepsie, la rage, voire la folie.

    Ne propagez pas les fausses rumeurs issus de vos fantasmes, vos peurs et votre ignorance.

    Quand vous aurez intégré cette donnée, peut etre pourrons nous passer à un stade supérieur,
    mais nous n'en prenons pas la voie.

    By Blogger grandourscharmant, at 11:35 AM  

  • Si vous pensez que Tom et Bryan sont des prénoms usuels français, c'est que nous ne vivons pas dans la même société. Pierre, Paul, Jacques, oui, mais Tom et Bryan, pour tout le monde sauf pour vous, c'est américain.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 11:50 AM  

  • à une époque pour la majorité la terre était plate,

    je ne doute pas que vous auriez fait un bon inquisiteur de l'ordre moral et de la pensée unique.

    Si la majorité se trompe faut il la suivre.
    Mais c'est vrai que vous préferez avoir tort seul ou avec les autres, plutot que d'avoir raison.

    Que l'ignorance triomphe, elle peut vous compter parmi ses soldats.

    By Blogger grandourscharmant, at 1:51 PM  

  • Depuis quelque temps, vous faites dans l'accusation gratuite. Continuez, ça ne coûte pas cher. Mais ça ne vous rapporte rien...

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 3:26 PM  

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