Mal au coeur.

Bonjour à toutes et à tous.

Jean-Luc Mélenchon a encore fait des siennes hier soir sur Canal-Plus! Il y a deux mois, il s'attaquait au dalaï lama, maintenant c'est Soljenitsyne qu'il condamne. Méluche est devenu le bad boy de notre aile gauche. Et visiblement il aime ça, la posture de celui-qui-ne-pense-pas-comme-tout-le-monde-et-comme-les-médias. Les médias bien sûr raffolent de ce genre de personnage, véritable faire-valoir du système médiatique. Mélenchon, c'est une marionnette des Guignols grandeur nature et vivante. S'il n'existait pas, la télévision l'inventerait, à coup sûr.

Sa qualité, c'est incontestablement la cohérence, la suite dans les idées. Mélenchon, c'est un born again du socialisme à l'ancienne mode. Sa spécialité? Dénoncer tout défenseur des droits de l'homme qui conteste le communisme totalitaire, dalaï lama ou Soljenitsyne. Dans la tête survoltée de Mélenchon, un communiste ne peut être qu'un bon communiste et un anticommuniste "un chien", pour reprendre le mot de Sartre quand il n'était pas dans sa meilleure forme. Bref, toute critique du communisme gêne Mélenchon, voilà la vérité.

Que dit Mélenchon de la grande figure de l'antitotalitarisme qui vient de mourir? C'était un homme "de droite" (donc nécessairement suspect pour Mélenchon), "gavé d'honneurs" (même pendant ses années d'incarcération en camp de travail?), appartenant "à la vieille tradition russe, homophobe, limite antisémite, très marqué par l'ancien temps féodal". Vous retrouvez presque mot pour mot, argument par argument, son rejet du dalaï lama. Je retiens cette dernière phrase: "L'apologie de Soljenitsyne me fait mal au coeur..."

Moi aussi, j'ai mal au coeur, j'ai envie de vomir quand j'entends de tels propos. Soljénitsyne était ce qu'il était, chaque homme a ses zones d'ombre que personne n'est obligé d'approuver, mais cet homme-là a été un grand homme de la seconde moitié du siècle passé, celui par lequel le goulag a été dénoncé dans le mode entier, celui qui a contribué à l'effondrement du système totalitaire. Cet homme était loin d'être socialiste, mais tout socialiste se doit de faire, de bon coeur, son éloge aujourd'hui, n'en déplaise à Mélenchon.

On me reproche parfois la dureté de mes expressions, quand je reprends par exemple à Philippe Val celle de "gauche pourrie", à l'occasion de l'affaire Siné. Mais ne croyez-vous pas que certains mots ont le mérite de la clarté? Ce qu'a dit Mélenchon sur Soljenitsyne est tout simplement dégueulasse, et encore plus dans la bouche d'un socialiste, normalement ami de la liberté. Mélenchon veut jouer à l'anticonformiste, soit. Mais qu'en pense l'aile gauche du Parti à laquelle il appartient? Qu'en dit Fabius (en supposant que celui-ci fasse toujours partie de l'aile gauche), qu'en disent Hamon, Lienemann, Filoche, Dolez? J'aimerais les entendre se prononcer là-dessus.

J'aimerais d'autant que Mélenchon, hier, a lancé un appel à l'unité de cette aile gauche (dans laquelle il inclut Fabius, ce qui le distingue sur ce point de Filoche). Il a surtout mis en garde contre les "arrangements" vers lesquels s'oriente une partie des courants de gauche. Mélenchon a au moins cette lucidité: il sait que le radicalisme n'est pas exempt d'opportunisme, que les deux forment même parfois un très beau couple.


Bonne matinée.