L'Aisne avec DSK

12 août 2008

L'été des enfants oubliés.

Bonjour à toutes et à tous.

Au hit-parade des drames de l'été, j'avais placé en n°1 la dévastation d'Hautmont, hésitant à lui préférer les oublis mortels d'enfants dans les véhicules surchauffés. Ce matin, je ne tergiverse plus, après avoir écouté au lever les infos: un nouveau cas s'est produit à La Guadeloupe, non plus cette fois un bébé mais un enfant de 13 ans. Au retour d'une soirée, les parents l'ont oublié, endormi, à l'arrière du véhicule, et découvert mort le lendemain, en plein soleil. Quelques remarques, sans répéter ce que j'ai dit dans un précédent billet ("Fatals oublis"):

1- Ces drames à répétition marqueront l'été 2008, beaucoup plus que la catastrophe d'Hautmont, parce qu'ils renvoient à une tragédie de l'intimité (avec la tornade dévastatrice et meurtrière, nous restons dans le drame collectif) qui frappe ce qui nous est le plus cher, les enfants. C'est aussi une tragédie complètement singulière, en ce sens mystérieuse, avec cette question sans réponse: comment est-il possible d'oublier un enfant qu'on aime et qu'on protège? Et cette autre question qui suit immédiatemment: cette tragédie dans un cadre si ordinaire, serait-il possible qu'elle frappe n'importe lequel d'entre nous, que nous aussi soyons capable, si j'ose dire, de commettre l'irréparable oubli?

Le nom et la maladie d'Alzheimer sont depuis une bonne dizaine d'années dans nos conversations, nos peurs, parfois nos blagues (pour conjurer nos peurs). L'oubli provoqué par la dégénérescence, ne craint-on pas qu'il s'introduise en nous, beaucoup plus tôt, non plus sous un effet biologique mais psychologique? Tout cela tourne furieusement dans les têtes en cet été 2008, à propos du drame des enfants oubliés. Avec l'assassinat du petit Valentin, avec le lapsus de TF1 sur la mort faussement annoncée du petit Louis, c'est comme si notre société sacrifiait à je ne sais quels dieux ses enfants!

2- L'impact médiatique de ces macabres faits divers qui se suivent et se ressemblent ne doit pas occulter le souci de vérité: y a-t-il cet été plus de morts identiques d'enfants que les étés précédents ou le reste de l'année? A en croire un journaliste entendu hier sur RTL, dans l'émission "Et si on changeait le monde?", la réponse serait non, les statistiques ne repèrent aucun phénomène inédit. Je veux bien le croire, il faudra précisément vérifier à la fin de l'été. Mais en supposant que cela soit vrai, qu'il n'y ait pas plus de morts d'enfants aujourd'hui qu'hier, comment expliquer que l'actualité les mette au premier plan?

La vraie question est sans doute de se demander pourquoi ces décès, qui autrefois auraient été rangés banalement dans les accidents, font aujourd'hui la une des journaux, radios et télés? Il y a probablement là une réalité qu'on ne supporte plus, qui heurte la conscience contemporaine. Et une obsession douloureusement sous-jacente, un scandale qui taraude l'esprit: serait-il possible de ne pas aimer ses enfants? Car quand on aime, on n'oublie pas.

3- Le drame de La Guadeloupe présente une terrible ironie: l'enfant est mort d'un excès de sécurité! En effet, c'est d'un 4x4 qu'il était prisonnier, dont le verrouillage électronique est particulièrement efficace pour dissuader les voleurs. L'enfant malgré ses efforts n'a pu ouvrir et s'échapper, il est décédé asphyxié dans un habitacle très étanche, parfaitement sécurisé. Notre société obsédée par la sécurité va finir par en crever! Jadis, c'était l'état d'insécurité qui entraînait la mort.

On dit parfois qu'on garde le meilleur pour la fin, mais dans le cadre de ce billet, ce sera le pire, du moins symboliquement. En faisant une petite recherche sur le drame de La Guadeloupe, je découvre qu'un drame assez proche l'a précédé, dans ce même département d'outre-mer: le 30 juillet, une fillette de 9 mois est laissée seule par sa mère durant 18 heures dans son appartement. Ce sont des voisins qui ont été alertés par les cris et les pleurs. Et savez-vous le nom de la ville dans laquelle cela s'est passé? Vous n'allez pas me croire, ou me soupçonner d'un humour mal placé, mais je ne dis que la stricte vérité: Les Abymes! Nous sommes en effet, en cet été des enfants oubliés, au bord de l'abîme.


Bonne matinée.

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