L'Aisne avec DSK

11 août 2008

Rapido.

Bonsoir à toutes et à tous.

Le mal du siècle, je veux dire de ce début de siècle, a encore frappé vendredi soir, sur TF1. Je ne vous en parle que maintenant, précisément parce que je veux être l'antidote à ce mal: la précipitation dans laquelle nous vivons et agissons, qui nous conduit stupidement à vouloir aller plus vite que le temps. Florence Schaal, qui est une journaliste sérieuse, réputée, confirmée, n'a pas pu s'empêcher de jouer la montre, de vaincre les minutes, excéder la durée, en annonçant la mort du petit Louis, pourtant fort bien portant.

Les drames d'enfants ont empoisonné l'été, même si les statistiques montrent que la situation n'est pas pire que les autres étés. Mais notre société, qui a si peu le sens du tragique, a besoin du spectacle du drame, et comme l'enfant est le roi de cette société, une bonne dramaturgie exige que ce soit lui la victime. Il y a aussi de ça dans l'impardonnable erreur de TF1, ajoutée à ce culte moderne de l'urgence, de la rapidité, de la précipitation, que je distingue évidemment de la promptitude et de la célérité.

Où est la différence? La mauvaise accélération est celle qui n'est pas justifiée, qui ne repose sur rien, qui n'aboutit à rien, qui est inutile. Pourquoi Schaal a-t-elle donné cette fausse information, corrigée seulement quelques minutes plus tard? Qu'est-ce que le spectateur y gagne (en l'occurrence, il y perd la vérité)? Cette vitesse est ridicule... ou misérable (on recherche le pic d'audience, la part de marché supplémentaire). Dans tous les cas, elle est condamnable. Ce qui me préoccupe, c'est que ce réflexe se généralise (on se souvient de Ruquier, qui lui aussi est un grand professionnel, céder à l'impératif de la rapidité en annonçant la fausse mort de Pascal Sevran, quelques jours avant hélas la vraie). A-t-on idée des dégâts que produit ce genre de comportement auprès des proches de la personne concernée? Dans une société où l'on se flatte de pratiquer la compassion, on devrait pourtant être vigilant.

De ce symptôme, de cette névrose de la rapidité, Nicolas Sarkozy est l'emblème, et c'est aussi pour cela que les Français l'ont élu. 26 ans après la "force tranquille" de Mitterrand, voilà la "force rapide" de Sarkozy, l'homme qui, comme Lucky Luke, agit plus vite que son ombre. C'est l'idée pernicieuse que le nouveau président a introduit dans l'esprit des Français: un problème bien traité est un problème vite traité. Non, non et non. Les questions de fond exigent du temps pour être solutionnées. La lenteur est une vertu nécessaire. Pourquoi se focaliser sur le présent? Nous avons tout l'avenir pour agir. Cette excitation anxiogène répandue par Nicolas Sarkozy s'est installée partout, de façon fort préjudiciable. C'est un poison dont la gauche devrait se faire un devoir de nous débarrasser, d'abord psychologiquement.

Je prends l'exemple de mon syndicat. En juin, les jeunes et nouveaux enseignants, ou ceux qui demandent à muter, apprennent leur lieu d'affectation, leur établissement d'exercice. On comprend qu'ils soient impatients de savoir où ils vont travailler à la rentrée, d'autant que certains devront déménager. Il y a quelques années, cette information était divulguée par courrier. C'est ainsi qu'en 1994, j'ai appris que j'étais affecté dans une ville dont je n'avais jamais entendu parler, Saint-Quentin dans l'Aisne. Par conséquent, j'étais fixé sur mon sort un jour, au plus tard deux jours après la décision administrative.

Mais c'était déjà un délai manifestement trop important. Mon syndicat a doublé le courrier par un appel téléphonique. Désormais, le jour même, l'enseignant savait où il allait à la rentrée. Pas encore assez rapide! Beaucoup d'enseignants ne sont pas chez eux mais dans leur établissement, ils ne découvrent le message que le soir, sur leur répondeur. Bref, mon syndicat a décidé d'envoyer des SMS, et il paraît que les collègues apprécient, et se syndiquent d'après ce critère de rapidité. Quelle misère! Tout ce cirque ne sert strictement à rien, et même dans une perspective utilitaire, il n'y a aucun intérêt flagrant (sinon psychologique) à savoir le jour même ce qu'on connaîtra de toute façon dans 24 heures ou au plus tard dans 48 heures.

Etrange société où l'on vous demande d'être cool et speed en même temps!


Bonne soirée tranquille.

8 Comments:

  • Alors c'est donc à cela que servent les syndicats dans l'enseignement,
    répartir les postes et prévenir les enseignants par sms...

    By Blogger grandourscharmant, at 9:40 PM  

  • Répartir les postes, non, c'est le travail de l'administration, mais informer les enseignants, oui, c'est une tâche parmi d'autres des syndicats.

    Evidemment, en bon militant UMP que vous êtes, vous ne trouvez rien de mieux que de profiter de l'occasion pour taper sur les syndicats. C'est dans vos gènes.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 10:25 PM  

  • Si c'était l'administration qui répartissait les postes,
    ce serait à elle de l'annoncer.

    Je ne vois pas en quoi et pourquoi le syndicat intervient à moins bien sur qu'il y ait co-gestion, voir meme gestion par les syndicats.

    Et visiblement pouvoir etre juge et parti, ça ne vous dérange pas dans ce cas là.

    By Blogger grandourscharmant, at 10:44 PM  

  • GOC continue à se vautrer dans l'approximation, le préjugé, l'erreur, l'ignorance, la malveillance, le tout corsé par une bonne dose de stupidité:

    L'administration annonce bien évidemment la répartition des postes. Mais cet abruti de GOC, qui n'a pas compris que mon billet portait sur l'obsession de la rapidité dans la société contemporaine, n'a pas saisi non plus qu'entre les rectorats et les syndicats, c'était la course à qui informera le plus vite, les rectorats par internet, les syndicats par SMS.

    Autre bêtise de sa part, cliché usé du militant UMP de base qu'il est: la cogestion. Non, nous ne sommes pas en Allemagne. Le système français, dans l'Education Nationale, est "paritaire", administration-syndicats, mais consultatif, car c'est l'administration qui décide, selon des critères d'ailleurs très stricts dont les syndicats sont chargés de contrôler la bonne application.

    GOC, faites reposer votre pauvre tête d'homme de droite fatigué, prenez des vacances. Ne pas le faire, c'est un luxe que seul moi puis me permettre.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 9:44 AM  

  • Et oui,je suis complètement d'accord sur le fait d'agir vite sans réfléchir est dommageable, on doit peser le pour et le contre en toute sérénité pour les décisions importantes à prendre. Les effets d'annonce ne servent que ceux qui les prodiguent et non ceux qui les entendent sauf ceux qui agissent de la même façon. Il y a un vieil adage qui dit que l'on doit tourner 7 fois sa langue dans sa bouche avant de parler ; les journalistes devraient l'appliquer.

    By Anonymous Anonyme, at 10:38 AM  

  • Les journalistes... et GOC!

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 11:29 AM  

  • EM qui perd ses nerfs et qui insulte les autres de connards ou d'abrutis
    à vraiment raison de s'en dispenser.

    C'est surement le meilleur qu'il est capable de produire avec sérénité et apres réflexion.

    By Blogger grandourscharmant, at 11:49 AM  

  • Pas de morale, GOC, mais une seule question à vous poser: dis-je vrai ou faux dans les qualificatifs utilisés? Votre repli sur la morale, c'est le signe que vous n'avez plus rien à dire. Les vacances, vous ai-je déjà conseillées! Après, vous verrez, tout ira mieux, vous aurez perdu votre susceptibilité. Vous redeviendrez sainement combatif. Là, vous vous amollissez un peu (d'où le recours à la morale).

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 1:01 PM  

Enregistrer un commentaire

<< Home