Mort d'une légende.
Bonjour à toutes et à tous.
Avec la disparition d'Alexandre Soljenitsyne, c'est une légende qui s'éteint, un élan, un souffle, une vision qui se meurent. Ce grand écrivain ne m'a pas ébloui pas son style, sans doute parce que je l'ai insuffisamment fréquenté. Mais c'était pour moi, avant tout, dans mon adolescence des années 70, une figure politique, au propre comme au figuré, une belle tête de prophète, le symbole de la résistance au totalitarisme communiste.
C'est pourquoi, il y a une vingtaine d'années, lors d'un de mes séjours en Amérique, j'ai voulu passer par ce petit Etat que personne ne connait, le Vermont, et par cette petite ville oubliée, Cavendish, l'exil d'Alexandre Soljenitsyne. En matière de vacances, je ne connais que les pélerinages politiques, sinon je reste chez moi. Je me revois demandant aux habitants la demeure de leur grand homme. Cavendish, le Vermont, c'est le Canada qui se déverse en Amérique, l'épaisse forêt à perte de vue. On se croirait où? En Russie!
10 ans avant cette visite, j'ai appris à connaitre Soljenitsyne au beau milieu de la polémique autour des "nouveaux philosophes", en 1977, où Lévy, Glucksmann, Clavel et quelques autres ferraillaient déjà, au nom d'une gauche démocratique, contre cette "gauche pourrie" qui cherchait à discréditer celui qui dénonçait la nature totalitaire du communisme. Réactionnaire, nationaliste, ultra-orthodoxe, antisémite, voilà ce qu'elle disait alors de Soljenitsyne, cette gauche-là, qui est en vérité le déshonneur de la gauche française. Oui l'auteur de L'Archipel du Goulag, sans doute son plus grand ouvrage, peut être qualifié d'homme de droite, de traditionaliste. Non les qualificatifs précédents, diffamatoires, ne le concernent pas.
Soljenitsyne homme de droite, et alors? Les souffrances que le système soviétique lui a infligées, la vérité sur ce système concentrationnaire qu'il a révélée en sont-elles pour autant disqualifiées? La souffrance qu'un homme endure, la vérité qu'il porte en lui, ce sont des catégories qui échappent au clivage droite-gauche. La vérité n'est pas de droite ou de gauche, il n'y a pas des souffrances de droite ou de gauche. Droite et gauche désignent des convictions, c'est tout et c'est déjà beaucoup.
Soljenitsyne n'est pas le premier à avoir analysé et critiqué le communisme d'Etat. Mais pourquoi avec lui, sous sa plume, la vérité sur ce régime a-t-elle éclaté, au sens fort du terme? Dès les débuts du bolchévisme, la tendance totalitaire était là et dénoncée comme telle, notamment par les anarchistes. C'est que Soljenitsyne n'est pas un militant politique, c'est un écrivain. Contre le totalitarisme, les armes sont souvent impuissantes mais les mots sont d'une redoutable efficacité. La force de Soljenitsyne, ce n'est pas la politique, c'est la littérature. Il est parvenu à imposer dans l'opinion mondiale deux mots qui ont tué le communisme plus facilement qu'une armée:
1- Le goulag: drôle de terme, qui a montré, simplement montré que le paradis communiste avait son enfer, que les libérateurs étaient des oppresseurs, que l'émancipation du peuple se faisait contradictoirement au détriment de la liberté des individu, que la Sibérie avait elle aussi ses "camps".
2- Les dissidents: jusqu'à eux, on connaissait les militants, les révoltés, les révolutionnaires. Et voilà qu'une nouvelle figure progressiste apparaissait, le dissident, celui qui, tout simplement, dit non, refuse, s'écarte du système totalitaire, le conteste en le quittant.
Une légende est morte ce matin, mais les légendes ne meurent pas si les hommes savent les transmettre comme on transmet la vie. Dans 4 jours vont s'ouvrir en Chine les Jeux Olympiques. Pensons à Soljenistsyne, à la réalité encore actuelle du goulag, à l'acte de dissidence, et agissons, chacun à son niveau, en conséquence.
Bonne matinée.
Avec la disparition d'Alexandre Soljenitsyne, c'est une légende qui s'éteint, un élan, un souffle, une vision qui se meurent. Ce grand écrivain ne m'a pas ébloui pas son style, sans doute parce que je l'ai insuffisamment fréquenté. Mais c'était pour moi, avant tout, dans mon adolescence des années 70, une figure politique, au propre comme au figuré, une belle tête de prophète, le symbole de la résistance au totalitarisme communiste.
C'est pourquoi, il y a une vingtaine d'années, lors d'un de mes séjours en Amérique, j'ai voulu passer par ce petit Etat que personne ne connait, le Vermont, et par cette petite ville oubliée, Cavendish, l'exil d'Alexandre Soljenitsyne. En matière de vacances, je ne connais que les pélerinages politiques, sinon je reste chez moi. Je me revois demandant aux habitants la demeure de leur grand homme. Cavendish, le Vermont, c'est le Canada qui se déverse en Amérique, l'épaisse forêt à perte de vue. On se croirait où? En Russie!
10 ans avant cette visite, j'ai appris à connaitre Soljenitsyne au beau milieu de la polémique autour des "nouveaux philosophes", en 1977, où Lévy, Glucksmann, Clavel et quelques autres ferraillaient déjà, au nom d'une gauche démocratique, contre cette "gauche pourrie" qui cherchait à discréditer celui qui dénonçait la nature totalitaire du communisme. Réactionnaire, nationaliste, ultra-orthodoxe, antisémite, voilà ce qu'elle disait alors de Soljenitsyne, cette gauche-là, qui est en vérité le déshonneur de la gauche française. Oui l'auteur de L'Archipel du Goulag, sans doute son plus grand ouvrage, peut être qualifié d'homme de droite, de traditionaliste. Non les qualificatifs précédents, diffamatoires, ne le concernent pas.
Soljenitsyne homme de droite, et alors? Les souffrances que le système soviétique lui a infligées, la vérité sur ce système concentrationnaire qu'il a révélée en sont-elles pour autant disqualifiées? La souffrance qu'un homme endure, la vérité qu'il porte en lui, ce sont des catégories qui échappent au clivage droite-gauche. La vérité n'est pas de droite ou de gauche, il n'y a pas des souffrances de droite ou de gauche. Droite et gauche désignent des convictions, c'est tout et c'est déjà beaucoup.
Soljenitsyne n'est pas le premier à avoir analysé et critiqué le communisme d'Etat. Mais pourquoi avec lui, sous sa plume, la vérité sur ce régime a-t-elle éclaté, au sens fort du terme? Dès les débuts du bolchévisme, la tendance totalitaire était là et dénoncée comme telle, notamment par les anarchistes. C'est que Soljenitsyne n'est pas un militant politique, c'est un écrivain. Contre le totalitarisme, les armes sont souvent impuissantes mais les mots sont d'une redoutable efficacité. La force de Soljenitsyne, ce n'est pas la politique, c'est la littérature. Il est parvenu à imposer dans l'opinion mondiale deux mots qui ont tué le communisme plus facilement qu'une armée:
1- Le goulag: drôle de terme, qui a montré, simplement montré que le paradis communiste avait son enfer, que les libérateurs étaient des oppresseurs, que l'émancipation du peuple se faisait contradictoirement au détriment de la liberté des individu, que la Sibérie avait elle aussi ses "camps".
2- Les dissidents: jusqu'à eux, on connaissait les militants, les révoltés, les révolutionnaires. Et voilà qu'une nouvelle figure progressiste apparaissait, le dissident, celui qui, tout simplement, dit non, refuse, s'écarte du système totalitaire, le conteste en le quittant.
Une légende est morte ce matin, mais les légendes ne meurent pas si les hommes savent les transmettre comme on transmet la vie. Dans 4 jours vont s'ouvrir en Chine les Jeux Olympiques. Pensons à Soljenistsyne, à la réalité encore actuelle du goulag, à l'acte de dissidence, et agissons, chacun à son niveau, en conséquence.
Bonne matinée.
12 Comments:
Pour être complet, il faut rappeler que Soljenitsyne est devenu anticommuniste par antisémitisme. Il s'est longuement expliqué là-dessus ; il considérait que les nombreux juifs bolcheviques avaient fait dévier la Russie de sa trajectoire naturelle.
By Unknown, at 5:37 PM
Comme quoi personne n'est parfait finalement.
Va t-on assister à un nouveau 100% pour Soljenitsyne ou 100% contre.
By Anonyme, at 6:21 PM
Gaston,
Je n'ai lu nulle part Soljenitsyne défendre ou pratiquer l'antisémitisme. Mais puisqu' "il s'est longuement expliqué là-dessus", vous allez donner aux lecteurs la référence précise, je n'en doute pas.
A chacun son héros: le vôtre c'est Siné, le mien c'est Soljenitsyne. Les choses ainsi sont claires.
By Emmanuel Mousset, at 8:22 PM
Bon OK, anticommunisme et antisémitisme sont chez lui étroitement mêlés, je ne sais pas ce qui vient en premier.
voici une page extraite du tome 2 de sa saga Deux siècles ensemble 1917-1972 – Juifs et Russes pendant la période soviétique.
Elle est tirée du chapitre 15, intitulé Aux côtés des bolcheviks. Les citations introduites par l’auteur font l’objet dans l'ouvrage de références précises ici supprimées.
La population juive dans sa masse montra vis-à-vis des bolcheviks une attitude méfiante, voire hostile. Mais lorsque, du fait de la révolution, elle eut acquis une liberté complète qui favorise un véritable essor de l’activité juive dans les domaines politique, social, culturel – activité fort bien organisée de surcroît -, elle ne fit rien pour empêcher les Juifs bolcheviques d’occuper les positions clés et ceux-ci firent un usage démesurément cruel de ce nouveau pouvoir tombé entre leurs mains.
A dater des années 40 du XXe siècle, après que le pouvoir communiste eut rompu avec le judaïsme mondial, Juifs et communistes furent pris de gêne et de crainte, et ils préférèrent taire et dissimuler la forte participation des Juifs à la révolution communiste, cependant que les velléités de se souvenir et de nommer le phénomène étaient qualifiées par les Juifs eux-mêmes d’intentions carrément antisémites.
Dans les années 1970-1980, sous la pression de nouvelles révélations, la vision des années révolutionnaires s’ajusta. Des voix en nombre assez considérable se firent entendre publiquement. Ainsi le poète Naoum Korjavine écrivit : « Si l’on fait de la participation des Juifs à la révolution un sujet tabou, l’on ne pourra plus du tout parler de la révolution. Il fut un temps où l’on tirait même orgueil de cette participation… Les Juifs ont pris part à la révolution, et dans des proportions anormalement élevées. » M. Agourski écrivit de son côté : « La participation des Juifs à la révolution et à la guerre civile ne s’est pas limitée à un engagement extrêmement actif dans l’appareil d’Etat ; elle a été infiniment plus large. » De même le socialiste israélien S. Tsyroulnikov affirme : « Au début de la révolution, les Juifs… ont servi d’assise au nouveau régime. »
Mais il est également de nombreux auteurs juifs qui, jusqu’à ce jour, soit nient l’apport des Juifs au bolchevisme, ou même en rejettent rageusement l’idée, soit – c’est le plus fréquent – ne l’envisagent qu’à leur corps défendant.
La chose est pourtant avérée : ces renégats juifs ont quelques années durant été des leaders au sein du Parti bolchevique, à la tête de l’Armée rouge (Trotski), du VTsIK (Sverdlov), des deux capitales (Zinoviev et Kamenev), du Komintern (Zinoviev), du Profintern (Dridzo-Lozovski) et du Komsomol (Oscar Ryvkine, puis, après lui, Lazare Chatskine, lequel dirigea aussi l’Internationale communiste de la Jeunesse). "
By Unknown, at 9:24 PM
Pan sur le bec !
By Anonyme, at 9:46 PM
Après un coup comme ça, quelle pirouette va inventer EM pour montrer que Soljenitsyne est vachement moins antisémite que Siné ?
Surement en traitant les gens de clown ou en voulant les frapper sur un ring (encore faut il des bras).
By Anonyme, at 9:48 PM
Aux pro-Siné:
Vous rendez-vous compte que les 3 commentaires précédents sont une magnifique justification qu'il existe en France une "gauche pourrie"? Ce matin, j'explique dans mon billet que cette gauche, dans les années 70, injuriait et disqualifiait Soljenitsyne en le traitant notamment d'antisémite. Et qu'est-ce que je constate ce soir? Que les "pourris" sont toujours là, crachant sur le cadavre de celui qui a été un grand héros de la liberté dans le siècle passé.
Et tout ça en procédant à un minable montage stalinien fait de découpage et de manipulation de texte, comme le grand Joseph savait si bien en faire! Et lui, le "petit père des peuples", en matière d'antisémitisme, il était très fort.
"Gauche pourrie", gauche stalinienne, hélas toujours bien vivante, trahie par une ironie de l'Histoire: un jour pour Siné, quelques jours après contre Soljenitsyne. Je ne m'attendais pas à une si belle démonstration de ma thèse!
By Emmanuel Mousset, at 10:13 PM
staline un jour, staline toujours
By Anonyme, at 10:29 PM
Non non trop facile. Ne renversez pas les roles. Qui a traité les gens de clown et autres fadaises?
C'est bien Mousset quand même, je ne rêve pas.
La meilleure preuve M Mousset, la voici:
-voyant que vos arguments ne pouvaient prospérer et que vous ne pouviez répondre aux arguments des uns et des autres, vous avez tenté de justifier votre attitude en disant que vous étiez un militant et que vous n'étiez pas tenu de répondre, que vous aviez un combat à mener et que vous n'en n'aviez rien à foutre de tout cela.
-sentant que la pression était un peu forte quand même vous avez été obligé de vous justifier dans un nouveau billet sur votre philosémitisme.
Lequel article n'apporte strictement rien puisque sa conclusion est qu'un anarchiste est nécessairement antisioniste et pourquoi pas anti-juif, hitlérien et quoi d'autre.
Bref c'est pitoyable et vous vous enfoncez de plus en plus.
By Anonyme, at 10:45 PM
A part ça, en bon stalinien, j'ai le plus grand respect pour Soljenitsyne et sa dénonciation du système concentrationnaire soviétique, mais .. tout le monde a ses petits défauts!
Moralité : l'antisémitisme, c'est comme le cholesterol, il y a le bon et le mauvais.
Le bon, c'est quand on s'attaque aux juifs communistes.
Le mauvais, c'est quand on s'attaque aux juifs capitalistes.
By Unknown, at 11:08 PM
A Gaston:
Tout antisémitisme est évidemment condamnable. Quant à Soljenitsyne, il a comme chacun d'entre nous ses ombres et ses lumières, mais la lumière est infiniment plus puissante chez lui que l'ombre.
By Emmanuel Mousset, at 10:08 AM
Au dernier anonyme:
Comme tous ceux sur ce blog qui n'ont rien à dire, aucune idée, quelle qu'elle soit, à développer, vous examinez mon cas, vous disséquez mes démarches, vous portez bien sûr des jugements sur moi. Vous avez certes choisi un sujet d'études fort intéressant, je n'en doute pas, mais essayez quand même de vous intéresser à autre chose, à vous par exemple, à vos idées, si vous en avez.
By Emmanuel Mousset, at 10:12 AM
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