Je suis philosémite.
Bonsoir à toutes et à tous.
L'affaire Siné ayant suscité de très nombreux commentaires sur ce blog, je me sens dans l'obligation de préciser et de compléter ma position (mais pas question de me répéter, c'est inutile!). Le fond de ma pensée, ce qui me rend intransigeant et même impitoyable avec Siné et ses propos, c'est que je suis philosémite. Tout est là. Je m'explique: mon philosémitisme n'est pas affectif (je n'ai aucun lien personnel avec la communauté juive) ni religieux (je suis athée, laïque, le judaïsme m'est étranger, la seule spiritualité vers laquelle j'incline, c'est le bouddhisme). Mon philosémitisme est strictement politique. Et je vais vous le justifier.
Avant, je rappelle que mon opposition à Siné n'est pas morale (je suis partisan de la liberté d'expression et j'estime qu'on peut rire de tout, même des juifs) ni juridique (je ne sais absolument pas si les propos de Siné seraient condamnés par un tribunal). Elle est strictement politique. Ces remarques faites, je vous explique les raisons de mon philosémitisme, et d'abord pourquoi je revendique cette expression. Pro-israélien laisserait penser que je soutiens nécessairement la politique de l'Etat d'Israël, ce qui n'est pas le cas. Certains résolutions de l'ONU condamnent cet Etat, et je crois au droit international telle que l'ONU l'incarne. Philosémite, le terme est clair et explicite: ami des juifs.
Mais, me direz-vous, pourquoi pas ami des argentins, des suisses, des coréens et du monde entier? Vous avez raison, quand on est de gauche, on doit soutenir tous les peuples, et pas un en particulier. Alors? Eh bien, mon philosémitisme n'est pas exclusif de l'amitié que je peux éprouver pour les autres peuples en particulier et pour l'humanité en général. Etre de gauche, c'est, je crois, être internationaliste, et j'ajouterai: profondément cosmopolite, citoyen du monde, si vous préférez. Pourquoi donc se déclarer philosémite? Parce que le peuple juif a une histoire cruellement singulière, que n'ont pas les peuples argentin, suisse ou coréen, malgré toute la sympathie que j'éprouve pour eux. Cette cruelle singularité repose sur trois faits, qui sont les trois raisons de mon philosémitisme:
1- Le peuple juif, dispersé à travers le monde pendant des siècles, a été universellement persécuté. Mêmes les puissants chez ce peuple ont été l'objet d'une haine continuelle, alors que l'humanité généralement, quand elle se choisit des victimes, va chercher les plus faibles.
2- Au XXème siècle, en plein coeur de l'Europe civilisée, le peuple juif a été la cible d'un des génocides les plus abominables qui aient pu exister à cette époque. Les juifs ont été exterminés pour une simple et unique raison: le fait d'être ce qu'ils étaient, c'est-à-dire juifs. Vous ne trouvez rien de comparable dans d'autres massacres, par exemple au Cambodge. C'est ce qui fait de la Shoa le plus abominable des génocides.
3- Après cette abomination, les juifs ont réclamé une patrie et un Etat, pour se protéger à tout jamais de l'horreur, pour mettre fin à des persécutions millénaires, et ils ont eu entièrement raison, et la gauche a salué la naissance de l'Etat d'Israël. Sauf qu'une partie de la gauche est devenue violemment antisioniste, qu'elle a refusé à ce peuple le droit de s'installer au Proche-Orient et d'y construire un Etat. Si le sionisme est l'expression naturelle du patriotisme israélien, je suis sioniste, je suis pour l'existence et le maintien de l'Etat d'Israël. Si le sionisme traduit une volonté nationaliste et colonialiste d'expansion illégitime de cet Etat, je ne suis pas sioniste. Dans tous les cas, je suis philosémite, ami et défenseur du peuple israélien, pour les 3 motifs que je viens d'évoquer.
Et Siné dans tout ça? Siné est antisioniste, il l'a dit, proclamé et répété. Et pour une raison très simple, dont curieusement personne ne parle: Siné est anarchiste, il vomit par dessus tout l'Etat, n'importe quel Etat, républicain ou... israélien. Voilà pourquoi l'idée qu'on ait pu créer, à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, quelque part au Proche-Orient, un nouvel Etat lui est littéralement insupportable. Ce faisant, il oublie ou met de côté les 3 points que j'ai développés, qui font de moi un philosémite, alors que Siné se complait dans un antisionisme ambigu et donc dangereux que je condamne.
Bonne soirée.
L'affaire Siné ayant suscité de très nombreux commentaires sur ce blog, je me sens dans l'obligation de préciser et de compléter ma position (mais pas question de me répéter, c'est inutile!). Le fond de ma pensée, ce qui me rend intransigeant et même impitoyable avec Siné et ses propos, c'est que je suis philosémite. Tout est là. Je m'explique: mon philosémitisme n'est pas affectif (je n'ai aucun lien personnel avec la communauté juive) ni religieux (je suis athée, laïque, le judaïsme m'est étranger, la seule spiritualité vers laquelle j'incline, c'est le bouddhisme). Mon philosémitisme est strictement politique. Et je vais vous le justifier.
Avant, je rappelle que mon opposition à Siné n'est pas morale (je suis partisan de la liberté d'expression et j'estime qu'on peut rire de tout, même des juifs) ni juridique (je ne sais absolument pas si les propos de Siné seraient condamnés par un tribunal). Elle est strictement politique. Ces remarques faites, je vous explique les raisons de mon philosémitisme, et d'abord pourquoi je revendique cette expression. Pro-israélien laisserait penser que je soutiens nécessairement la politique de l'Etat d'Israël, ce qui n'est pas le cas. Certains résolutions de l'ONU condamnent cet Etat, et je crois au droit international telle que l'ONU l'incarne. Philosémite, le terme est clair et explicite: ami des juifs.
Mais, me direz-vous, pourquoi pas ami des argentins, des suisses, des coréens et du monde entier? Vous avez raison, quand on est de gauche, on doit soutenir tous les peuples, et pas un en particulier. Alors? Eh bien, mon philosémitisme n'est pas exclusif de l'amitié que je peux éprouver pour les autres peuples en particulier et pour l'humanité en général. Etre de gauche, c'est, je crois, être internationaliste, et j'ajouterai: profondément cosmopolite, citoyen du monde, si vous préférez. Pourquoi donc se déclarer philosémite? Parce que le peuple juif a une histoire cruellement singulière, que n'ont pas les peuples argentin, suisse ou coréen, malgré toute la sympathie que j'éprouve pour eux. Cette cruelle singularité repose sur trois faits, qui sont les trois raisons de mon philosémitisme:
1- Le peuple juif, dispersé à travers le monde pendant des siècles, a été universellement persécuté. Mêmes les puissants chez ce peuple ont été l'objet d'une haine continuelle, alors que l'humanité généralement, quand elle se choisit des victimes, va chercher les plus faibles.
2- Au XXème siècle, en plein coeur de l'Europe civilisée, le peuple juif a été la cible d'un des génocides les plus abominables qui aient pu exister à cette époque. Les juifs ont été exterminés pour une simple et unique raison: le fait d'être ce qu'ils étaient, c'est-à-dire juifs. Vous ne trouvez rien de comparable dans d'autres massacres, par exemple au Cambodge. C'est ce qui fait de la Shoa le plus abominable des génocides.
3- Après cette abomination, les juifs ont réclamé une patrie et un Etat, pour se protéger à tout jamais de l'horreur, pour mettre fin à des persécutions millénaires, et ils ont eu entièrement raison, et la gauche a salué la naissance de l'Etat d'Israël. Sauf qu'une partie de la gauche est devenue violemment antisioniste, qu'elle a refusé à ce peuple le droit de s'installer au Proche-Orient et d'y construire un Etat. Si le sionisme est l'expression naturelle du patriotisme israélien, je suis sioniste, je suis pour l'existence et le maintien de l'Etat d'Israël. Si le sionisme traduit une volonté nationaliste et colonialiste d'expansion illégitime de cet Etat, je ne suis pas sioniste. Dans tous les cas, je suis philosémite, ami et défenseur du peuple israélien, pour les 3 motifs que je viens d'évoquer.
Et Siné dans tout ça? Siné est antisioniste, il l'a dit, proclamé et répété. Et pour une raison très simple, dont curieusement personne ne parle: Siné est anarchiste, il vomit par dessus tout l'Etat, n'importe quel Etat, républicain ou... israélien. Voilà pourquoi l'idée qu'on ait pu créer, à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, quelque part au Proche-Orient, un nouvel Etat lui est littéralement insupportable. Ce faisant, il oublie ou met de côté les 3 points que j'ai développés, qui font de moi un philosémite, alors que Siné se complait dans un antisionisme ambigu et donc dangereux que je condamne.
Bonne soirée.
6 Comments:
J'aime bien votre texte. En particulier, vous êtes assez modéré sur Siné, en décrivant simplement une différence de vision du monde. C'est sain et franc.
La question maintenant, c'est : pourquoi ce lynchage de Siné par le pouvoir médiatique, et pourquoi précisément maintenant, alors qu'il n'a fait ... que du Siné, comme d'hab?
Il y a quand même quelque chose de bizarre, mais je ne sais pas quoi (franchement!). Et je pense que la résistance internautique doit surprendre ces bons chiens de garde, qui sont complètement coupés de la révolution de la communication et de la liberté de débattre qui se développe sur la Toile. D'ailleurs, Val clame haut et fort sa détestation d'Internet, on le comprend.
By Unknown, at 10:26 PM
Personnellement je trouve que ce texte est une tentative désespérée de justifier une position qu'il devient difficile de défendre.
1ere tentative:EM nous dit: ne m'en veuillez pas je suis un militant. Je dois combattre par tous les moyens et je vous répond si je veux.
2eme tentative: EM nous dit :ne m'en veuillez pas je suis philosémite, c'est comme ça.Bon.
Et la seule justification c'est quoi, c'est qu'un anarchiste comme Siné c'est obligatoirement un antisioniste.... et donc sans doute un antisémite?
J'ai déja eu l'occasion de vous expliquer que ce type de raisonnement s'appelle un sophisme.
By Anonyme, at 10:56 PM
Gaston,
Il y a hélas une part d'irrationnel dans l'existence. Val et Siné ont cohabité ensemble dans le même journal plusieurs années. Ils ne devaient donc pas être si incompatibles que ça! Quelque chose s'emballe, le phénomène nous dépasse... et tout le monde en est victime. Pendant ce temps-là, Sarkozy (Nicolas) ricane, parce que c'est quand même la gauche qui se déchire.
Il y a aussi la théorie de la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Une goutte d'eau, c'est pas grand-chose, comme les propos de Siné, mais c'est suffisant pour tout faire déborder.
Le mystère, je le mets ailleurs: pourquoi, alors que Val avait tendu la main, permis à Siné de s'expliquer, de lever l'ambiguïté sur ses propos, pourquoi Siné a-t-il refusé?
Ce que je retiens de tout ça, c'est que les individus ne peuvent plus rien quand un phénomène se déploie et qu'il y a un moment où le retour en arrière, la maîtrise de la situation deviennent impossibles.
J'ai vécu ça aussi en politique, pour les élections municipales à Saint-Quentin. Les phénomènes de groupe deviennent plus forts que la volonté des individus. Il y a un terrible "effet engrenage" qui nous emprisonne et qui écrase tout.
Le remède: d'abord en avoir conscience, ensuite adopter des méthodes rationnelles de vigilance, d'anticipation et de concertation entre les personnes pour éviter les "dérapages" irrémédiables, les irrationalités aux effets destructeurs et irréversibles.
By Emmanuel Mousset, at 9:36 AM
A l'anonyme:
Le lien entre antisionisme et antisémitisme est complexe. Moi-même, j'hésite à me dire sioniste, puisque ce terme peut désigner une forme de nationalisme que je condamne (au même titre que tout nationalisme). Qu'il y ait une forme d'antisionisme qui soit une version contemporaine de l'antisémitisme, oui, ça me semble évident.
Tout notre débat n'a qu'un seul problème initial: l'ambiguïté des mots. C'est pourquoi Siné n'aurait pas dû en rester là et préciser, éclairer ses propos. Le problème d'un propos public, c'est qu'il sera inévitablement interprété, qu'il faut donc se garder de toute interprétation malveillante.
By Emmanuel Mousset, at 10:00 AM
Siné est venu se greffer sur Charlie Hebdo par la bande. Toute sa thématique obsessionnelle, justice, CRS, ordre et état n'a pu se greffer que par le biais du sexuel, qui après mai 68 constituait le lien qu'il pouvait entretenir avec Cabu et Reiser qui eux débouchaient sur l'utopie, qui était le fond de commerce de Charlie-Hebdo, voir l'An 01 avec Gébé on va tout changer. L'esprit anarchiste purement contestataire de tout ordre établi, constituait une greffe boiteuse.
Marx avait déjà eu le même genre de problèmes avec les anarcho-révolutionnaires en son temps, petite minorité agitée s'infiltrant et noyautant dans le seul but de satisfaire ses pulsions. On est à la limite entre rationnel et pathologique alors. La Cité a besoin ontologiquement d'ordre pour exister. La Loi, quelle qu'elle soit, est nécessaire pour ne pas figer la vie dans une fibrillation mortelle. Un sens, une direction, un mouvement d'ensemble est une obligation pour tout être vivant.
Certains ne peuvent s'y résoudre, et Siné en fait partie.
Tant qu'il apportait du chiffre d'affaires à Charlie-Hebdo par des dessins rigolards et décalés, un journal vit de ses ventes, tout allait bien. Mais quand l'obsession devient purulente, sans doute à l'approche de la mort, et que les dernières résistances cèdent, dans une ultime jouissance du vieil anar tentant son plus beau coup, dans un ultime coup de crayon-érection, le chef de la rédaction responsable du tirage, de la ligne éditrice, et de la survie du journal, tire le cancre, extirpe le chancre, d'une place devenue contre-productive.
C'est que la loi commerciale de survie d'un journal est indépassable.
By jpbb, at 10:34 AM
@Emmanuel
C'est le problème de l'équilibre, de la limite à ne pas franchir. Le racisme est une pathologie de l'esprit quand on s'en sert pour une fin en l'employant comme moyen. Siné aux portes de la mort en sachant qu'il se soustrait ainsi à la Loi, s'affirme anar et peut ainsi se permettre une poussée antisémite. Il bande d'imaginer arriver à foutre la merde, même mort. Ultime jouissance d'un esprit moribond arrivé au terme de sa fixation.
Comme existent les pathologies du mouvement ininterrompu, paranoïa et délires, les pathologies de l'idée fixe, du point de blocage sont monnaie courante à l'autre extrémité de la courbe de Gauss représentant l'adaptation mentale d'une population au fait social. L'état normal est d'enchaîner selon les circonstances arrêt et mouvement, que ce soit au niveau physique comme au niveau mental, ce qui permet de définit le concept d'autonomie.
Le citoyen est libre, il peut bouger dans sa tête, ses idées, ses représentations, et se déplacer dans le monde mental et réel tout comme il peut librement selon son seul désir s'arrêter et se fixer une période de repos ou de vacance.
Dans nos idéaux de toujours, en tant que socialistes, si le bien-être pour tous est conceptuellement facilement accessible, l'accroissement de l'autonomie pour plus de liberté individuelle et collective est plus délicat à traduire, car l'autonomie touche un ensemble de domaines qui ne sont reliés que conceptuellement.
By jpbb, at 11:07 AM
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