L'Aisne avec DSK

19 août 2008

Un lama très politique.

Le séjour du dalaï lama en France remporte un grand succès. Des milliers d'auditeurs se pressent à ses conférences, même lorsque l'entrée est de 15 euros. Le bouddhisme fait parler de lui, on évoque parfois ses millions d'adeptes français. Il y a pourtant un effet de mode dont il faut se distancier.

Les statistiques ne sont guère sérieuses parce qu'elles n'existent pas vraiment. J'étudie le bouddhisme depuis 22 ans, je dirais que ces adeptes dans notre pays ne sont que quelques dizaines de milliers, en excluant la communauté asiatique, dont la pratique est souvent traditionnelle, ne relevant pas d'une option philosophique ou spirituelle. C'est simple: demandez autour de vous qui connaît un bouddhiste authentique, pratiquant régulier. Vous en trouverez très peu, sinon aucun.

Je vais dire les choses brutalement: le dalaï lama ne m'intéresse pas comme chef religieux, son bouddhisme, vajrayana, n'est pas le mien, theravada. A la rigueur, je peux me sentir proche du zen, que j'ai pratiqué (le soto de Deshimaru, pas le rinzaï), mais le bouddhisme tibétain ne m'a jamais séduit, et parfois il m'inquiète (sûrement à tort, par méconnaissance): trop ritualiste, trop mêlé aux superstitions locales, trop complexe, trop centré sur la personne du gourou.

Et puis, le dalaï lama comme incarnation vivante du Bouddha, qu'on repère enfant, décidément non, je n'accroche pas. Je ne veux pas vous entraîner ce matin dans des querelles théologiques (pour parler à l'occidental), mais le theravada, bouddhisme des origines, me semble plus fidèle au message de l'Eveillé que sa version tibétaine, passablement dégénérée. Ce qui n'enlève rien, soyons clair, à la hauteur spirituelle du bouddhisme tibétain. Simplement, je ne m'y reconnais pas.

En revanche, le dalaï lama m'intéresse en tant que chef politique. D'abord parce qu'il représente le Tibet, qu'il en est la voix la plus autorisée, mondialement écoutée et respectée. Ensuite, et c'est moins connu, parce qu'il tient des propos politiques sur d'autres sujets, comme n'importe quel autre homme politique, et des propos qui ne manquent pas d'originalité, par exemple à Nantes le 15 août:

La violence est-elle concevable face à la Chine? Non, le dalaï lama l'exclut totalement. En séparant la politique et la violence, il rompt avec des millénaires de pratiques politiques, rejoignant ainsi le régime démocratique, qui lui aussi proscrit la violence en politique, sauf que la démocratie n'applique cette règle qu'au niveau national, se réservant le droit de guerre à l'extérieur. Ainsi, le dalaï lama nous demande de fabriquer des logements au lieu de tanks!

Il propose que l'Europe déplace son siège en son centre, la Pologne (ce qui serait en effet logique, ce qui nous rapprocherait de ces peuples de l'Est, profondément européens, mais que les peuples de l'Ouest ont du mal à accepter parmi eux). Quant à la Russie, le dalaï lama suggère qu'elle rejoigne l'OTAN et que l'organisation atlantique se donne pour capitale Moscou. Encore plus fou? Qui aurait dit, il n'y a pas si longtemps, que certains pays ex-communistes adhèreraient au Pacte atlantique? Ne nous moquons donc pas des utopies politiques du dalaï lama. Elles apportent un peu de fraîcheur et ne manquent pas de pertinence, du moins sur l'Europe qui a vocation à se recentrer et sur l'OTAN qui doit s'élargir.


Bon après-midi.