L'Aisne avec DSK

15 août 2008

L'hiver en l'été.

Bonsoir à toutes et à tous.

La politique internationale est très active en ce 15 août. Angela Merkel, en visite à Moscou, a pris la défense de la Géorgie et rappelé ce que tout Etat de droit qui respecte la démocratie doit rappeler, la seule position qu'il peut en la matière soutenir: la Géorgie est un Etat indépendant, souverain, dans lequel l'armée russe n'a rien à faire, ses dirigeants ont été démocratiquement élus et ne sont coupables d'aucun crime qui justifierait une éventuelle intervention militaire (qui dans ce cas ne pourrait avoir lieu que sous le mandat de l'ONU, c'est-à-dire sous couvert du droit international, et non pas à l'initiative d'un seul pays, qui plus est l'ancienne puissance occupante, l'ex-URSS). Les efforts que fait actuellement la Russie pour accréditer l'idée d'un génocide géorgien en Ossétie du Sud ne sont pas probants.

Pendant ce temps, les Américains signaient avec les Polognais l'extension de leur bouclier anti-missiles à ce pays, opération prévue de longue date, qui a néanmoins fait réagir Moscou, qui a ni plus ni moins annoncé que ses propres missiles seraient désormais pointés sur la Pologne. Drôle d'effet bouclier! D'ailleurs, depuis la crise en Ossétie, les pays de l'Est ne s'y sont pas trompés: c'est la Géorgie qu'ils ont immédiatemment soutenue, craignant eux aussi le retour du grand frère russe dans leurs affaires intérieures.

Mais puisque je parle de retour, n'est-ce pas plutôt celui de la guerre froide, dont on croyait pourtant la page tournée depuis pas mal de temps déjà? L'hiver au beau milieu de l'été, c'est en tout cas l'impression que donne le mouvement des chars russes en Géorgie et les réactions diplomatiques, parfois les gesticulations, des uns et des autres. Certes, nous n'en sommes pas à la crise des missiles cubaine, mais un vocabulaire, des concepts, toute une stratégie semblent exhumés. La Russie raisonne avec le Caucase comme d'une zone d'influence, un quasi protectorat, une chasse gardée. Nous revenons 40 ans en arrière, avec la politique des glacis, la stratégie des dominos, sauf que la Russie ne peut plus vraiment agir que sur ses marges. Elle en est d'autant plus intransigeante.

Sur la Russie, précisément, mettons-nous à sa place: ce grand pays, qui demeure une grande puissance, notamment nucléaire, défend ses intérêts et se sent encerclé par une Amérique hyperpuissante. Attention à ce jeu dangereux. La société russe a subi le traumatisme de l'effondrement de l'idéologie qui constituait ses fondements, le communisme, mais ne croyons pas que le pays tout entier se soit effondré. Il faut compter avec la Russie, certes pas à n'importe quel prix. D'autant que la Russie n'a pas fait sa révolution. La conversion à la démocratie est certainement une réalité, mais les cadres de l'ancien régime, dont Poutine est le symbole, sont toujours là, et avec eux les réflexes d'autrefois.

N'oublions pas non plus, et je vais le dire d'abord brutalement, que les Etats-Unis n'ont rien à faire en Europe, y compris dans cette extrêmité de l'Europe qu'est la Géorgie. Leur présence, leur volonté de régler les conflits, leur offre de service aux pays de l'Est ne peuvent qu'inquiéter la Russie, exacerber sa méfiance, sans doute même heurter son amour-propre, donner l'impression (qui est plus qu'une impression) que les Américains veulent se mêler de tout en donnant des leçons alors que leur attitude à travers le monde n'est pas toujours exemplaire. Je suis américanophile, j'aime la bannière étoilée mais je n'aime pas la voir flotter sur toutes les parties du monde.

Il faut cependant être honnête et juste: si les Américains replient leur drapeau, s'ils se retirent, s'ils laissent les européens se démerder sur leur continent, que va-t-il se passer? Je ne suis pas certain que la situation serait meilleure, je crains plutôt qu'elle ne soit pire. Tel est le problème: la puissance américaine se nourrit de la scandaleuse absence européenne, on l'a encore vu à propos de la crise géorgienne, où l'Union européenne a bien du mal à parler d'une seule voix. Le drame profond, c'est que les pays de l'Est font plus confiance en l'Amérique qu'en l'Europe pour les protéger. C'est que l'Amérique dispose de la force militaire, pas l'Europe. D'où l'urgence d'une Europe politique, dotée d'une Constitution, d'une Défense et d'une politique étrangère.

Cette Europe, pour moi, va jusqu'à la Russie, englobe ce grand pays qui est européen, qui s'est libéré du communisme, qui doit maintenant se débarrasser de l'autocratie. L'Europe doit l'y aider.


Bonne soirée.