L'Aisne avec DSK

12 octobre 2008

La lettre et le téléphone.

Bonjour à toutes et à tous.

Je poursuis ce matin ma petite réflexion entamée hier sur la nationalisation/privatisation. Le titre du billet laisserait presque croire à une fable de La Fontaine. Il y a un peu de ça, mais sans les animaux. Je me pose une question dont je cherche la morale: pourquoi la privatisation de la Poste mobilise-t-elle, alors que la privatisation des Télécoms est passée... comme une lettre à la Poste?

Remarquez bien autour de vous: personne ne demande le retour du téléphone dans le service public, personne n'y songe même. Plus intéressant: personne ne se plaint du montant de sa facture de téléphone. Ou alors, la responsabilité est imputée à sa consommation personnelle (ou de ses enfants), jugée excessive. Jamais vous n'entendrez quelqu'un dire qu'il paie trop d'électricité, de gaz ou d'eau à cause de sa consommation. Non, ce sont les tarifs qui sont accusés. Pourquoi deux poids deux mesures?

Parce que les produits ne sont pas les mêmes. Le téléphone s'est intégré à l'univers libéral, et nul n'a envie qu'il en sorte. La téléphonie privée, la diversité des forfaits, la charge symbolique du téléphone portable (qui fait qu'on est prêt à y mettre le prix sans broncher), les abonnements complexes où l'on vous fournit plusieurs services (à la grande joie du consommateur), tout cela fait que la libéralisation du téléphone n'a suscité et ne suscite toujours pas de critiques majeures, de la part d'une opinion pourtant prompte à critiquer.

Autre raison à cela: le téléphone est un moyen de communication direct, d'appareil à appareil, qui ne nécessite pas d'intermédiaire humain, à la différence de la Poste et du sympathique facteur (voir mon récent billet "L'avenir de la Poste"). La seule cause d'irritation, ce sont les plateformes téléphoniques, où l'on passe par on ne sait où, où l'on tombe sur on ne sait qui, pour être en contact avec une administration au bout de votre rue. A part ça, l'humain n'intervient pas. Si l'on veut garder la Poste dans le giron du secteur public, c'est parce qu'elle a cette dimension humaine et sociale que n'a pas le téléphone.

Et puis, la Poste est une institution séculaire, d'origine royale, avec son fameux calendrier, qui règne dans les cuisines des milieux les plus populaires. Les télécommunications, c'est technique, c'est moderne, c'est autre chose. La gauche a séparé les deux en créant des établissements spécifiques, la droite a privatisé les Télécoms, comme elle s'apprête à privatiser la Poste. Le téléphone, ça peut se discuter, pour les raisons que j'ai données. La Poste, non, il ne faut pas privatiser, il y a cette dimension humaine, cette plus-value sociale attachée à cette entreprise, qui interdit d'en faire une entreprise comme une autre. Voilà la morale de la fable.


Bonne matinée.