Le retour de Coluche.
Bonsoir à toutes et à tous.
Moi qui ne vais pas souvent au cinéma, j'irai sûrement voir le film d'Antoine de Caunes sur la candidature de Coluche en vue de la présidentielle de 1981. Je m'en souviens très bien, j'avais 20 ans, j'étais chez moi, dans le Berry, sans travail, et j'ai suivi de près cette tentative du comique de percer en politique. Je m'intéressais à la politique depuis plusieurs années déjà, mais cette fois, j'ai pu suivre vraiment une élection, j'avais hélas le temps. Un peu comme aujourd'hui sur ce blog, je consignais mes réflexions et mes notes de campagne sur des petites fiches cartonnées, j'en ai rempli plusieurs boîtes à chaussures, tout ça a aujourd'hui disparu.
J'étais de gauche, je n'aimais pas Marchais, j'espérais la victoire de Mitterrand, je n'y croyais pas, j'étais très hostile à la candidature Coluche. Le comique me plaisait beaucoup, le politique pas du tout. N'oublions pas qu'à l'époque, c'est-à-dire essentiellement à l'automne 1980, Coluche prenait très au sérieux sa candidature, et les médias aussi. Et c'est ce que je n'aimais pas: un grand comique qui se prend au sérieux, qui se voit jouer un rôle politique. Finalement, pendant quelques mois, Coluche avait cessé d'être drôle.
Surtout, je n'aimais pas son message: les politiques tous pourris, et on va "leur foutre dans le cul" (du Coluche dans le texte!). Comme beaucoup d'autres, je n'ai pas apprécié cette disqualification de la politique, cette dérision de la démocratie, ce renvoi dos-à-dos de la droite et de la gauche. Moi, cette année-là, je n'avais qu'un objectif: après 23 ans de domination de la droite, voir la gauche l'emporter. Coluche, mine de rien, venait briser ce rêve, en poursuivant ce qu'avait été le poujadisme, en annonçant ce que serait le populisme.
Ce que je retiens de cet épisode, c'est que la politique connaît des moments de "creux", de dépression, au sens atmosphérique du terme, dans lesquels toutes les démagogies viennent faire leur nid. Celle de Coluche n'était pas la pire, et elle était talentueuse. "Tous pourris", "Droite et gauche pareilles", "Vive moi", on a entendu ça tellement de fois. Coluche aura incarné un moment, pas le plus glorieux de sa carrière, parmi tous ces moments-là. Je n'adhérais pas. Bernard-Henri Lévy, la même année, publiait "L'idéologie française", un ouvrage que j'ai aimé, et qui sans le vouloir dénonçait le "phénomène" Coluche, cette France râleuse, qui critique tout et ne propose rien.
Je dis bien le "phénomène" Coluche, parce que Michel Colucci a été très vite dépassé par l'évènement autour de son nom, quand des intellectuels prestigieux, tels que Deleuze et Bourdieu, l'ont soutenu, quand des sondages lui donnaient plus de 10% à la présidentielle, score énorme qui le transformait en faiseur de roi. Mais cet automne, je m'en rappelle, était gris, triste et froid: les socialistes étaient déchirés entre mitterrandistes et rocardiens, les communistes avaient rompu l'union de la gauche et ne cessaient de critiquer le PS, Giscard était au plus haut dans les sondages, le chômage augmentait, la sidérurgie s'écroulait, aucun espoir ne semblait concevable. Ce que je reproche le plus à Coluche, c'est d'avoir surfé sur ce désespoir. Il me semble même que la candidature d'Yves Montand, elle aussi mais avec beaucoup moins de succès, avait couru.
Bref, le désespoir en politique, ça ne date pas d'aujourd'hui. Le nihilisme non plus. Malgré tout, l'espoir est le plus fort. Mitterrand candidat, entrant activement en campagne à partir de février 1981, tout a changé, tout a basculé, jusqu'à l'apothéose, le 10 mai. Coluche a été vite oublié, emporté par l'Histoire, et il s'est rallié à Mitterrand, est devenu ami avec Attali, a renouvelé quelques années plus tard, en le modernisant, le concept de charité, avec la création des "restaurants du coeur". Fin de d'une histoire qui avait commencé avec le professeur Choron et qui finissait avec l'abbé Pierre. Gardons à l'esprit cette leçon: la dérision en politique ne dure jamais longtemps, l'espoir finit toujours par l'emporter.
Bonne soirée.
Moi qui ne vais pas souvent au cinéma, j'irai sûrement voir le film d'Antoine de Caunes sur la candidature de Coluche en vue de la présidentielle de 1981. Je m'en souviens très bien, j'avais 20 ans, j'étais chez moi, dans le Berry, sans travail, et j'ai suivi de près cette tentative du comique de percer en politique. Je m'intéressais à la politique depuis plusieurs années déjà, mais cette fois, j'ai pu suivre vraiment une élection, j'avais hélas le temps. Un peu comme aujourd'hui sur ce blog, je consignais mes réflexions et mes notes de campagne sur des petites fiches cartonnées, j'en ai rempli plusieurs boîtes à chaussures, tout ça a aujourd'hui disparu.
J'étais de gauche, je n'aimais pas Marchais, j'espérais la victoire de Mitterrand, je n'y croyais pas, j'étais très hostile à la candidature Coluche. Le comique me plaisait beaucoup, le politique pas du tout. N'oublions pas qu'à l'époque, c'est-à-dire essentiellement à l'automne 1980, Coluche prenait très au sérieux sa candidature, et les médias aussi. Et c'est ce que je n'aimais pas: un grand comique qui se prend au sérieux, qui se voit jouer un rôle politique. Finalement, pendant quelques mois, Coluche avait cessé d'être drôle.
Surtout, je n'aimais pas son message: les politiques tous pourris, et on va "leur foutre dans le cul" (du Coluche dans le texte!). Comme beaucoup d'autres, je n'ai pas apprécié cette disqualification de la politique, cette dérision de la démocratie, ce renvoi dos-à-dos de la droite et de la gauche. Moi, cette année-là, je n'avais qu'un objectif: après 23 ans de domination de la droite, voir la gauche l'emporter. Coluche, mine de rien, venait briser ce rêve, en poursuivant ce qu'avait été le poujadisme, en annonçant ce que serait le populisme.
Ce que je retiens de cet épisode, c'est que la politique connaît des moments de "creux", de dépression, au sens atmosphérique du terme, dans lesquels toutes les démagogies viennent faire leur nid. Celle de Coluche n'était pas la pire, et elle était talentueuse. "Tous pourris", "Droite et gauche pareilles", "Vive moi", on a entendu ça tellement de fois. Coluche aura incarné un moment, pas le plus glorieux de sa carrière, parmi tous ces moments-là. Je n'adhérais pas. Bernard-Henri Lévy, la même année, publiait "L'idéologie française", un ouvrage que j'ai aimé, et qui sans le vouloir dénonçait le "phénomène" Coluche, cette France râleuse, qui critique tout et ne propose rien.
Je dis bien le "phénomène" Coluche, parce que Michel Colucci a été très vite dépassé par l'évènement autour de son nom, quand des intellectuels prestigieux, tels que Deleuze et Bourdieu, l'ont soutenu, quand des sondages lui donnaient plus de 10% à la présidentielle, score énorme qui le transformait en faiseur de roi. Mais cet automne, je m'en rappelle, était gris, triste et froid: les socialistes étaient déchirés entre mitterrandistes et rocardiens, les communistes avaient rompu l'union de la gauche et ne cessaient de critiquer le PS, Giscard était au plus haut dans les sondages, le chômage augmentait, la sidérurgie s'écroulait, aucun espoir ne semblait concevable. Ce que je reproche le plus à Coluche, c'est d'avoir surfé sur ce désespoir. Il me semble même que la candidature d'Yves Montand, elle aussi mais avec beaucoup moins de succès, avait couru.
Bref, le désespoir en politique, ça ne date pas d'aujourd'hui. Le nihilisme non plus. Malgré tout, l'espoir est le plus fort. Mitterrand candidat, entrant activement en campagne à partir de février 1981, tout a changé, tout a basculé, jusqu'à l'apothéose, le 10 mai. Coluche a été vite oublié, emporté par l'Histoire, et il s'est rallié à Mitterrand, est devenu ami avec Attali, a renouvelé quelques années plus tard, en le modernisant, le concept de charité, avec la création des "restaurants du coeur". Fin de d'une histoire qui avait commencé avec le professeur Choron et qui finissait avec l'abbé Pierre. Gardons à l'esprit cette leçon: la dérision en politique ne dure jamais longtemps, l'espoir finit toujours par l'emporter.
Bonne soirée.
6 Comments:
Non Ségolène Royal, ce n’est pas assainir le capitalisme qu’il faut, c’est construire une nouvelle société !
La dirigeante du PS a déclaré qu’il fallait "assainir le système". Et elle s’est réjouie que la droite procédait à des nationalisations. Toutes les mesures prises actuellement par Sarkozy et les dirigeants de l’Europe ne vont en rien améliorer la situation, elles ne vont qu’aggraver la crise car elles procèdent de la logique capitaliste. Nationaliser les banques quand elles sont en faillite c’est en fait faire payer la facture au peuple, cela n’a rien de réjouissant. Madame Royal et les députés socialistes se sont abstenus sur le "plan de sauvetage" un plan de centaines de milliards d’euros gaspillés dans le puits sans fond du capitalisme. La seule attitude utile aurait été de voter contre ce plan qui va avoir des conséquences désastreuses pour le peuple.
Bientôt les gens demanderont des comptes à ces politiciens qui s’évertuent à sauver le capitalisme dont la logique ne peut qu’aggraver la situation car la crise financière va créer la crise économique qui entrainera la crise politique. Ces politiciens veulent sauver l’argent car pour eux l’argent est la valeur suprême. Mais derrière les gigantesques sommes d’argent accumulées ce sont en réalité des décennies d’exploitation des travailleurs, des siècles d’accumulation de richesses dérobées aux peuples colonisés qui aujourd’hui leur revienne à la figure par cette crise du capitalisme. Ils sont obnubilés par le fric alors que l’Humanité souffre tant. Ils sont dans l’incapacité d’imaginer autre chose que la vaine tentative de réguler le capitalisme et le renflouement de sa faillite au prix de l’exploitation qu’ils imposent aux salariés, au prix du sang et des larmes que leur politique sème et va semer sur la planète si nous ne nous y opposons pas par millions.
Un monde nouveau va peut-être naître, tout dépendra de chacun d’entre nous et de nos luttes, de notre capacité à participer et à construire une société à mille pour cent démocratique où chaque individu et toute l’humanité seront considérés comme les vraies richesses.
Jean-Paul LEGRAND
By Anonyme, at 7:58 AM
C'est vrai que si on laisse les banques et les assurances se casser la gueule ça risque d'être vachement mieux pour le peuple.Franchement ce qu'il faut pas lire...
By Anonyme, at 10:34 AM
Ah le délire du grand soir, ça marche à tous les coups sur les esprits faibles.
Laissons les banques faire faillite, les supermarchés fermer leur porte, les entreprises licencier. Une bonne grosse crise afin de prendre le pouvoir.
L'extrémisme habituel.
By Anonyme, at 1:48 PM
A Jean-Paul Legrand:
Votre utopisme vous honore, je souhaite qu'il se réalise... quoique, ce genre d'utopie a aussi produit des formes de barbarie pire que le système que vous dénoncez. Donc, il y a un problème.
Quant à l'abstention des députés socialistes, elle est totalement justifiée. A la différence de vous, nous sommes des réalistes. Sarkozy a pris un plan d'urgence qui vaut ce qu'il vaut, mais dans l'immédiat, je n'en vois pas d'autre.
D'autre part, ce plan s'inspire des idées de gauche, certes de loin, mais ce n'est tout de même pas une politique libérale. Pourquoi m'en plaindrais-je?
By Emmanuel Mousset, at 9:24 PM
emmanuel, les années 80 inspirent puisque va sortir également 2 films sur mesrine comme va sortir en dvd début décembre sans armes ni haine ni violences....
By Anonyme, at 10:06 PM
Années 70 plutôt, surtout pour Mesrine. Les voyous seraient-ils les héros d'aujourd'hui?
By Emmanuel Mousset, at 8:46 AM
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