Le malentendu Obama.

Je me trouve au centre de la France au moment où l'on ne parle que du centre du monde, la puissante Amérique et ses élections présidentielles de demain. Le Berry lui aussi, comme la France entière, vit à l'heure des Etats-Unis. Et je m'en étonne un peu, surtout lorsque l'enthousiasme vient de mes amis de gauche, encore plus quand ceux-ci se situent plus à gauche que moi. Leur foi pro-Obama me semble reposer sur plusieurs malentendus, que voici:

1- Quand on se pique généralement d'antiaméricanisme (ce qui n'est pas mon cas), il est surprenant qu'on fixe ses regards outre-atlantique et qu'on croit que que le sort du monde en dépend.

2- Quand on déplore la médiatisation et la peopolisation de la vie politique et qu'on succombe à la belle gueule et à la silhouette fine du candidat démocrate, j'y vois une légère contradiction.

3- Quand on condamne toute forme de communautarisme et qu'on se réjouit de l'accession d'un noir à la présidence américaine, je m'interroge sur la cohérence.

4- Quand on se proclame "vrai socialiste", qu'on critique certains camarades jugés trop timorés et qu'on applaudit le leader de la gauche libérale américaine, là encore, que voulez-vous, je suis sceptique, je me pose des questions.

5- Quand on s'affirme laïque alors qu'Obama, beaucoup plus que Mac Cain, fait jouer la fibre religieuse, je me dis que quelque chose ne cloche pas.

La vérité, comme souvent en ce qui concerne l'Amérique, c'est que ce pays est très mal connu et qu'on y projette facilement, gauche et droite française, tous nos fantasmes politiques. Une partie de la gauche cède depuis quelques semaines à cette tentation, qui n'est que la marque de son insuffisance. Nous croyons trouver ailleurs ce qu'on aimerait tellement avoir chez soi: où est-il donc, notre Obama? L'Obamamania est le signe de notre faiblesse, de notre impuissance, qui génère des contresens:

On voit Obama comme un jeune contestataire, un Martin Luther King de notre temps. Erreur. Le candidat démocrate est beaucoup plus conventionnel que son adversaire républicain, qui est le vrai atypique, l'original de la droite américaine, le contestataire de son propre camp. Obama est l'image, le symbole de la bourgeoisie noire intégrée, qui attend son heure, qui veut jouer désormais un rôle dans l'histoire américaine. Quant aux idées d'Obama, elles sont plutôt modérées. Le Parti démocrate a connu par le passé des candidatures plus radicales. Le vrai fils de l'Amérique, le héros de sa grande épopée, de sa succes story, c'est Obama, et s'il se fait élire, ce sera grâce à ça. Mac Cain, paradoxalement, offre un profil moins américain. Obama, c'est l'Amérique moderne.

Je souhaite de tout coeur, demain soir, la victoire d'Obama, parce que c'est le candidat de la gauche américaine, alors que Mac Cain représente les idées, les intérêts et les couches sociales du conservatisme américain. Mais il me fallait tout de même dénoncer l'engouement français pour Obama, qui relève plus du malentendu que de la lucidité.


Bonne fin d'après-midi.