L'Aisne avec DSK

01 décembre 2008

Bientôt un mois.

Bonjour à toutes et à tous.

C'était il y a bientôt un mois, l'élection d'un président noir aux Etats-Unis, et la folie médiatique qui a précédé et suivi cet événement incontestablement historique. J'ai salué la victoire d'Obama, j'ai été réservé sur l'obamania. Alors que l'émotion s'est dissipée, il est bon de revenir sur l'événement, d'autant que l'excellente émission Arrêt sur images, disponible par abonnement sur le net, y a consacré son dossier n°45, avec pour invité l'intellectuel iconoclaste Emmanuel Todd.

Des propos de ce démographe inclassable et interdisciplinaire, je retiens cinq idées:

1- L'obamania est étrangement le signe de notre servitude volontaire envers les Etats-Unis. Spontanément, les sociétés occidentales recherchent, pour la sauvegarde du monde, une puissance protectrice et régulatrice. Or, pour de nombreux médias, Obama allait changer le monde, comme si le destin de la planète était entre les mains du président américain. Cette soumission est d'autant plus étrange à une époque où le monde devient multipolaire, où les USA en sont moins que jamais les gendarmes, incapables d'attraper Ben Laden, de faire régner l'ordre en Irak et en Afghanistan.

2- Présenter Obama comme "l'homme le plus puissant du monde" est une formule impressionnante mais totalement fausse, ignorante de la réalité politique américaine. Sarkozy a beaucoup plus de pouvoir qu'Obama. La Constitution américaine est un assemblage complexe de pouvoirs divers et de contre-pouvoirs qui limitent plus qu'ils ne développent le pouvoir du président. Imaginer un noir, représentant d'un peuple esclave, devenir à son tour le maître absolu est sans doute un cliché plaisant pour l'esprit, mais peu conforme à la vérité.

3- A cela s'ajoute la crise financière: Obama est porté à la tête d'un pays en déclin, qui vit à crédit, aux crochets du monde extérieur, discrédité par un système financier dont les produits ont pourri l'économie mondiale. C'est à se demander si les Républicains, en laissant faire Mac Cain et Palin, n'ont pas tout simplement renoncé à une présidence qui s'annonce dans des circonstances catastrophiques. C'est la foi américaine dans les vertus de l'argent et du profit qui est de plein fouet attaquée. Obama s'empare d'un pays en ruines, qui n'a que l'apparence de la puissance.

4- Dans une telle situation, Obama n'est pas celui qu'on croit, vu de France, vu de gauche: l'oligarchie financière l'a soutenu, beaucoup plus qu'elle n'a soutenu Mc Cain, les Démocrates ont voté le plan de sauvetage des banques, que les Républicains ont critiqué. Obama est un libéral de centre gauche, c'est-à-dire très peu marqué à gauche. Je ne dis pas que c'est mal, je constate qu'en France on a refusé de le voir ainsi.

5- L'élection d'Obama, noir américain, n'est pas la victoire de l'intégration ou de la non discrimination. Todd explique, de façon assez convaincante, que le racisme, la ségrégation sont inhérents à la culture américaine, que les premiers colons, les Pères Fondateurs, étaient favorables à l'égalité entre blancs seulement et rejetaient tous les autres. Encore aujourd'hui, le métissage se fait mal, les couples mixtes sont peu nombreux. Sauf que la différence noire est moins forte qu'avant (d'où l'élection d'un des leurs au poste suprême): il y a eu embourgeoisement de leur part, et au contraire explosion des inégalités chez les blancs.

Voilà ce que nous expose Emmanuel Todd. Je ne dis pas que je suis d'accord avec tout, mais ce sont des analyses qui me séduisent et qui, surtout, rompent avec le conformisme ambiant, tellement puissant ces derniers temps.


Bon après-midi.