L'Aisne avec DSK

28 décembre 2008

Esprit es-tu là?

J'ai envie, en cette fin d'année, de me mettre au spiritisme, d'interroger les tables tournantes. C'est une blague, évidemment, mais avec une question sérieuse: esprit de gauche, es-tu là? Pourquoi je me le demande? Parce que je remarque que l'esprit de gauche, autour de moi, est souvent absent, même là où il devrait être présent.

Qu'est-ce que j'appelle "l'esprit de gauche"? Une culture, une psychologie, des valeurs, des réflexes quasi innés, presque inconscients, qui font qu'on se "sent" de gauche avant même de s'en réclamer ou d'y militer. Si ce soubassement mental n'existe plus ou est érodé, notre électorat ne peut que s'effondrer. Or, je constate des signes d'usure, dans trois circonstances cette semaine:

1- Comme beaucoup, je suis invité chez les uns et les autres en cette période de fêtes. Les conversations de table, c'est le meilleur sondage sur l'état de l'opinion. Convié à déjeuner chez une amie, de gauche depuis toujours, nous en venons à discuter des dépenses de Noël. Elle m'explique (je résume) que les pauvres gaspillent l'argent que l'Etat leur verse, qu'ils devraient apprendre à être économes. Et les riches? lui dis-je. Eux, me répond-elle, ils n'auront jamais de problèmes, donc ce n'est pas la peine de les interpeller là-dessus.

Eh bien moi, j'en vois un, de problème. On montre du doigt les pauvres, on leur fait la morale, on veut les soumettre à la "bonne" éducation, tandis que les riches sont libres de faire ce qu'ils veulent, au prétexte qu'ils en ont les moyens. Etre de gauche, c'est exactement inverser les termes du problème. Ce sont les riches qu'il faut montrer du doigt, ce sont eux qui font fonctionner un système dont les pauvres sont les victimes consentantes, c'est à eux, les riches, parce qu'ils sont riches et responsables, qu'il faut demander des comptes, pas aux pauvres, qui n'y sont pour rien dans la logique de consommation, qui ne font que la subir passivement.

2- Autre repas des fêtes, chez un copain cette fois, de gauche lui aussi, et avec lequel je discute d'un tout autre sujet: Xavier Bertrand et le premier livre qui lui est consacré, "Le Chouchou". Mon copain dit qu'il ne l'a pas acheté, à quoi je réponds qu'il a bien tort, que l'ouvrage est passionnant, que le tableau fait du ministre est fort juste, que je peux lui prêter mon exemplaire (si j'avais su, j'aurai même pu lui apporter en cadeau!).

Mon copain de gauche fait une moue dubitative, ne semble pas emballé par mes propos et laisse tomber un "les auteurs ne l'aiment pas". Ca me cisaille les pattes! Voilà des journalistes professionnels, l'un du Monde, l'autre de la Chaîne parlementaire, et mon copain ne trouve pas mieux à me répondre que "ils ne l'aiment pas". C'est précisément ce que dit le chouchou pour discréditer le travail pourtant sérieux qui a été fait sur lui.

Du coup, je me dis que les 27 exemples de l'ouvrage vendus chez Cognet sont de mauvais augure pour la gauche. Ce bouquin, qu'on devrait s'arracher comme des petits pains à Saint-Quentin, est boudé parce qu'on ne veut pas, même dans l'intimité de la lecture, porter atteinte à la réputation du grand homme. Misère!

3- J'ai consacré une partie de la semaine à corriger des dissertations de philosophie. Au programme: le travail contribue-t-il à unir ou à diviser les hommes? Inévitablement, les élèves en viennent à parler des inégalités causées par les différences de statuts, de responsabilités, de rémunérations dans le travail. Très bien.

Mais à quoi attribue-t-il, bien souvent, la division, le désordre, la contestation naissant de cette situation sociale? De la jalousie entre les êtres humains. Très peu évoquent le sentiment d'injustice pour expliquer les tensions dans le travail. Bref, la psychologie l'emporte sur la politique. C'est symptomatique d'un état d'esprit: là où l'esprit de gauche décrit une perturbation par le système collectif, l'esprit de droite la renvoie à une réaction purement individuelle.

Esprit de gauche, es-tu là? De moins en moins. A moi, à nous, à d'autres de le réactiver.


Bon après-midi.

2 Comments:

  • A quel esprit de gauche faites-vous appel ?
    certainement à celui du 19e siècle !
    Assez d'assistanat aux frais des classes moyennes qui paiennt l'impôt, qui voient leur pouvoir d'achat s'effondrer, pouvoir d'a. qui résulte de leurs efforts passés, et pour elles pas d'aides !
    J'ai proposé à une mère célibataire, 3 enfants, de l'aider à trouver un travail, elle a sourit " pourquoi ? j'ai 1 000 euros par mois "
    argument implacable, RMI, allocations diverses ( familiales, femme isolée, logement ... ), 1 000 euros non imposables !
    Son amie, dans la même situation, ne pouvait pas payer son loyer+charges, achats électroniques obligent, " porte la facture à l'assistante sociale "
    Faites le paralèlle avec un smicard qui n'a droit à aucune aide !

    Alors votre esprit de gauche, il date un peu, l'avénement de la gauche se fera par une autre voie, refuser l'assistanat sans contraintes, gagner l'adhésion des travailleurs pauvres et des classes moyennes.

    By Anonymous Anonyme, at 10:31 AM  

  • Qu'appelez-vous l'assistanat? Il existe dans notre pays des droits sociaux. Est-ce cela que vous appelez assistanat? Je crains que oui. L'esprit de gauche qui vous déplaît tant, le voilà: c'est la défense des droits sociaux, c'est l'assistance accordée aux plus pauvres.

    Vous opposez le smicard et le pauvre, vous vous réclamez des classes moyennes. Et les classes supérieures, pourquoi n'en parlez-vous pas? Les injustices, les inégalités, les gaspillages qu'elles génèrent, vous les passez sous silence! Voilà l'esprit de gauche: demander des comptes aux privilégiés, pas aux assistés.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 11:03 AM  

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