L'Aisne avec DSK

25 décembre 2008

Le débat ne fait que commencer.

Bonsoir à toutes et à tous.

Dans toute réflexion, il faut commencer par écarter les mots ou les références qui polluent le débat. Prenez la vidéo-surveillance. Si vous partez de l'image orwellienne de "Big Brother", il n'est plus possible de penser au problème (quelle que soit la réponse), puisqu'une condamnation arrête d'emblée toute analyse. Il en va de même avec l'euthanasie. Le mot, dans sa consonance et son histoire, renvoie à l'eugénisme nazi. A partir de là, comment voulez-vous qu'un débat s'instaure?

La démocratie est faite d'affrontements, de points de vue irréconciliables qui sont tranchés non par les protagonistes mais par les citoyens, le corps électoral. Mais il doit y avoir confrontation, échange, argumentation. C'est à l'arrivée, pas au départ, que les oppositions sont tracées, et aussi les éventuels et indispensables compromis (la démocratie, c'est même l'art du compromis).

Il faut également, dans une discussion, pour qu'il y ait discussion, savoir de quoi l'on parle. L'étymologie peut être, de ce point de vue (mais pas toujours), un précieux apport. Euthanasie, en grec, signifie "bonne mort", c'est-à-dire mourir dans de bonnes conditions. Le partisan de l'euthanasie que je suis ne cherche rien d'autre: une mort qui ne soit plus laissée à sa sauvagerie naturelle mais traitée dans de bonnes conditions. Humaniser, civiliser la mort, si vous préférez.

Mais l'étymologie, utile, n'est pas suffisante. Historiquement, sous l'Antiquité et au Moyen Age, on réserve le mot et l'acte aux agonisants: mettre fin à leur vie pour abréger leur souffrance. Ce qui signifie que l'euthanasie se distingue du suicide (je ne suis pas favorable à ce qu'on aide les gens à se suicider, qu'ils le fassent eux-mêmes s'ils en ont envie!).

L'euthanasie n'est pas non plus un accompagnement du mourant à travers une médication qui atténuerait sa souffrance (c'est la définition du soin palliatif). Laisser mourir n'est pas mettre fin à une vie. De ce point de vue, la notion d'euthanasie passive me semble hypocrite ou très incertaine. L'euthanasie ne peut qu'être active.

Evidemment, mais les évidences méritent souvent d'être rappelées (la preuve!), l'euthanasie n'a rien à voir avec l'eugénisme nazi, qui est un crime. Là, on ne donne pas la mort pour abréger la souffrance de quelqu'un qui agonise, on supprime ceux qui n'entrent pas dans une certaine norme (les handicapés mentaux, par exemple). On produit de la souffrance au lieu de la faire disparaître.

Le mot et le débat qu'il provoque sont modernes. La question s'est posée à partir du moment où la durée de vie a été prolongée et où les progrès de la science ont permis de maintenir en vie dans des conditions qui ne sont plus guère humaines (l'acharnement thérapeutique). Avant, et pendant des siècles, on passait très vite de vie à trépas et les moyens techniques de durer un peu plus n'existaient pas. Le débat sur l'euthanasie rejoint les réflexions contemporaines sur la bioéthique.

C'est un débat qui est inévitablement difficile et qui ne peut pas se réduire à des oppositions tranchées entre les bons et les méchants. C'est un débat délicat, puisqu'il est question de vie et de mort. C'est un débat complexe (médical, juridique, religieux, moral, philosophique), que je voudrais illustrer par deux exemples: le serment d'Hippocrate demande de jurer que "je ne prolongerai pas abusivement les agonies", mais aussi que "je ne provoquerai jamais la mort délibérément". La Suisse interdit l'euthanasie et autorise le "suicide assisté". Pas facile, tout ça. Mais si cela l'était, aurions-nous besoin d'y réfléchir?


Bonne soirée.