Malade en bonne santé.

Sale temps pour les détectives! Après Derrick qui a passé l'arme à gauche, j'apprends que Columbo, mon cher Columbo, est atteint par la maladie d'Alzheimer. On se souvient du documentaire récent sur Annie Girardot, touchée par ce mal. Impressionnant! La fille de Peter Falk veut mettre son père sous tutelle, pour le soustraire aux influences néfastes.

Alzheimer, dans notre imaginaire de la peur, a remplacé le cancer. D'abord parce que celui-ci peut être vaincu, pas celle-là. On guérit de la moitié des cancers, on peut les prévenir. Alzheimer, c'est la tragique fatalité dans une société qui se veut libre, y compris envers la fatalité. Alzheimer, un mot qui fait peur, un mot qui se prononce difficilement, comme si l'innommable était déjà dans le nom et son élocution.

Surtout, Alzheimer, c'est une maladie de bien portants. Le corps est en forme, c'est la tête qui déraille, c'est ce que nous sommes, notre identité, l'esprit qui est touché. Le cancer, en rongeant le corps, est moins cruel. La folie, en nous faisant basculer dans un autre monde, est moins scandaleuse. Mais la santé minée par la maladie passe pour intolérable. Le vieillard certes retombe en enfance, dit-on. Mais c'est un vieillard. Falk, Girardot et bien d'autres ne sont qu'âgés.

Alzheimer pose un problème politique et un problème de société, Chirac et Sarkozy ne s'y sont pas trompés: comment faire face à une population qui vieillit, qui est atteint par les maladies de la vieillesse, qui s'affaiblit et se fragilise dans une société qui exalte le corps, la jeunesse, l'énergie, l'autonomie et la santé? Les seniors pètent la forme, mais une partie d'entre eux deviennent vulnérables. Que faire?

Pendant longtemps, la maladie n'était pas un facteur d'inégalités entre les hommes. Riches ou pauvres, puissants ou misérables, tous étaient frappés, la maladie ne s'arrêtait pas aux portes des châteaux ou aux marches des palais. Aujourd'hui, la bonne santé dépend de plus en plus de la situation sociale, y compris en matière de prévention. Les gouvernements vont devoir dégager des sommes colossales, revoir totalement l'organisation médicale, s'ils veulent réduire les inégalités et protéger l'ensemble de la population. Santé danger, santé priorité!


Bon après-midi.