Vivre libre et digne.
Bonjour à toutes et à tous.
Je reviens sur l'euthanasie, dont j'ai parlé il y a quelques jours, et qui me semble le seul grand et grave problème de société de ce début de XXIème siècle. De nouvelles réflexions me sont venues à l'esprit:
Quand Sénèque s'ouvre les veines dans un bain d'eau tiède, on admire le geste. Quand Socrate boit la ciguë au lieu de choisir l'exil, on applaudit. Quand Roméo et Juliette mettent fin à leurs jours par amour, on trouve cela très beau. Et quand un pauvre diable, cloué au lit par la douleur, qui n'a plus rien à attendre de la vie, de la médecine ni de personne, demande le coup de grâce, qu'il est dans l'incapacité de se donner à lui même, on le lui refuse. Où est le scandale?
Sénèque est contestable quand il obéit aux injonctions de Néron, Socrate est bien sot de ne pas poursuivre ailleurs son activité philosophique, Roméo et Juliette ont tort de penser que la mort scelle l'amour. Ceux-là étaient libres de vivre et ils ont embrassé la mort. Je ne suis pas d'accord: la vie passe avant tout. Et c'est pourquoi je suis pour l'euthanasie, quand la vie n'est plus une vie, quand vous n'avez plus le choix mais qu'il vous reste cette ultime liberté, en finir, tirer sa révérence, dire adieu.
Ne pas accorder l'euthanasie, c'est retirer au souffrant sa dernière humanité, c'est le condamner à pire que mourir: souffrir. La seule chose inacceptable sur cette terre, c'est la douleur privée d'espoir, on a très mal et demain n'existe pas. Il n'y a plus alors de dignité à vivre. L'homme qui ne fait plus qu'un avec son lit d'hôpital ne se relèvera plus, ne sera plus jamais un homme debout. Qu'est-il devenu? Une bête dans des draps qui sont déjà son linceul, au mieux abrutie par la morphine, une plante somnolente, ou une machine vivante, un corps perfusé plein de fils et branchements, une pieuvre technologique. Est-ce beau à voir, est-ce bien à vivre? Non, sauf si on aime cette épreuve. Mais qu'on ne la fasse pas subir à qui n'en veut pas.
Une idéologie insidieuse se répand dans le milieu hospitalier, associatif et intellectuel. Elle porte des noms apaisants et séducteurs: "fin de vie", "accompagnement des mourants", "soins palliatifs". Mine de rien, elle esquive le débat, elle refoule le mot qui fait peur: euthanasie. Elle laisse croire, sur un fond vaguement chrétien, que la mort devrait être regardée en face, attendue avec sagesse, comme une épreuve de vérité qu'il ne faut pas précipiter ni provoquer par soi-même.
Je n'en crois rien, la mort est pour moi tout simplement dégueulasse, et je n'ai besoin d'aucune morale ou philosophie pour forcer un sens à ce qui n'en a pas. C'est pourquoi le débat sur l'euthanasie n'est pas essentiellement juridique, politique ou médical, il est métaphysique: quelle idée se fait-on de la mort? Comme Epicure, je pense qu'elle n'est rien, un néant inintéressant, comme Spinoza, je crois qu'il vaut mieux méditer sur la vie que sur la mort.
Certains craignent que l'euthanasie répande la mort dans la société. Comme si la mort avait besoin de ça! Je ne réclame pas la liberté de mourir, puisque nous l'avons tous et que nous pouvons l'exercer à tout moment, en se tuant. Ce que je demande, c'est un droit, c'est-à-dire une possibilité donné à quelqu'un, le malade, le condamné, qui ne jouit plus de ce moyen, qui a besoin d'être assisté. Ce droit, comme n'importe quel droit, ne peut s'appliquer que sous conditions, encadré par la loi. Et ce droit, je ne souhaite à personne d'être en situation d'y recourir. Longue vie à tous, et une mort naturelle dans la douceur! Mais pour celui qui n'a plus que la douleur, oui, ce droit doit lui être permis.
Bon après-midi.
Je reviens sur l'euthanasie, dont j'ai parlé il y a quelques jours, et qui me semble le seul grand et grave problème de société de ce début de XXIème siècle. De nouvelles réflexions me sont venues à l'esprit:
Quand Sénèque s'ouvre les veines dans un bain d'eau tiède, on admire le geste. Quand Socrate boit la ciguë au lieu de choisir l'exil, on applaudit. Quand Roméo et Juliette mettent fin à leurs jours par amour, on trouve cela très beau. Et quand un pauvre diable, cloué au lit par la douleur, qui n'a plus rien à attendre de la vie, de la médecine ni de personne, demande le coup de grâce, qu'il est dans l'incapacité de se donner à lui même, on le lui refuse. Où est le scandale?
Sénèque est contestable quand il obéit aux injonctions de Néron, Socrate est bien sot de ne pas poursuivre ailleurs son activité philosophique, Roméo et Juliette ont tort de penser que la mort scelle l'amour. Ceux-là étaient libres de vivre et ils ont embrassé la mort. Je ne suis pas d'accord: la vie passe avant tout. Et c'est pourquoi je suis pour l'euthanasie, quand la vie n'est plus une vie, quand vous n'avez plus le choix mais qu'il vous reste cette ultime liberté, en finir, tirer sa révérence, dire adieu.
Ne pas accorder l'euthanasie, c'est retirer au souffrant sa dernière humanité, c'est le condamner à pire que mourir: souffrir. La seule chose inacceptable sur cette terre, c'est la douleur privée d'espoir, on a très mal et demain n'existe pas. Il n'y a plus alors de dignité à vivre. L'homme qui ne fait plus qu'un avec son lit d'hôpital ne se relèvera plus, ne sera plus jamais un homme debout. Qu'est-il devenu? Une bête dans des draps qui sont déjà son linceul, au mieux abrutie par la morphine, une plante somnolente, ou une machine vivante, un corps perfusé plein de fils et branchements, une pieuvre technologique. Est-ce beau à voir, est-ce bien à vivre? Non, sauf si on aime cette épreuve. Mais qu'on ne la fasse pas subir à qui n'en veut pas.
Une idéologie insidieuse se répand dans le milieu hospitalier, associatif et intellectuel. Elle porte des noms apaisants et séducteurs: "fin de vie", "accompagnement des mourants", "soins palliatifs". Mine de rien, elle esquive le débat, elle refoule le mot qui fait peur: euthanasie. Elle laisse croire, sur un fond vaguement chrétien, que la mort devrait être regardée en face, attendue avec sagesse, comme une épreuve de vérité qu'il ne faut pas précipiter ni provoquer par soi-même.
Je n'en crois rien, la mort est pour moi tout simplement dégueulasse, et je n'ai besoin d'aucune morale ou philosophie pour forcer un sens à ce qui n'en a pas. C'est pourquoi le débat sur l'euthanasie n'est pas essentiellement juridique, politique ou médical, il est métaphysique: quelle idée se fait-on de la mort? Comme Epicure, je pense qu'elle n'est rien, un néant inintéressant, comme Spinoza, je crois qu'il vaut mieux méditer sur la vie que sur la mort.
Certains craignent que l'euthanasie répande la mort dans la société. Comme si la mort avait besoin de ça! Je ne réclame pas la liberté de mourir, puisque nous l'avons tous et que nous pouvons l'exercer à tout moment, en se tuant. Ce que je demande, c'est un droit, c'est-à-dire une possibilité donné à quelqu'un, le malade, le condamné, qui ne jouit plus de ce moyen, qui a besoin d'être assisté. Ce droit, comme n'importe quel droit, ne peut s'appliquer que sous conditions, encadré par la loi. Et ce droit, je ne souhaite à personne d'être en situation d'y recourir. Longue vie à tous, et une mort naturelle dans la douceur! Mais pour celui qui n'a plus que la douleur, oui, ce droit doit lui être permis.
Bon après-midi.
4 Comments:
A l'époque, je pensais aussi que la loi Léonetti était insuffisante et qu'il faut aller "plus loin"... jusqu'à ce que j'entende des arguments contraires qui me font aujourd'hui douter.
Voici un article de synthèse du "pour" et du "contre", que j'avais rédigé à l'époque...
Quelles sont les formes de l'euthanasie ?
- l'euthanasie passive (le refus ou l'arrêt d'un traitement nécessaire au maintien de la vie) et l'euthanasie indirecte (l'administration d'antalgiques dont la conséquence seconde et non recherchée est la mort). Elles sont autorisées en France, grâce à la loi Léonetti.
- l'aide au suicide, où le patient accomplit lui-même l'acte mortel, guidé par un tiers qui lui a auparavant fourni les renseignements et/ou les moyens nécessaires pour se donner la mort. Elle est autorisée en Suisse.
Question : parle-t-on de suicide médicalement assisté ou de suicide juridiquement assisté ?
On peut dénoncer le principe du suicide médicalement assisté, car le médecin a prêté le serment d'Hippocrate, dans lequel il promet d'exercer son art pour guérir et soulager, mais pas pour tuer. Pourtant, ces mêmes médecins pratiquent déjà l'avortement....
On peut aussi avoir des réserves sur le principe du suicide juridiquement assisté, au nom du risque de traumatisme psychologique du bénévole qui se « dévouera ».
- l'euthanasie active, c'est-à-dire l'administration délibérée de substances létales dans l'intention de provoquer la mort, à la demande du malade qui désire mourir, ou sans son consentement, sur décision d'un proche ou du corps médical. Elle est autorisée en Belgique et aux Pays-Bas.
La loi Leonetti est-elle suffisante ?
- Arguments du "NON" :
La loi Leonetti est hypocrite car pour soulager les souffrances, elle autorise l'utilisation de traitements pouvant avoir pour effet secondaire d'abréger la vie.
- Arguments du "OUI" :
Un "droit au suicide assisté" ne saurait se substituer à la liberté de se suicider, et la société ne peut pas confier cette mission aux médecins.
D'autre part, une partie importante de nos concitoyens et des professionnels de santé, connaissent mal cette loi. Sans parler de la « mauvaise volonté » ou du manque de moyens pour l'appliquer (seuls 15 % des français ont accès aux soins palliatifs !).
Il faut donc faire en sorte que la loi actuelle soit réellement appliquée, avant de l'évaluer et éventuellement, de la modifier... En attendant, on peut compter sur l'indulgence de la justice, quand ponctuellement, un cas d'euthanasie « illégale » est révélée.
Faut-il faire une loi pour une minorité ayant une fin de vie difficile ?
- Arguments du "NON" :
On n'est pas censé légiférer pour satisfaire des situations particulières. Et on ne résout pas toutes les questions humaines par la loi.
- Arguments du "OUI" :
Cette loi jouerait un rôle « d'assurance contre la mauvaise mort » (assumée par toute une communauté, pour ne profiter qu'à quelques uns).
D'autre part, avec l'allongement de la durée de la vie, des souffrances nouvelles apparaissent pour une « minorité » qui ne cessera de grandir.
Enfin, une loi permettrait d'encadrer des euthanasies actuellement illégales.
By Anonyme, at 11:10 PM
Pardon, erreur de copier-coller :
la défintion de "l'euthanasie active" (fin du 2e paragraphe) est en fait le 3e point du 1er paragraphe.
By Anonyme, at 11:15 PM
Merci Thierry pour cet argumentaire de synthèse. J'ai bien conscience du pour et du contre, l'important pour moi est de lancer le débat. Dans une société où les gens très âgés seront de plus en plus nombreux, la question est cruciale.
Tu fais quoi pendant les fêtes, à part bloguer?
By Emmanuel Mousset, at 12:27 PM
Pendant les vacances de Noël, je reste reclus chez moi avec les enfants, pendant que Claudine est partie travailler en Région Parisienne (y compris les 2 week-ends et les 2 jours fériés !).
La vie de famille est (provisoirement) sacrifiée au profit du pouvoir d'achat...
Tiens, c'est justement le modèle de société qui a le vent en poupe ! Ca me donne l'occasion de vérifier, une fois de plus, que mon coeur est bien à Gauche !
By Anonyme, at 9:04 PM
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