Gens de gauche.

Bonjour à toutes et à tous.

Le problème fondamental de la gauche saint-quentinoise, dont on parle peu parce que sa solution est difficile, c'est son absence d'assise culturelle, associative. La gauche politique, institutionnelle ne peut prospérer, obtenir de bons résultats électoraux que si elle surfe, en quelque sorte, sur toute une mouvance sociologique relativement structurée. Ce n'est pas le cas. Les réseaux de la ville sont organisés ou dirigés par des personnes dont la sensibilité est le plus souvent de droite.

Ce n'est pas que l'électorat de gauche n'existe pas. Il est là, il s'exprime lors des scrutins nationaux. Mais il n'est pas canalisé, orienté dans de grandes (ou de petites) structures associatives, sociales, conviviales qui seraient tenues ou influencés par des femmes et des hommes de gauche. Tant que ce travail de terrain, ce maillage social ne seront pas effectués, la gauche n'aura aucune chance de l'emporter.

La droite locale a bien compris qu'on ne gagnait pas une élection en faisant uniquement de la politique et en menant des campagnes électorales. Elle est présente partout, même là où il ne semble pas y avoir d'enjeu politique, parce qu'elle sait que c'est ainsi qu'on prépare le terrain. J'essaie, dans la mesure de mes moyens, de faire de même, mais je mesure depuis des années l'ampleur du travail et la grandeur des difficultés, la première d'entre toutes étant de convaincre mes propres camarades du bien fondé d'une telle démarche.

Si je vous dis tout ça, que vous connaissez déjà si vous lisez régulièrement ce blog, c'est parce que la récente actualité m'y conduit. J'ai passé, il y a trois semaines, le documentaire de Patrice Leconte "C'est dur d'être aimé par des cons", dans le cadre de mon Ciné-Philo. Trente spectateurs seulement! Alors qu'il nous est arrivé d'atteindre les 170... Ce film, qui traite du procès intenté à Charlie-Hebdo par des associations musulmanes, aborde des questions chères à la gauche: liberté d'expression, danger de l'intégrisme, nécessité de la laïcité. Charlie est un journal connu, apprécié, qui a son public, y compris, je n'en doute pas, à Saint-Quentin. Mais sa mobilisation n'a pas été réussie.

Pourquoi? Certes, je ne bénéficie pas de la diffusion de l'information par les réseaux habituels de la Municipalité. Mais l'explication fondamentale n'est pas là. Notre électorat va voter, mais il se mobilise rarement dans ce genre de manifestation, à la différence de l'électorat de droite. Et ce n'est pas ma personne ou mon engagement social-démocrate qui portent ombrage. J'en veux pour preuve l'échec relatif d'une autre initiative qui elle aussi aurait dû drainer le public de gauche: le film de Benoît Delépine, natif de Saint-Quentin, "Louise-Michel", tourné avec des figurants de la ville, sur un thème plutôt "radical", dont Siné-Hebdo a fait une très large publicité.

Eh bien ça n'a pas marché à Saint-Quentin, alors que toutes les conditions de la réussite étaient réunies. La directrice du multiplexe, Madame Zann, compare avec la fréquentation dans des villes semblables à la nôtre: il n'y a pas photo! Qu'il s'agit du réformiste Val ou du "radical" grolandais Delépine, les gens de gauche ne sont pas au rendez-vous, parce que les réseaux qui devraient les mobiliser n'existent pas ou sont trop modestes.

C'est pourquoi je pense, depuis quelques années (je n'ai pas toujours pensé ainsi!), qu'il est plus important de militer pour ses idées dans une association qu'à l'intérieur d'un parti(surtout lorsqu'on est à peu près certain de ne pas être élu, surtout quand on n'approuve pas la ligne politique suivie). Dans l'idéal, il faudrait les deux, d'autant que l'un (le politique) dépend, résulte de l'autre (l'associatif). Mais dans l'ordre des priorités, le privilège de l'utilité va à l'associatif.


Bon après-midi.