Le moment fraternité.
Bonsoir à toutes et à tous.
Je ne sais pas si on peut dire que le Conseil national du PS a été, aujourd'hui, un "moment fraternité". Mais le nouveau livre de Régis Debray, qui porte ce titre ("Le moment fraternité", NRF, Gallimard), nous invite à y réfléchir. Un bouquin de Debray qui sort, c'est toujours un petit événement pour la gauche, surtout quand celui-ci médite sur une vertu républicaine un peu oubliée: liberté, égalité, ça oui, on en parle; la fraternité, ça fait un peu ringard, un peu curé. A tout prendre, on préfère parler de solidarité, éventuellement de justice. Sauf que ce ne sont pas des synonymes.
Je n'ai pas encore acheté le dernier Debray, mais l'essayiste était hier matin au journal de France-Inter. C'était juste avant que je ne parte pour Crouy, aux obsèques de Sudo. Je me suis dit qu'il pouvait aussi y avoir une fraternité post-mortem. Qu'a dit Régis? Que la fraternité, c'est quand le "nous" prime sur le "je". Mais ce n'est pas pourtant l'amour universel. Quand Ségolène martèle fra-ter-ni-té au Zénith, elle est plus, selon Debray, dans la compassion, l'empathie. "Aimez-vous les uns les autres", c'est christique, ce n'est pas fraternel.
Ce qui signifie que la fraternité a toujours une dimension tragique: le "nous" n'existe que dans l'opposition à "eux", aux "autres". "Combattez les uns avec les autres", voilà comment Debray comprend la fraternité, une notion virile, sans douceur, sans clémence. Il n'y a pas de fraternité entre l'esclave et son maître, entre le salarié et le patron. Bref, la fraternité n'est concevable que dans l'égalité et la liberté. D'où la formule républicaine.
La fraternité n'a rien à voir non plus avec la fratrie, les frères de sang. Même mot, mais idée tout à fait différente, opposée. La fraternité est politique, sociale, idéologique, elle ne peut pas être biologique. Je choisis mon frère, il ne m'est pas imposé. La fraternité convient à des camarades, dans un parti de gauche.
Mais la politique pose un problème: quand il y a du pouvoir, peut-il y avoir de la fraternité? Quand il y a les élus d'un côté et les militants de l'autre, c'est à dire les décideurs et les exécutants, il n'y a plus égalité, donc absence de vraie fraternité. C'est pourquoi on utilise souvent aujourd'hui, dans les partis politiques, ce mot horrible qui ne veut rien dire: "convivialité", qui est la négation de la fraternité. Avec Debray, je crois au charme et à la vérité des anciens mots.
Bonne soirée fraternelle.
Je ne sais pas si on peut dire que le Conseil national du PS a été, aujourd'hui, un "moment fraternité". Mais le nouveau livre de Régis Debray, qui porte ce titre ("Le moment fraternité", NRF, Gallimard), nous invite à y réfléchir. Un bouquin de Debray qui sort, c'est toujours un petit événement pour la gauche, surtout quand celui-ci médite sur une vertu républicaine un peu oubliée: liberté, égalité, ça oui, on en parle; la fraternité, ça fait un peu ringard, un peu curé. A tout prendre, on préfère parler de solidarité, éventuellement de justice. Sauf que ce ne sont pas des synonymes.
Je n'ai pas encore acheté le dernier Debray, mais l'essayiste était hier matin au journal de France-Inter. C'était juste avant que je ne parte pour Crouy, aux obsèques de Sudo. Je me suis dit qu'il pouvait aussi y avoir une fraternité post-mortem. Qu'a dit Régis? Que la fraternité, c'est quand le "nous" prime sur le "je". Mais ce n'est pas pourtant l'amour universel. Quand Ségolène martèle fra-ter-ni-té au Zénith, elle est plus, selon Debray, dans la compassion, l'empathie. "Aimez-vous les uns les autres", c'est christique, ce n'est pas fraternel.
Ce qui signifie que la fraternité a toujours une dimension tragique: le "nous" n'existe que dans l'opposition à "eux", aux "autres". "Combattez les uns avec les autres", voilà comment Debray comprend la fraternité, une notion virile, sans douceur, sans clémence. Il n'y a pas de fraternité entre l'esclave et son maître, entre le salarié et le patron. Bref, la fraternité n'est concevable que dans l'égalité et la liberté. D'où la formule républicaine.
La fraternité n'a rien à voir non plus avec la fratrie, les frères de sang. Même mot, mais idée tout à fait différente, opposée. La fraternité est politique, sociale, idéologique, elle ne peut pas être biologique. Je choisis mon frère, il ne m'est pas imposé. La fraternité convient à des camarades, dans un parti de gauche.
Mais la politique pose un problème: quand il y a du pouvoir, peut-il y avoir de la fraternité? Quand il y a les élus d'un côté et les militants de l'autre, c'est à dire les décideurs et les exécutants, il n'y a plus égalité, donc absence de vraie fraternité. C'est pourquoi on utilise souvent aujourd'hui, dans les partis politiques, ce mot horrible qui ne veut rien dire: "convivialité", qui est la négation de la fraternité. Avec Debray, je crois au charme et à la vérité des anciens mots.
Bonne soirée fraternelle.
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