L'Aisne avec DSK

20 février 2009

L'homme de pouvoir.

Bonjour à toutes et à tous.

De la vie politique italienne, je ne connais pas grand-chose, j'ai des clichés, qui sont aussi des réalités: le terrorisme le plus violent (les Brigades Rouges), le parti communiste le plus influent d'Europe, l'Eglise la plus puissante (le Vatican), l'organisation la plus criminelle (la Mafia), la République la plus parlementarisée. Mais derrière les cartes postales, il y a quoi? L'Italie, c'est une tragédie, parfois une comédie, toujours un opéra sur le pouvoir et sa violence.

C'est ce qui ressort du film de Paolo Sorrentino, "Il Divo", qui a été l'objet de mon Ciné Philo de lundi dernier. Si je ne connais pas grand-chose à la politique italienne, je ne sais rien du tout de la vie et l'oeuvre de Giulio Andreotti, qui a dominé la vie politique de la péninsule pendant un demi-siècle, occupant différents pouvoirs, survivant à toutes les crises. Le film porte sur ce personnage. C'est une magnifique réflexion sur le pouvoir et l'homme de pouvoir, qui dépasse très largement les frontières italiennes, et qui met à mal certains préjugés.

L'homme de pouvoir, chacun l'imagine charismatique, séducteur, beau parleur, meneur d'hommes. Andreotti est tout sauf ça. C'est un petit homme gris, terne, triste, à la limite du comique, entre Zébulon et le professeur Nimbus. Un homme de pouvoir est-il un mobilisateur d'hommes? Pas du tout, c'est un manipulateur d'hommes. Et pour manipuler efficacement, il ne faut pas briller, il faut demeurer dans la grisaille. Combien en ai-je vu s'avancer et se hisser sur la dernière marche, de ces petits hommes gris qui ne paient pas de mine!

L'homme de pouvoir, chacun l'imagine entouré d'amis, dans une démarche très collective. Andreotti connaît à peu près 300 000 personnes (c'est lui qui le dit!) mais n'a aucun ami. C'est un homme seul, qui n'éprouve aucun sentiment particulier à l'égard des êtres humains. C'est aussi sa grande force, c'est même sa vertu, comme il a été remarqué lors du débat qui a suivi la projection du film. Si l'homme de pouvoir veut être un homme juste, il doit se garder de tout lien, de toute préférence, il doit cultiver la distance, et la hauteur.

L'homme de pouvoir, c'est celui qui entretient un rapport très particulier avec le temps. Andreotti ne semble avoir qu'une préoccupation, et qu'une réussite: durer. Le pouvoir, ce n'est pas sa conquête (relativement facile, avec un peu d'audace et d'habileté), c'est sa conservation, très difficile. On ne devient vraiment un virtuose du pouvoir qu'une fois qu'on l'occupe et qu'on le pratique.

J'ai quelque scrupule à vous parler ainsi d' "Il Divo": il faut aller le voir, c'est un film d'une incroyable richesse, qui ne se laisse pas facilement résumer. Allez voir aussi cet autre film,"Che", et vous comprendrez la différence entre un homme politique, héroïque, flamboyant, et un homme de pouvoir. C'est le jour et la nuit! Dans mes premières années de politique, je m'étonnais d'entendre des hommes de pouvoir, à mon petit niveau, dire qu'ils ne s'intéressaient pas vraiment à la politique (certains prétendent même ne pas en faire, et je les crois volontiers!). Comme je crois volontiers qu'un homme politique n'est pas nécessairement un homme de pouvoir: c'est toute la différence entre Guevara et Andreotti. J'oserai même ce paradoxe: faire de la politique empêche peut-être d'accéder au pouvoir!


Bonne matinée.

4 Comments:

  • et forcément l'asthmatique guevara
    a forcément plus de souffle...

    Il ne me semble pas qu'il avait beaucoup plus d'amis quand il était ministre de Cuba.

    Seriez vous en train de confondre la camaraderie et la fraternité qu'on peut trouver avant l'accession au pouvoir et la solitude de son exercice.

    Vous me direz que comme vous n'avez jamais exercé de pouvoir,
    vous ne pouvez pas savoir à quel point son exercice est solitaire.
    Et comme en plus, à la base vous n'etes pas ni fraternel, ni un bon camaradé.
    Il n'est pas surprenant que tout cela vous soit étranger.

    By Blogger grandourscharmant, at 1:56 PM  

  • Je passe sur vos amabilités à mon égard, elles vous sont coutumières, donc insignifiantes.

    Quant au reste, j'ai toujours distingué la camaraderie, qui doit s'adresser à tout socialiste, qui est une relation politique, et l'amitié, qui s'adresse à quelques individus, dans l'espace purement privé.

    La fraternité, c'est une notion beaucoup plus métaphysique: c'est l'amabilité qu'on doit à tout homme sur cette Terre. Vous seriez bien aise de vous en inspirer.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 2:32 PM  

  • Les coutumes et les rituels sont important,
    tout comme les convictions.


    Et je trouve les distinctions que vous avez faites plutot pertinentes.

    By Blogger grandourscharmant, at 4:19 PM  

  • Je vous propose, sinon de changer vos rituels, du moins de les diversifier.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 5:44 PM  

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