Pas d'accord avec Val.
Vais-je me fâcher avec mon cher Philippe Val? Non bien sûr, mais pour une fois je ne suis pas complètement d'accord avec son édito de cette semaine dans Charlie. Vous allez vite comprendre pourquoi.
Ce n'est pas quand il dénonce "le silence de la gauche" sur les manifestations antisémites contre l'animateur Arthur. J'ai fait là-dessus, il y a quelques jours, un billet où je dis moi aussi à peu près ça. Ce n'est pas non plus quand il déplore "la façon dont Péan a attaqué Kouchner", qui selon lui "pue l'aigreur néo-pétainiste". Je n'ai pas parlé du "Monde selon K.", mais ce Péan est un drôle de bonhomme dont je ne sais pas trop quoi penser. Je suis prêt à faire crédit à Val sur ce point.
Là où nous nous séparons, c'est sur le jugement que ce social-démocrate proclamé, avec qui j'ai tout pour m'entendre, porte sur le Parti socialiste d'aujourd'hui:
"La nouvelle direction n'a vu le jour qu'au prix d'une manoeuvre réussie en vue de l'éviction de Bertrand Delanoë, le seul pourtant qui a refusé de prendre les militants pour des demeurés et qui l'a payé très cher. Et cela dit tout. Que ses idées soient bonnes ou mauvaises, là n'est pas la question. Il ouvrait un débat qui a été refusé".
Plus loin, Val porte l'estocade, en dénonçant "une hypocrisie fondamentale, illustrée par un PS qui, avec Benoît Hamon, d'un côté, et les strauss-kahniens, de l'autre, draguent, d'un côté, la gauche radicale et le PC, et de l'autre, la droite du centre. Ségolène Royal est encore plus caricaturale, avec ses sourires "Colgate" adressés alternativement à Besancenot et Bayrou. On fait comme si tout était compatible. On gagne du temps".
Voilà donc l'objet du litige. Bien sûr, Val est trop intelligent pour avoir tout faux. Mais il n'a pas tout vrai. Je lui réponds ceci:
1- On reproche surtout à Aubry d'avoir évincé Royal. Maintenant Delanoë. Il est plus simple de dire qu'elle n'a évincé personne, qu'elle a gagné sur des idées, dont l'une était le refus de voir le parti se présidentialiser. Ce n'est pas une affaire de personne, c'est un choix politique.
2- Le gauchissement du PS, voulu par les strauss-kahniens, est lui aussi un choix politique, pas une misérable considération tactique. Pour trois raisons:
a- Face à une droite sarkozienne dure, qui n'a rien à voir avec la ligne modérée de Chirac, il faut que le PS prenne ses marques. A gauche donc, pas au centre. Sinon les électeurs ne vont plus s'y retrouver, d'autant que Sarkozy brouille habilement les pistes, s'empare de nos valeurs, parfois de nos effigies, et récupère quelques-uns de nos hommes.
b- Face à une gauche qui se radicalise, dont une partie est séduite par le NPA, il faut mettre le holà, en ancrant le PS à gauche. Sinon nos troupes suivront le chemin de Mélenchon. Pas besoin pour ça d'imiter Besancenot: au contraire, il faut nous distinguer de lui, mais sur des valeurs de gauche, en montrant que la gauche n'est pas l'extrême gauche.
c- Face à un PS déchiré sur la question européenne, il était urgent que nous dépassions le clivage de 2005 entre le oui et le non à la Constitution européenne. C'est le fond de la réconciliation entre strauss-kahniens et fabiusiens. Elle était indispensable si nous voulions continuer à vivre ensemble.
Le "gauchisme" de Benoît Hamon? Benoît est le représentant le plus ouvert et le plus intelligent de notre aile gauche. On ne va pas bouder notre plaisir en l'ayant comme porte-parole. Cette aile gauche aurait connu sa vraie victoire seulement si elle avait gardé Fabius comme champion. Le club "Gauche Avenir" travaillait à ça. Il est maintenant mis en sourdine. En vérité, les militants les plus conséquents de l'aile gauche ont rejoint le Parti de Gauche. Rien à craindre de ce côté-là.
Philippe Val est un intellectuel: théoriquement, il a raison, Delanoë convient mieux à un social-démocrate qu'Aubry. Mais il y a le contexte politique, dont on ne peut pas faire abstraction. Et ce contexte, pour les trois raisons que j'ai évoquées plus haut, exigeait de choisir Aubry comme première secrétaire. Quant à la présidentielle, on verra. Mais pour moi, c'est toujours DSK!
Bon après-midi.
Ce n'est pas quand il dénonce "le silence de la gauche" sur les manifestations antisémites contre l'animateur Arthur. J'ai fait là-dessus, il y a quelques jours, un billet où je dis moi aussi à peu près ça. Ce n'est pas non plus quand il déplore "la façon dont Péan a attaqué Kouchner", qui selon lui "pue l'aigreur néo-pétainiste". Je n'ai pas parlé du "Monde selon K.", mais ce Péan est un drôle de bonhomme dont je ne sais pas trop quoi penser. Je suis prêt à faire crédit à Val sur ce point.
Là où nous nous séparons, c'est sur le jugement que ce social-démocrate proclamé, avec qui j'ai tout pour m'entendre, porte sur le Parti socialiste d'aujourd'hui:
"La nouvelle direction n'a vu le jour qu'au prix d'une manoeuvre réussie en vue de l'éviction de Bertrand Delanoë, le seul pourtant qui a refusé de prendre les militants pour des demeurés et qui l'a payé très cher. Et cela dit tout. Que ses idées soient bonnes ou mauvaises, là n'est pas la question. Il ouvrait un débat qui a été refusé".
Plus loin, Val porte l'estocade, en dénonçant "une hypocrisie fondamentale, illustrée par un PS qui, avec Benoît Hamon, d'un côté, et les strauss-kahniens, de l'autre, draguent, d'un côté, la gauche radicale et le PC, et de l'autre, la droite du centre. Ségolène Royal est encore plus caricaturale, avec ses sourires "Colgate" adressés alternativement à Besancenot et Bayrou. On fait comme si tout était compatible. On gagne du temps".
Voilà donc l'objet du litige. Bien sûr, Val est trop intelligent pour avoir tout faux. Mais il n'a pas tout vrai. Je lui réponds ceci:
1- On reproche surtout à Aubry d'avoir évincé Royal. Maintenant Delanoë. Il est plus simple de dire qu'elle n'a évincé personne, qu'elle a gagné sur des idées, dont l'une était le refus de voir le parti se présidentialiser. Ce n'est pas une affaire de personne, c'est un choix politique.
2- Le gauchissement du PS, voulu par les strauss-kahniens, est lui aussi un choix politique, pas une misérable considération tactique. Pour trois raisons:
a- Face à une droite sarkozienne dure, qui n'a rien à voir avec la ligne modérée de Chirac, il faut que le PS prenne ses marques. A gauche donc, pas au centre. Sinon les électeurs ne vont plus s'y retrouver, d'autant que Sarkozy brouille habilement les pistes, s'empare de nos valeurs, parfois de nos effigies, et récupère quelques-uns de nos hommes.
b- Face à une gauche qui se radicalise, dont une partie est séduite par le NPA, il faut mettre le holà, en ancrant le PS à gauche. Sinon nos troupes suivront le chemin de Mélenchon. Pas besoin pour ça d'imiter Besancenot: au contraire, il faut nous distinguer de lui, mais sur des valeurs de gauche, en montrant que la gauche n'est pas l'extrême gauche.
c- Face à un PS déchiré sur la question européenne, il était urgent que nous dépassions le clivage de 2005 entre le oui et le non à la Constitution européenne. C'est le fond de la réconciliation entre strauss-kahniens et fabiusiens. Elle était indispensable si nous voulions continuer à vivre ensemble.
Le "gauchisme" de Benoît Hamon? Benoît est le représentant le plus ouvert et le plus intelligent de notre aile gauche. On ne va pas bouder notre plaisir en l'ayant comme porte-parole. Cette aile gauche aurait connu sa vraie victoire seulement si elle avait gardé Fabius comme champion. Le club "Gauche Avenir" travaillait à ça. Il est maintenant mis en sourdine. En vérité, les militants les plus conséquents de l'aile gauche ont rejoint le Parti de Gauche. Rien à craindre de ce côté-là.
Philippe Val est un intellectuel: théoriquement, il a raison, Delanoë convient mieux à un social-démocrate qu'Aubry. Mais il y a le contexte politique, dont on ne peut pas faire abstraction. Et ce contexte, pour les trois raisons que j'ai évoquées plus haut, exigeait de choisir Aubry comme première secrétaire. Quant à la présidentielle, on verra. Mais pour moi, c'est toujours DSK!
Bon après-midi.
7 Comments:
Et bien pour une fois,
je suis tout à fait d'accord avec Val.
By grandourscharmant, at 7:01 PM
Pour moi, il y a un ticket gagnant à présenter en 2012. Le tiercé social démocrate réformiste, avec à l'International DSK; comme présidente en relation avec l'Europe, Catherine Trautman, et au charbon, comme premier ministre, Pierre Moscovici. Les trois postes cités sont nécessaires pour pouvoir appliquer une nouvelle politique qui englobe des strates différentes. Je ne vois pas mieux comme candidats au PS, et surtout capables de travailler ensemble sans se tirer dans les pattes.
By jpbb, at 7:46 PM
A l'ours:
Pourquoi être d'accord "pour une fois"? Un peu de suite dans les idées devrait vous mettre plus souvent en accord avec lui.
By Emmanuel Mousset, at 9:30 PM
A Jpbb:
Mon ticket gagnant 2012, c'est DSK président et qui vous voudrez Premier ministre, puisque ce poste a perdu toute profondeur politique.
By Emmanuel Mousset, at 9:32 PM
Benoit Hamon est très décevant et extrémement mauvais (comme la nouvelle direction du PS d'ailleur...).
Il est méprisant, ne connais pas ses dossiers, se fait démonter en deux secondes par les journalistes...
Pourquoi Vincent Peillon a t'il plus de porté que lui(cf ses dernière apparitions TV où il a étais excellent!)?
Martine Aubry n'est pas mauvaise tout comme Ségolène Royal...
Pour moi une direction Aubry Delanoë Royal serait bien plus efficace qu'une direction Aubry Strauss-Kahn-Fabius.
Quid de la rénovation de Montebourg?
D'ailleur je pense qu'effectivement le grand perdant du congrès c'est Delanoë!
By Anonyme, at 6:21 PM
Je souhaite que tous nos grands ténors se retrouvent dans la direction du PS, chacun à sa place, chacun selon ses talents et ses compétences. C'est comme ça que je conçois la politique.
On ne devrait pas s'exclure entre socialistes. Gagner ensemble ou perdre ensemble, c'est mon principe. Qui hélas n'est pas partagé par tous.
By Emmanuel Mousset, at 9:01 PM
Tiens, à propos de Val, je me dois malheureusement de rappeler la justesse de mes analyses de l'été dernier. L'affaire Siné a été le fait d'éclat que se devait d'accomplir ce courtisan pour montrer son allégeance au monarque, et être rétribué comme il en rêvait.
Tout bien considéré, cette affaire et ses deux conclusions (côté lumière, la création de Siné-Hebdo ; côté ombre la nomination de Val à France-Inter) est un cas d'école. Le plus triste est l'ineptie d'une partie de la gauche dès qu'il s'agit de réfléchir sur ce qu'est vraiment l'antisémitisme et comment le combattre.
J'ai assisté cet été à une corrida à Madrid ; le comportement stupide du taureau s'excitant sur les bouts de tissu qu'on agite devant lui m'a irrésistiblement évoqué cette gauche-là.
By Unknown, at 6:44 PM
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